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Il était une fois les Mondiaux : Rome 1987, le 400m haies le plus dingue de l'histoire

Laurent Vergne

Mis à jour 26/08/2015 à 11:55 GMT+2

MONDIAUX - Dans notre série sur les grands moments de l'histoire des Championnats du monde d'athlétisme, gros plan ce mercredi sur l'une des plus fabuleuses courses de tous les temps : le 400m haies de Rome, en 1987, avec un finish à couper le souffle. Et le crépuscule victorieux d'un géant, Edwin Moses.

400m haies : La victoire d'Edwin Moses à Rome en 1987

Crédit: Imago

Ni plus ni moins qu'une des plus grandes courses de l'histoire des Championnats du monde. Ni plus ni moins qu'un des plus grands champions de ces 40 dernières années. L'histoire d'Edwin Moses aux Mondiaux de Rome en 1987, c'est celle du crépuscule d'un dieu, celui du 400 mètres haies. Mais un crépuscule victorieux.
Véritable phénomène, Moses est resté invaincu pendant dix ans et 122 victoires (dont 107 en finale), de 1977 à 1987. Très exactement, neuf ans, neuf mois et neuf jours. Le 4 juin 1987, lors du meeting de Madrid, l'Américain s'incline face à son compatriote Danny Harris (47"56 contre 47"69). C'est la fin d'un mythe. Paradoxalement, cette défaite a humanisé Moses, assez peu apprécié du grand public, y compris américain, qui le voit comme une sorte d'automate sans émotion. Il gagne, gagne, gagne encore et gagne toujours, mais à quoi bon?
Moses lui-même s'est souvent amusé de cette insolente supériorité qui, non seulement le faisait enchaîner les victoires, mais souvent avec une marge hallucinante. "Les gens me voient comme une sorte de monstre, d'autres pensent que mes adversaires sont tellement mauvais que je n'ai aucun mérite, avait-il expliqué un jour. En fait, la réalité est beaucoup plus simple: quand je suis lent, je suis plus rapide que les autres. Quand je suis seulement moyen, cela reste très rapide le plus souvent."
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Edwin Moses à Rome en 1987

Crédit: Imago

Le révérend Jackson, l'homme-clé

Le tout était dit sans aucune morgue. Moses n'a jamais rêvé de devenir un champion et moins encore une star. Son truc à lui, c'était la science. Les volcans, qui fascinaient ce fils de professeurs. Ou l'espace. Petit, Edwin construisait des maquettes de fusée dans sa chambre. Il se rêvait ingénieur, pas champion olympique. Puis un jour, il a découvert qu'il était extrêmement rapide. Pris sous son aile par le révérend Lloyd Jackson à l'Université de Morehouse, en Géorgie, il devient vite un phénomène.
C'est Jackson, qui s'occupe d'un club d'athlétisme, qui l'incite à se consacrer au 400m haies, discipline idéale selon lui pour exprimer son sens de la foulée et du rythme de course. Moses s'épanouit aussitôt, lui qui n'avait guère goûté au basket ou au football américain. "Pour moi, le sport ne pouvait qu'être individuel, je veux dire pour moi, en tant que pratiquant. C'était simple: un départ, une arrivée, on va le plus vite possible, on ne rend de compte à personne d'autre qu'à soi-même."
Une approche ultra-pragmatique, presque scientifique, qui sied au jeune Moses. A 21 ans à peine, il déboule sur la scène olympique, à Montréal. On ne le connaît pas vraiment. On apprend à le connaître: médaille d'or, record du monde. Un an après débute son extraordinaire période d'invincibilité qui durera donc quasiment dix ans. Une fois Moses battu, tout le monde attend la suite avec impatience. La proximité évidente de la fin de son règne (il a 32 ans en 1987) et cette défaite contre Harris pimente grandement la perspective du rendez-vous mondial de Rome en 1987.

A Rome, il est sous la menace, plus que jamais

Mais Moses est serein. "Oui, j'ai perdu une course, mais je suis déjà revenu de choses plus difficiles, comme de ma maladie (une pleurésie) en 1982, une année blanche pour moi. Et l'année d'après, lors de mon retour, j'ai battu mon record du monde, qui tenait depuis trois ans." Vrai. Ses 47"02 constituent d'ailleurs toujours aujourd'hui la deuxième meilleure performance de l'histoire. Seul Kevin Young a couru plus vite en trente ans.
Mais le grand Edwin ne peut nier l'impact psychologique d'une vraie défaite. La blessure, d'une certaine manière, c'est une défaite que l'athlète, via son corps, s'inflige à lui-même. Elle est endogène. Celle contre Harris change tout. Pour Moses, mais surtout pour la concurrence, qui voit le tabou de l'invincibilité enfIn brisé. A Rome, le roi du 400 haies est donc plus que jamais sous la menace.
Lors de la finale, où il est placé au couloir 3, il a pour principal adversaire Harris, évidemment (couloir 5), mais aussi l'Allemand Harald Schmid, grand rival de Moses, coincé entre les deux Américains. Ce trio va offrir au public romain un grand moment d'athlétisme. Pendant 300 mètres, c'est le retour du roi. Plus magistral que jamais, Moses donne la leçon. Son départ est excellent. Son dernier virage, où il fait la différence sur Harris, parfait.

Il reste lui et les autres

A l'entame de la dernière ligne droite, il dispose d'une avance très confortable. On le voit même battre son record du monde et descendre sous les 47 secondes pour la première fois. Mais d'un seul coup, il commence à piocher. Son passage des deux dernières haies est laborieux. Harris et Schmid, comme aspirés, fondent sur lui au sprint quand il parait ne plus avancer.
Sur la ligne d'arrivée, les trois hommes semblent quasiment sur la même ligne. Moses a toutefois conservé deux petits centièmes d'avance sur ses deux rivaux: 47"46 contre 47"48. Un podium en deux centimètres sur un tour de piste. Epuisé, il n'arrive même pas à célébrer. Le souverain vient de remporter sa dernière bataille, la plus belle, peut-être. Un an plus tard, Moses subira une ultime défaite, en finale des Jeux de Séoul, où il devra se contenter du bronze. Le temps était venu pour lui de se retirer.
27 ans après sa retraite, Moses détient toujours 25 des 100 400m haies les plus rapides jamais courus. Et 9 des 22 plus rapides, soit 41%. Dans l'histoire de sa discipline, il reste lui et les autres. "J'aimerais qu'on se souvienne de moi comme d'un type que personne ne pouvait battre, dit-il après sa retraite. C'est très égocentrique, mais j'aimais tellement cette sensation". Sensation unique, comme sa domination.
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