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Il était une fois les Mondiaux : Tokyo 1991, le 100m du siècle, le plus beau sacre de Carl Lewis

Laurent Vergne

Mis à jour 24/08/2015 à 13:59 GMT+2

Chaque jour, découvrez ou redécouvrez une page mémorable de l'histoire des Championnats du monde d'athlétisme, depuis leur première édition en 1983. Lundi, gros plan sur l'extraordinaire finale du 100m de Tokyo en 1991. Peut-être le plus extraordinaire de l'histoire, par sa densité.

La finale du 100m à Tokyo en 1991.

Crédit: Imago

Le sport aime parfois manier l'ironie, entre douceur et cruauté. Prenez Carl Lewis. L'Américain sera un des héros des Championnats du monde de Tokyo en 1991. A l'époque, il est considéré comme un sprinter vieillissant, happé par la nouvelle génération, que personne n'incarne mieux que son compatriote Leroy Burrell. A l'inverse, il constitue toujours la référence à la longueur. Résultat, au Japon, Lewis va redevenir le maître de la ligne droite, tout en cédant sa suprématie dans le bac à sable. Mais nous y reviendrons. L'acte I, c'est ce 100m, aujourd'hui encore considéré comme le plus grand de l'histoire.
En amont de ces Mondiaux, Leroy Burrell s'est donc imposé comme le nouveau patron du sprint. Il bat Lewis presque à tous les coups, il gagne toutes ses courses et devient surtout le nouveau recordman du monde, lors des Sélections U.S., où il s'impose en 9"90. Mais le juge de paix, ce sera Tokyo. Burrell le sait. Lewis aussi. Tokyo n'est pas une terre anodine pour le 100m.
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Carl Lewis à Tokyo en 1991

Crédit: Imago

Les trois portions démentes de Lewis

C'est là, 27 ans plus tôt, que Bob Hayes a fait entrer la discipline dans une nouvelle ère à l'occasion des Jeux Olympiques. Sans pouvoir vraiment l'expliquer, chacun ressent de façon presque palpable que quelque chose de particulier se prépare. Dès les séries, Lewis met le feu. Il claque un 9"80, aidé il est vrai par un vent surpuissant à près de 4 mètres par seconde. Il n'empêche. Le ton est donné. Lewis confirme lors de sa demi-finale: 9"93. Mais Burrell n'est pas en reste: 9"94. Alors, à l'heure de la finale, le record de Burrell parait bel et bien en sursis.
L'attente est immense. Elle ne sera pas déçue. Au contraire, elle sera surpassée. L'élément déclencheur de ce 100m le plus fou de l'histoire, c'est peut-être le vrai-faux départ de Dennis Mitchell, le troisième larron américain. Pourquoi vrai-faux? Parce que Mitchell affiche un temps de réaction inférieur à 100 millièmes de seconde, la limite autorisée. Mais il n'est pas rappelé. Les juges ne bronchent pas. Les huit fauves sont donc lâchés, sur des bases "illégales" qui donnent le ton.
L'élément frappant des 30 premiers mètres, c'est le retard pris par Carl Lewis, seulement 6e à cet instant. Le départ n'a jamais été le point le plus fort de King Carl, mais là, son retard est tel qu'il parait difficile d'imaginer un retour possible. Pourtant, il va le faire, au prix d'une accélération ahurissante. Entre les 40 et les 50m, il court en 84 centièmes de seconde. Entre les 70 et les 80m, il est en 0"83 puis en 0"85 sur les dix mètres suivants. Sur ces trois portions, il signe par trois fois les "10 mètres" les plus rapides du XXe siècle. Il faudra attendre Usain Bolt pour voir quelqu'un aller plus vite à ces trois points de la course.
La finale du 100m en 1991 à Tokyo

Record du monde, d'Europe, et d'Afrique

Lewis comble donc immanquablement son retard et vient coiffer Leroy Burrell, en tête jusqu'aux 90 mètres. Les deux hommes battent le record du monde: 9"86 pour Lewis, 9"88 pour Burrell. Mais ce n'est pas tout. Derrière les deux Américains, quatre autres sprinters descendent sous les 10 secondes: Dennis Mitchell (9"91, qui complète le triplé américain), Linford Christie (9"92), Frankie Fredericks (9"95), et Ray Stewart, auteur d'un départ supersonique (9"96). Ces six-là battent tous leur record personnel. Au total, les records du monde, d'Europe et d'Afrique sont donc tombés au cours de ce 100m hors normes.
Il y a eu par la suite d'autres records. Usain Bolt a couru à Berlin en 2009 près de trois dixièmes plus vite que Carl Lewis. Mais la densité de performances du 100m de Tokyo, par rapport aux chronos habituels de l'époque, conserve une saveur unique. Un peu comme si, aujourd'hui, six finalistes descendaient sous les 9"80, dont deux sous les 9"60... Des huit médailles d'or mondiales de Lewis, celle-ci est probablement la plus belle. Quelques jours plus tard, il allait se contenter de la plus amère des médailles d'argent. Mais ça, c'est une autre histoire...
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