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Entourage réputé, premiers combats mitigés, communication critiquée : où en est Yoka ?

François-Miguel Boudet

Mis à jour 16/12/2017 à 10:29 GMT+1

Baptisé "La Conquête", le plan de carrière de Tony Yoka qui doit le conduire vers une ceinture mondiale en 2020-2021 laisse sceptique. Samedi, il défiera Ali Baghouz, un boxeur belge peu réputé. Décryptage de sa stratégie pour conquérir le monde.

Tony Yoka

Crédit: Getty Images

Tony Yoka, après son titre olympique à Rio, est devenu le porte-étendard médiatique de la boxe en France. Doué, belle gueule, poids lourd, formant un couple glamour avec Estelle Mossely, le boxeur a tout pour lui. Canal+ ne s'y est d'ailleurs pas trompé en signant une exclusivité sur 4 ans, c'est-à-dire en théorie jusqu'à la conquête de sa première ceinture mondiale, en 2020-2021.
Preuve de ses ambitions élevées, Yoka est entraîné par Virgil Hunter, le mentor d'Andre Ward unanimement considéré, jusqu'à l'annonce de sa retraite en septembre, comme le meilleur boxeur actuel toutes catégories confondues. Le Français est entre d'excellentes mains : Hunter a parfaitement géré le passage boxe olympique-boxe professionnelle du "Son Of God" après son triomphe aux JO 2004 chez les mi-lourds (passage aux bandages durs et à des combats plus longs notamment). Pourtant, malgré ces points positifs, sa stratégie de conquête n'est pas toujours bien comprise par tout le monde. Pourquoi un tel décalage ?

Comparaison hâtive avec Joshua

Dans un monde parfait, le début de carrière de Tony Yoka devait ressembler à celle, fulgurante, d'Anthony Joshua, à qui le Français a succédé comme champion olympique des super-lourds (catégorie qui n'existe pas chez les rémunérés). Or, l'économie de la boxe au Royaume-Uni est aux antipodes celle de la France, même si on observe un net regain d'intérêt grâce à la "Team Solide" qui a effacé les scandales dont a été victime Alexis Vastine et aux excellents résultats chez les professionnels.
En effet, Karim Guerfi et Mohamed Mimoune sont champions d'Europe, Cédric Vitu a laissé vacante sa ceinture de champion d'Europe dont pourrait s'emparer Zakaria Attou le 22 décembre prochain, Yvan Mendy va obtenir une chance mondiale en 2018, Maxime Beaussire est champion Union Européenne, Johann Duhaupas et Carlos Takam ont eu des chances mondiales récemment, Michel Soro et Nordine Oubaali auront de belles opportunités dans les mois à venir, sans oublier Hassan N'Dam, le dernier champion du monde tricolore.
De Londres à Belfast, se tiennent toutes les semaines des réunions de standing. Les diffuseurs se bousculent et les spectateurs payent leur billet, parfois très cher, créant un cercle vertueux. En France, en revanche, les invitations pullulent, réduisant les revenus de billetterie et donc les rémunérations, déjà maigres, des boxeurs et des staffs. De plus, Franck Warren et Eddie Hearn sont des promoteurs qui savent monter une carrière. "On a beaucoup à apprendre des Britanniques, explique Renald Garrido, 34 ans, boxeur très estimé de l'autre côté du Channel. On ne verra pas un champion olympique faire un main event s'il n'y a pas de ceinture majeure en jeu. Placer Yoka en vedette, je trouve cela complètement déplacé de la part de Canal+".
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Tony Yoka

Crédit: Getty Images

Beaucoup plus exposé que Joshua et la Team Solide

Avec Joshua, Matchroom Boxing, la société de promotion du clan Hearn, a su combiner une progression constante dans les combats, la régularité des fights et la protection nécessaire pour faire mûrir la "star in the making". Entre le 5 octobre 2013, date de son premier combat pro, et le 9 avril 2016, date de son premier championnat du monde, Joshua a boxé 15 fois, dont 10 entre octobre 2013 et octobre 2014. Yoka, qui a débuté en juin dernier, en sera loin. Pour Maxime Beaussire, 26 ans, champion Union Européenne des super-welters qui a longtemps organisé ses propres combats, "Joshua a multiplié les combats sans faire de bruit et Yoka aurait dû suivre le même parcours. Il aurait même pu aller boxer aux Etats-Unis, même contre des adversaires encore moins forts, à condition d'enchaîner. Et après 10 combats, il serait passé aux choses très sérieuses".
Phénomène Joshua à part, on peut comparer l'évolution de Yoka à celle de Christian M'Billi, 22 ans, son coéquipier de la Team Solide qui a pris un chemin différent. Quart-finaliste aux JO de Rio en poids moyens, M'Billi a choisi de travailler avec Yvon Michel, promoteur canadien réputé outre-Atlantique. Depuis février 2017, il a déjà boxé sept fois, la dernière jeudi soir dans un gala organisé par Brahim Asloum au Palais des sports Marcel-Cerdan de Levallois-Perret, haut lieu de la boxe en France, diffusé sur SFR Sport qui a longtemps courtisé Yoka. "M'Billi a eu raison de s'exiler au Québec, affirme "Le Conquérant" Beaussire. Il a fait ses cinq premiers combats en quelques mois au Canada, dans l'ombre. Il est super explosif. Je le vois bien faire rapidement un championnat du monde, tout comme Souleymane Cissokho chez les super-welters (qui, comme Yoka, est chez Ringstar et entraîné par Hunter, ndlr)".
Pour l'heure, le choix de M'Billi semble plus pertinent mais il n'y a rien de rédhibitoire. Brahim Asloum, par exemple, n'a boxé que six fois la première année (son promoteur était Michel Acariès) et a attendu son 11e combat pour disputer son premier championnat de France, deux ans après son passage chez les rémunérés.
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Tony Yoka lors de son 1er combat pro contre l'Américain Travis Clark

Crédit: Panoramic

Un promoteur revanchard tourné vers les gros marchés

Canal+ est pointé du doigt pour vouloir trop en faire avec Tony Yoka. Or, vu les efforts qu'il a fallu déployer pour signer le champion olympique, la chaîne cryptée veut rentabiliser l'investissement. "La seule chose que l'on peut reprocher à Canal+ et Yoka, c'est la communication, considère "The Lion" Garrido. On ne peut pas critiquer ses premières oppositions légères car cela fait partie intégrante de la formation d'un boxeur professionnel".
Alors, c'est peut-être dans la direction de la société de promotion choisie par le Français qu'il faut regarder. Jérôme Abiteboul, patron de la marque Ünkut qui s'occupe aussi des intérêts de N'Dam et Soro, lui a fait rencontrer Hunter aux Etats-Unis et Yoka a signé chez Ringstar dont le boss est Richard Schaefer, l'ancien bras droit d'Oscar de la Hoya chez la puissante Golden Boy Promotions.
Boxeur jeune, société de promotion jeune, volonté d'être tête de gondole plutôt que noyé au milieu d'un portefeuille de boxeurs comme Jean-Marc Mormeck en a fait l'amère expérience avec Don King en 2003-2004 alors qu'il était champion du monde des lourds-légers : après tout, pourquoi pas ? Schaefer, ancien banquier d'affaire qui a travaillé dix ans avec De La Hoya avant de le quitter avec pertes et fracas en 2014, déborde d'ambitions. Il s'occupe déjà du populaire champion du monde des plumes Leo "El Terremoto" Santa Cruz et de la pépite US Karlos Balderas. Par ailleurs, il s'est allié à David Haye pour développer la société Hayemaker Ringstar afin de concurrencer Hearn et Warren outre-Manche.
Peut-être les débuts du Français auraient été plus simples avec Sébastien Acariès, héritier de la célèbre dynastie, qui a organisé le premier combat semi-pro de Yoka et qui était persuadé que cette collaboration initiale serait le début d'une grande histoire. Mais manifestement le champion olympique a fait un authentique pari sur l'avenir. Et il ne faut surtout pas oublier que Schaefer entretient de bons rapports avec la Premier Boxing Champions, nouveau rendez-vous de la boxe américaine (diffusion sur FOX, ESPN, CBS, Showtime notamment), ainsi qu'avec Al Haymon, personnage central de la boxe internationale aussi discret qu'influent. Au niveau des classements au sein des quatre fédérations majeures (WBO, WBA, WBC, IBF), ce réseau américain est déterminant.
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Tony Yoka lors de son 1er combat pro contre l'Américain Travis Clark

Crédit: Panoramic

Vite marquer les esprits français

La boxe professionnelle est un monde opaque, parfois illogique. Après seulement deux combats quelconques, Tony Yoka est déjà classé Top 15 à la WBO. Pour le très respecté site Boxrec, Yoka est le 4e lourd français derrière Johann Duhaupas, Carlos Takam et Faisal Ibnel Arrami. Il est talonné de près par le champion de France de la catégorie Raphaël Tronche, 28 ans, et Samuel Kadje, 27 ans, tous deux invaincus en 9 combats.
Contre le Belge Ali Baghouz, Tony Yoka doit marquer les esprits et montrer qu'il est prêt à se confronter aux meilleurs Français. Vu la faiblesse de ses trois premiers adversaires, il doit rapidement monter en gamme pour devenir une référence pugilistique et populaire. C'est aussi l'opinion de Renald Garrido : "Yoka serait plus aimé s'il avouait qu'il apprend son métier mais que, d'ici peu, il affrontera des boxeurs plus dangereux. Et lorsque les oppositions seront de taille et que ce sera un vrai main event alors là, oui, il fera du bien à la boxe en France, comme il l'a déjà fait pendant les Jeux Olympiques".
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