Lavillenie recordman du monde (6,16m) : L'incroyable ascension

Après avoir égalé son record personnel à 5,81m à Moscou, Renaud Lavillenie dispute sa première grande compétition à Turin aux Championnats d’Europe en salle 2009. A son premier essai, il efface de nouveau 5,81m et devient le premier Français à décrocher ce titre continental indoor depuis 1987 et Thierry Vigneron, sacré à Liévin.

C’est au Portugal, à Leiria, lors des Championnats d’Europe par équipes, que Renaud Lavillenie franchit pour la première fois de sa carrière la hauteur mythique des six mètres. Avec un bond à 6,01m, le Charentais améliore le record de France en plein air de son idole, Jean Galfione, de trois centimètres. Ce saut lui permet de devenir le deuxième Tricolore à plus de six mètres, le quinzième homme. Impétueux, il tentera ensuite 6,10m pour trois échecs.

A Berlin, en 2009, Renaud Lavillenie arrive avec le statut de favori. Candidat à l’or, meilleur performer de la saison (5,95m), le Français devra se contenter du bronze. Après des qualifications bien maîtrisées, il tombe sur un os en finale le 22 août. Il efface 5,50m puis 5,65m. Après s’être fait peur à 5,75m, qu’il efface au troisième essai, il réussit 5,80m mais n’ira pas plus haut. Romain Mesnil (5,85m) mais surtout Steven Hooker (5,90m) font mieux.

Il est neuf heures du matin, le jour se lève à Doha pour les Mondiaux en salle de 2010. Les corps aussi. Le réveil est difficile pour Renaud Lavillenie. Après une première tentative réussie à 5,45m, le Français reste bloqué à 5,60m après avoir attendu de longues minutes de sauter et sort dès les qualifications. La finale se disputera sans lui. "J’étais peut-être trop en forme. Cet échec est difficile à expliquer. C’est une grosse désillusion, mais c’est le métier qui rentre", avance-t-il.

Le 31 juillet 2010, Renaud Lavillenie décroche son premier titre européen en plein air, le premier de l’histoire pour la France, à Barcelone. Au premier essai, il passe 5,85m. Un saut qui lui offre la médaille d’or devant l’Ukrainien Mazuryk (5,80m) et le Polonais Czerwinski (5,75m). Assuré de la première place, le Français demande une barre à 6,02m, soit un centimètre de plus que son record de France. En vain.

Devant son public, Lavillenie arrive à Bercy en mars 2011 fort d’un début de saison idéale. En son sein, les deux meilleures performances mondiales de l’année 2011. Qualifié pour la finale, aux côtés de Jérôme Clavier, il débute son concours à 5,61m (au 2e essai) puis passe 5,71m dès sa première tentative. Après avoir fait l’impasse à 5,76m, il est le seul à franchir 5,81m et décroche son deuxième titre européen indoor deux ans après Turin, devant Clavier, argenté. Là-encore, il demande des barres supplémentaires : 5,91m d’abord puis 6,03m. Une hauteur qu’il efface dès son premier saut. Sous les yeux de Sergueï Bubka, il s’essaie au record du monde de l’Ukrainien (6,16m) mais ne réalise pas un nouvel exploit.

Un mois avant les Mondiaux de Daegu, Lavillenie s’est rassuré au stade Louis II de Monaco en fixant la meilleure performance mondiale à 5,90m. En 2011, il arrive en Corée du Sud avec une seule ambition : décrocher l’or raté deux ans plus tôt à Berlin. Une nouvelle fois, sa campagne planétaire se solde par du bronze, sa cinquième médaille consécutive dans une grande compétition internationale. Avec une barre à 5,85m, il débloque le compteur tricolore (Romain Mesnil s’est pris les pieds dans le tapis à 5,65m) mais doit se contenter de la troisième place. Le Polonais Wojciechowski (5,90m) est sacré, devant le Cubain Borges (5,90m aussi). "Une déception" pour le Français, qui reconnaît n’avoir commis "aucune faute". "La réussite est passée dans le camp adverse. La perche est ainsi faite", regrette-t-il.

A Istanbul, en mars 2012, Renaud Lavillenie ne tremble pas lors des Mondiaux indoor, malgré une préparation tronquée par une opération d’une fracture de la main gauche en décembre. Avec une barre à 5,95m effacée à son premier saut, il signe une nouvelle meilleure performance planétaire de l’année (il avait sauté à 5,93m en février à Nevers). L’Allemand Björn Otto et l’Américain Brad Walker s’arrêtent à 5,80m et entourent le Français sur le podium, véritable patron de la perche mondiale.

Deux ans après son triomphe catalan, Lavillenie retrouve les sommets européens à Helsinki, durant "le plus dur et le plus beau" concours de sa carrière, selon lui. Après avoir éprouvé toutes les peines du monde à 5,82m (au 3e), le Clermontois d’adoption franchit 5,87, 5,92m et 5,97m au premier essai. Face à l’Allemagne emmenée par Bjorn Otto, Raphael Heldzeppe, tous les deux sur le podium, et Malte Mohr, il pioche dans ses réserves. Et combat parfois un fort vent défavorable. Assuré de la victoire, il s’essaye à 6,02m et passe tout près d’y parvenir.

Pour ses premiers Jeux olympiques, il débarque à Londres accompagné de Romain Mesnil en 2012. Après des qualifications qui ont mis fin aux parcours de Wojciechowski et Borges, Lavillenie déroule en début de finale : il efface 5,65m, 5,75m et 5,85m dès son premier essai. Le podium est assuré mais le Français ne veut pas s’arrêter là. Poussé par Otto et Holzdeppe, qui passent 5,91m avant lui, le natif de Barbezieux rate son premier essai à cette hauteur et garde deux sauts à 5,97m. A son ultime tentative, il touche le Graal et fixe un nouveau record olympique. Après des essais infructueux à 6,02m puis 6,07m, il peut enfin célébrer ce premier titre olympique et succéder à Pierre Quinon (1984) et Jean Galfione (1996) au palmarès.

A Göteborg, Lavillenie décroche un nouveau, le troisième, titre continental en mars 2013. Après un début de finale parfait (5,61 m, 5,86 m, 5,91 m, 5,96 m passés au premier essai), il s’offre 6,01m sans trembler, là encore, à sa première tentative. Alors que Lavillenie s’essaye ensuite à 6,07m, le Français passe enfin. Enfin, croit passer. Les juges invalident le saut car la barre n’est pas restée sur les taquets. En larmes, Lavillenie n’y croit pas. "Il y a des règles qui sont stupides. On nous met des bâtons dans les roues. La perche n’a pas la même dimension qu’il y a vingt ans. C’est devenu un autre sport. Les règles, on les connaît. Il faut les accepter. Mais en subir les conséquences ainsi, c’est super dur", regrette-t-il.

Quelques jours après l'imbroglio de Rouen et son record de France gâché par un contrôle anti-dopage qui ne répondait pas aux règles, Lavillenie fait encore mieux à Bydgoszcz. Quatre centimètres de plus. En effaçant 6,08m avec une facilité déconcertante, le Clermontois devient le deuxième performeur de l'histoire, derrière Serguei Bubka. Son saut montre une chose : le record du monde (6,15m) de l'Ukrainien n'a jamais été aussi menacé.

On ne bat pas les records du monde sur commande, normalement. Pourtant, le jour J, Renaud Lavillenie l'a fait.Samedi à Donetsk, sous les yeux du Tsar, le Français a largement passé les 6,16 mètres et s'est arrogé le record du monde qui semblait le plus inaccessible de l'athlétisme. Au premier essai et le plus aisément du monde, Lavillenie a réussi son exceptionnel pari. Devenir l'homme le plus haut de l'histoire et détrôner l'indétrônable. Peut-être le plus grand exploit de l'histoire du sport français. Assurément même.