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Il était une fois les Mondiaux : Goeteborg 1995, le moment de grâce du Goéland, Jonathan Edwards

Laurent Vergne

Publié 27/08/2015 à 11:02 GMT+2

MONDIAUX 2015 - Dans notre série sur les grands moments de l'histoire des Championnats du monde d'athlétisme, gros plan ce jeudi sur l'extraordinaire concours du triple saut de Jonathan Edwards, il y a tout juste 20 ans.

Jonathan Edwards à Goeterborg en 1995

Crédit: Imago

Remporter un titre mondial, c'est une consécration majeure. Doubler pareil sacre d'un record du monde, c'est ajouter une cerise géante sur un gâteau au goût incomparable. Mais battre deux fois ce record dans une finale mondiale, c'est tout simplement extraordinaire. Jonathan Edwards a accompli cet exploit hors du commun à Göteborg, en 1995.
Le "Goéland" a vécu à l'Ullevi Stadion de Göteborg un moment de grâce comme peu de champions en connaissent dans une carrière. Un de ces soirs où rien ne peut vous atteindre. Ou même l'impossible parait s'insérer dans une forme de normalité. Bonus de tous les bonus, il a même brisé une barrière mythique. En somme, Edwards a compilé en une poignée de minutes tout ce qu'un athlète de haut niveau peut rêver d'accomplir dans une carrière entière.
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Jonathan Edwards

Crédit: Imago

Comme un bon élève

En Suède, le Britannique est le grand favori pour le titre mais il rêve aussi secrètement de briser la barre des 18 mètres au triple saut. Un peu plus tôt dans la saison, lors du meeting de Salamanque, il s'est emparé du record du monde avec un triple bond à 17,98m. Deux petits centimètres avant "la porte du paradis", comme il le dit joliment. Personnalité attachante (sa bouille de gamin...) et respectée, marié et père de deux enfants, fils de vicaire refusant de sauter le dimanche par conviction religieuse (il est baptiste), Edwards est considéré comme un grand triple sauteur. Pas encore comme une légende de l'athlétisme. Mais tout va changer.
Il est un peu plus de 18 heures ce 7 août 1995 quand débute la finale du triple saut. L'air est frais (19 degrés à peine), le vent léger, le ciel menaçant. Pourtant, la tempête qui va s'abattre ne viendra pas d'en haut, mais du sautoir. Premier essai. Edwards n'est pas en mode diesel. Il s'élance, s'envole, une fois, deux fois, trois fois. Puis il parait ne jamais retomber. Lorsqu'il reprend contact avec le sol, il est plus loin qu'aucun homme n'est jamais allé dans un bac à sable. Mesurant avant la mesure la nature de son exploit, il lève déjà les bras. Comme un bon élève sachant qu'il va avoir la meilleure note de la classe, il bout d'impatience pour découvrir si ce sera un 18 ou un 20.. Le verdict tombe: 18,16m. Et une page d'histoire, une.

La libération du goéland

Pour lui, c'est une joie immense, évidemment. Un soulagement, aussi. Deux mois plus tôt, à Villeneuve d'Ascq, il était déjà allé dire bonjour aux étoiles. Deux fois: 18,39m et 18,43m. Mais le vent avait pris un malin plaisir à souffler trop fort: 2,4 mètres par seconde. Il n'avait même pas besoin de l'ami Eole et voilà qu'il lui pourrissait son moment de gloire. Depuis, Jonathan rumine. Il se dit que, peut-être, jamais plus il ne retrouvera un tel état de grâce. Il se trompe. Avec ce saut à 18,16m, il le sait maintenant.
Quand il s'installe en bout de piste pour la course d'élan de son deuxième essai, le Goéland est libéré. Une liberté doublée d'une douce euphorie. L'or est en poche (personne ne peut venir le chercher). Le record aussi. Et les 18 mètres avec. Son triple contrat est déjà rempli. Il n'y a plus qu'à se faire plaisir. Là, Edwards ne fait pas semblant: sous le soleil, venu se frayer un chemin pour assister au spectacle, il bat son propre record du monde, un des plus éphémères de toute l'histoire de l'athlétisme. Pourtant, sa planche n'est même pas parfaite... Cette fois, il se place devant sa marque, lève les bras, avec un sourire tranquille. Il savoure, goûte le moment, on le sent. Nouveau verdict: 18,29m.

Une partie d'échecs pour évacuer l'angoisse

Paradoxalement, ce 7 août magique avait mal commencé pour Jonathan Edwards. Il s'est réveillé totalement angoissé. "J'étais même pétrifié, racontera-t-il bien plus tard. J'ai appelé ma femme Alison, elle était nerveuse et inquiète pour moi, de me sentir comme ça. Je pensais tout le temps à Brian et Yoelvis (Wellman et Quesada, deux de ses principaux rivaux, qui termineront deuxième et quatrième de la finale). J'avais peur qu'ils sortent un saut énorme, qu'ils me battent. J'étais comme dans une forme d'agonie." Il faudra une partie d'échecs avec son compatriote Curtis Robb, spécialiste du 800m, pour que ses angoisses s'apaisent peu à peu. "Une fois au stade, je me suis senti bien". On peut le croire.
Avec le recul, Jonathan Edwards peine toujours à réaliser ce qu'il a accompli. Un peu comme s'il avait été possédé par une force extérieur. "Mes sauts à Göteborg étaient moins bons qu'à Lille. Là, j'avais vraiment réussi le saut parfait. Sincèrement, j'ai été surpris de voir 18,29m s'afficher. Quand on y pense, c'est invraisemblable. J'ai battu deux fois mon propre record du monde en quelques minutes alors que celui de Willie Banks avait tenu bon pendant 10 ans (NDLR: Banks a détenu le record de juin 1985 à juin 1995, quand Edwards l'a battu à Salamanque). Ca n'a pas de sens."
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