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NBA : "Cleveland, c'est pour toi" : 52 ans après, le roi LeBron a mis fin à la sécheresse

Laurent Vergne

Mis à jour 20/06/2016 à 13:30 GMT+2

NBA - C'est fait. Après 52 années de lose, de misère et de larmes en tous genres, Cleveland a gagné quelque chose. LeBron James, l'enfant du pays, le héros local, est celui qui aura rendu possible la fin de cette incroyable malédiction. Après avoir lui-même contribué à l'humiliation du "Clevelander" en 2010, il le comble aujourd'hui de bonheur et de fierté.

LeBron James en larmes dans les bras de Kevin Love après le sacre des Cleveland Cavaliers, dimanche 19 juin 2016

Crédit: AFP

"J'ai donné tout ce que j'avais. J'ai mis mon cœur et mon sang, ma sueur et mes larmes dans ce match. Contre toute attente… Cleveland, c'est pour toi !" Les premiers mots de LeBron James, dimanche soir, ont été ceux-ci. Ce "Cleveland, this is for you", est déjà passé à la postérité. Par sa performance monumentale dans ces Finals 2016, une des plus exceptionnelles de l'histoire, "L'Elu" a rendu cela possible. 29,7 points, 11,3 rebonds, 8,9 passes, plus de 50% de réussite aux tirs… James a été gigantesque sur l'ensemble de ces sept rencontres. Mais il a raison : ce titre, s'il est venu de sa main, n'est pas pour lui. Il n'est même pas pour les Cavs. Il est pour cette ville qui, enfin, vient de mettre derrière elle cinq décennies et deux années d'une invraisemblable et interminable attente.
Ses trois franchises majeures, les Indians (MLB), les Cavs (NBA) et les Browns (NFL) n'avaient plus rien gagné depuis 1964. 146 saisons cumulées dans ces trois Ligues. 1964 ! Les Beatles venaient de poser le pied pour la première fois sur le sol américain. C'était la Guerre froide. La commission Warren cherchait (ou pas ?) à savoir qui avait tué Kennedy. Mandela était en prison depuis sept mois et y resterait 26 ans de plus. Cassius Clay venait de devenir Mohamed Ali. Michael Jordan avait un an. Et… 64% de l'actuelle population de Cleveland n'avait pas encore vu le jour. C'était "The curse", la malédiction. Et "The drought", la sécheresse. Mais c'est une irrigation de bonheur que LeBron et sa bande viennent de déverser sur la cité du nord de l'Ohio.

L'année prochaine a mis 52 ans à venir

Il est sans doute difficile d'appréhender depuis la France ce qu'impliquait d'être un "Clevelander". Les supporters clermontois, en rugby, ont peut-être effleuré ce sentiment. Mais l'ASM a soulevé le Brennus il n'y a pas si longtemps. Et à Cleveland, ce sont trois équipes, pas une seule, qui ont uni leurs larmes pour réunir tous les fans de sport de la ville dans un même élan de consternation. Cleveland était devenue la ville qui perdait toujours le "big one", le match qui comptait vraiment. Et les "little ones" aussi, souvent, d'ailleurs.
Au-delà de l'absence de titres, il y avait surtout cette conviction que le monde entier, les dieux du sport et une force peut-être supérieure encore à tout ça s'acharnaient à faire souffrir les "Clevelanders". Il ne suffisait pas de les priver du goût de la victoire, encore fallait-il ajouter la cruauté à la frustration, soit en les humiliant, soit en les aguichant. Ainsi, Cleveland a souvent cru son heure venue, pour mieux voir le titre se dérober.
T-Shirt Cleveland "Reverse the curse" après le titre NBA des Cavaliers
Dans un journal local, un dessinateur avait à la fin des années 90 représenté un enfant, incarnant sa ville. Sur le dessin, il était invité par le diable à ouvrir la bouche comme pour goûter au bonheur. Puis le démon se retirait au dernier moment, s'éclipsant sur un rire que l'on imaginait aisément sardonique. Dans une bulle, ces mots : "L'année prochaine, peut-être". L'année prochaine a mis encore près de 20 ans à venir. Et 52 au total. Mais elle est venue.
D'ailleurs, ce lundi matin, certains médias locaux sont bien ennuyés. Les sites "Waiting for next year" (attendre l'année prochaine) ou "God hates Cleveland sports" (Dieu hait le sport à Cleveland) risquent de devoir changer de nom. Ou pas. Car cette culture de la poisse a fédéré les habitants autour d'un même sentiment. Tout ceci ne s'est pas effacé dimanche soir. Ce demi-siècle restera ancré dans l'ADN de Cleveland, mais la fin de la sécheresse permet désormais d'y poser un autre regard. "Believeland", comme l'a joliment dit ESPN dans son documentaire relatant cette improbable malédiction, ne doit surtout pas perdre cette force si particulière, qu'aucun autre fan de sport aux Etats-Unis ne pouvait comprendre. Cette force d'y croire, encore, malgré tout. Contre tout.

La trahison et le retour du roi

Pour stopper la roue du destin, il fallait sans doute le retour de l'enfant sacré du pays. Ce ne pouvait venir que de lui. LeBron James, né à Akron, Ohio. Drafté par les Cavs. Il était celui, depuis toujours, qui devait remettre Cleveland dans la catégorie des vainqueurs. C'est fait. L'Amérique et Cleveland trouveront vite un nom pour sceller la place dans l'histoire de ce game 7. Il trônera, fièrement, dans la colonne "bonheur", à côté de l'interminable colonne "désillusions", où l'on trouvait "The shot" (le panier de Michael Jordan sur la tête de Craig Elho), "The drive" (celui de John Elway et Denver pour priver les Browns d'une place au Super Bowl en 1987), "The Red right 88" (autre moment de sublime cruauté pour les Browns), ou encore "The choke" (l'effondrement des Indians lors du dernier match des World Series 1997). Des défaites comme autant de douleurs. Comme si Cleveland avait dû subir un "Séville 1982" tous les six mois.
Mais ce n'étaient là "que" des défaites. Aujourd'hui, ce sont surtout "The move" et "The decision" les deux plus grandes souffrances du "Clevelander", qui viennent d'être apaisées. Deux humiliations. Le "move", ce fut celui du propriétaire des Browns, qui avait choisi de quitter Cleveland pour s'installer à Baltimore, laissant en 1995 cette cité qui a le football dans les veines sans sa franchise NFL. La décision, ce fut celle de LeBron James, décidant en 2010 de partir à son tour, pour rejoindre Miami. Avec ces mots jetés à la face de sa ville : "Je pars là où je pense que j'aurai les meilleures chances de gagner des titres pendant plusieurs années et pas seulement de gagner la saison régulière". Prends ça, Cleveland, ville de la lose. Deux affronts terribles, comme pour dire aux Clevelanders, "vous ne valez rien". Plus que 52 années de défaite, ce sont ces deux plaies-là qui viennent de se refermer.
Et l'histoire retiendra que c'est un autre "move", la marche arrière d'un LeBron James de retour au pays en 2014, qui a rendu cela possible. Si n'importe quel autre joueur avait porté les Cavaliers au sacre dimanche, l'histoire n'eut pas été tout à fait aussi belle, aussi forte. Alors, oui, James a raison. Cette victoire, c'est grâce à lui. Mais elle est pour Cleveland. Profitez, Clevelanders. Si quelqu'un mérite un peu de ce bonheur-là, c'est bien vous.
Lebron James et Cleveland sont sacrés champions
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