USA : Keen Ice s'est pardonné

Il existe des succès aux échos discrètement empoisonnés. En amont de son upset du 29 août 2015, premier des deux seules victoires obtenues à ce jour, Keen Ice se présentait toujours compétitif en piste, régulièrement placé de belles épreuves et fin observateur de sa future victime désormais à jamais marquée de son fer rouge. Discret septième du derby du Kentucky, tout aussi éloigné de la légende tandis qu'il prenait une timide troisième place dans les Belmont Stakes, dernière épreuve de la triple couronne, le poulain alors pensionnaire de Dale Romans avait été une ultime fois respectueux d'American Pharoah dans le William Hill Haskell Invitational avant de le saisir par la gorge à la fin du même mois dans les Travers Stakes de Saratoga. Accolades, éclats de larmes et de surprise, cris de joie, et public sous le choc. Keen Ice n'a retenu que la détresse des enfants amoureux, perdant subitement leur héros en bord de piste, et est tombé en dépression. La victoire, plus jamais. Jusqu'au 8 juillet dernier.
Perchée sur les épaules de son grand frère, une fillette brandissait à la sortie du rond une pancarte réalisée de ses mains. KEEN ICE, le iota exacerbé d'un immense coeur rouge. La puissance de l'amour. Son nom, clamé depuis ses lèvres, ses mains - assurément douces, il rêvait déjà de ses caresses - avait alors une douceur nouvelle, une sonorité héroïque.
Le mors aux dents, le pur-sang a laissé à trois longueurs son plus proche rival Shaman Ghost dans l'épreuve Suburban Handicap disputée à Belmont park. Chaque foulée, tout comme chaque battement de son muscle de vie, furent savourés.
En bord de piste, plus de larmes. Un sourire. Un sourire immense.