Championnats d’Europe - Diniz : "J'ai fait la course de ma vie"

"J'ai fait la course de ma vie à Zürich." Yohann Diniz n'y est pas allé par quatre chemins pour pour qualifier la portée d'un troisième titre consécutif de champion d'Europe du 50km marche, une première pour un Français, assortie d'un somptueux record du monde (3h32’33"). "La course de ma vie", et même de toute une vie. Depuis le temps que le Rémois, âgé de 36 ans, use les semelles sur le macadam.

Diniz est revenu de "quatre ans d'un grand, grand, grand trou noir". Les blessures, les coups de moins bien. Et un chemin de croix dont les stations s'appellent les Jeux olympiques de Pékin 2008 (abandon), les Mondiaux de Berlin 2009 (12e), les Mondiaux de Daegu 2011 (disqualification pour marche incorrecte alors qu'il menait grand train). Puis Londres, aux JO 2012, où, malgré une chute, il avait terminé huitième après moultes péripéties, avant d'être disqualifié pour ravitaillement hors zone.

En 2013, à Moscou, au bord de l'abandon, il avait tenu à terminer dans l'anonymat d'une dixième place. Mais c'est bien dans la capitale russe qu'il avait entrevu la lumière. Il lui avait alors fallu se séparer de Pascal Chirat, son entraîneur et manager de la marche athlétique en équipe de France. Parce que l'affectif masquait les problèmes. Diniz a remis les choses à plat et retrouvé un entraîneur dans son club de Reims, Gilles Rocca. Il a aussi écouté le technicien italien Pietro Pastorini, qui lui "a apporté de très bons conseils pour changer (sa) technique et ne plus avoir de problèmes avec les juges".

Ainsi remis sur rails, Diniz est reparti. "Je ne savais pas vraiment ce que je valais. C'était mon premier 50km cette saison. Mais j'avais travaillé toutes les allures, du 5 au 50km", a rappelé le Champenois, devenu un forçat de la natation après une fissure osseuse à un talon en février dernier. "Il a traversé d'énormes épreuves et là il sort quelque chose de phénoménal. Il ne fait rien à moitié", a insisté Jean-Michel Serra, médecin des corps et des âmes en équipe de France.

Dans les rues de Zürich, le natif d'Epernay a "retrouvé (son) grain de folie" et "a été capable de marcher à la Diniz, de manière imprévisible. C’était une course de dingue, mais je suis un dingue !", a-t-il lâché en repensant à la physionomie de la course. "Je suis parti prudemment mais, comme d’habitude, j’ai eu des fourmis dans les jambes et je suis allé rejoindre les Russes. Je me sentais très à l’aise techniquement. Quand ça a accéléré avec Ryzhov, je me suis dit : c’est pas possible ! On est en train de tourner comme des avions ! Mais je ne me suis pas inquiété. J’avais plus d’expérience que lui. Je connaissais mieux que lui la dernière heure de course. Elle a été pour moi !"

Diniz n'a pas oublié d'où il venait. "L'athlétisme m'a sauvé la vie", a-t-il répété, référence au temps du service civil qu'il avait fait dans un quartier difficile de Reims, où le club local lui avait fait découvrir la marche. Et puis il a remonté sa généalogie en franchissant la ligne de la délivrance avec deux drapeaux : le bleu-blanc-rouge dans la main droite, les couleurs du Portugal dans la gauche. Un hommage à ses origines paternelles, au grand-père Xavier et à la grand-mère Roberte, décédée il y a quelques mois, "qui m'ont aidé de là-haut". En passant la ligne d’arrivée, Yohann a levé son visage décharné vers un ciel lourd de nuages.