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Colombie, le pays où le cyclisme est une mission

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 20/04/2013 à 00:26 GMT+2

Les Escarabajos de l'équipe Colombia-Coldeportes ne sont pas des simples coureurs. Ils ont une mission de service public : réconcilier une nation. Reportage.

2012 colombia coldeportes

Crédit: AFP

Une dizaine de minutes à parler cyclisme, et déjà Alexis Camacho dégaine son rêve extra-sportif : "Je veux créer une fondation pour aider les jeunes défavorisés qui ont un talent dans la musique, le sport, à l'école… et qui ne pourraient pas l'exploiter sinon." Le petit grimpeur à la joie communicative n'a que 22 ans. Et déjà une sacrée conscience du rôle qui pourrait être le sien dans la reconstruction de la société colombienne. Le projet Colombia - Coldeportes, que Camacho a rejoint cette saison, dépasse le cyclisme. Ou même le sport. Inspirée des Springboks de Nelson Mandela, champions du monde de rugby en 1995, l'équipe continentale pro se veut au service d'un pays marqué par une histoire de violence.
Alexis Camacho vient de Tunja, la ville du dictateur Rojas Pinilla. Son équipier Dalivier Ospina a grandi à Palmira, dans la Valle del Cauca où les déclinantes Farcs étendent toujours leur influence. D'autres encore viennent de Cali, ex-capitale mondiale de la cocaïne, ou Medellin, la ville de Pablo Escobar. "On représente un pays et un peuple en guerre (celle entre le gouvernement de Cali et plusieurs groupes rebelles, ndlr), reconnaît Robinson Chalapud, leader des Escarabajos sur la Flèche wallonne. On essaye d'occulter un peu le malheur que les gens vivent, leur apporter de bonnes nouvelles."
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2013 flèche wallonne edwin avila colombia coldeportes

Crédit: Eurosport

Corti : "Des résultats pour faire passer le message"
C'est la première dimension du projet Colombia. Celle tournée vers la population, celle qui, selon l'initiateur du projet Jairo Clopatofsky, doit permettre de "réunir un pays, dans la paix plutôt que la violence". Derrière les figures tutélaires Lucho Herrera et Santiago Botero, la Colombie a une grande histoire de cyclisme. Combiné aux succès des exilés Quintana ou Henao, le travail des Coldeportes fait "47 millions d'heureux", nous affirme Andres Botero, nouveau directeur de l'institution gouvernementale qui se trouve derrière le projet. "Il ne faut pas négliger le potentiel humain de ce pays qui cherche à réveiller la tradition pour stimuler l'enthousiasme populaire", expliquait le manager Claudio Corti au lancement de l'équipe, en septembre 2011.
Un an et demi plus tard, dans l'hôtel de la banlieue de Charleroi où les Colombia préparent la Flèche wallonne, l'Italien est toujours en représentation. Les années commencent à peser (58 au compteur, l'essentiel consacrées au cyclisme) mais le manager assume ses responsabilités, sportives et extra-sportives. Sans Esteban Chaves (victime d'une lourde chute en début de saison) ni Fabio Duarte (sur le Tour du Trentin pour préparer le Giro), Corti est privé de ses deux meilleures cartes pour une épreuve comme la Flèche. "Mais on vient toujours pour bien faire", prévient-il. Malgré les chutes, notamment celle du capitaine de route Dalivier Ospina, les Coldeportes ont tenu leur rôle jusqu'au pied de l'ascension finale du Mur de Huy, où Robinson Chalapud s'est montré plus court qu'espéré (35e, au côté de Contador).
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2013 flèche wallonne claudio corti edwin avila

Crédit: Eurosport

"Les résultats sont nécessaires pour faire passer le message, lâche Corti, pin's aux couleurs de la Colombie sur son costume gris. C'est la mission de l'équipe, les coureurs veulent montrer qu'ils ont leur pays dans le cœur." Ses hommes approuvent "el senõr Claudio", que chacun regarde et écoute avec respect. Sur les routes européennes, ils viennent adresser un message au monde entier. "Nous voulons donner une autre image du pays et du sport colombien", confie Andres Botero, qui tient les cordons de la bourse. "La Colombie, ce ne sont pas les narcotrafiquants, la violence, la drogue et le sexe, assène le grimpeur Alexis Camacho. Nous sommes plus que ça. Nous sommes ouverts, travailleurs, déterminés…"
La dernière équipe nationale
"Je vais en Colombie six ou sept fois par an, je n'ai jamais vu une arme ni de la drogue", appuie Claudio Corti, sourire aux lèvres. Le manager italien a constaté la profonde évolution qu'a connue la Colombie au tournant du XXIe siècle. Le pays ne serait plus le premier producteur mondial de cocaïne et la violence y a diminué. Mais le message est difficile à faire passer. Sur la Flèche wallonne, les Escarabajos ont bien croisé quelques fans conquis. "Ils ont d'excellents grimpeurs et ils méritent de faire le Tour de France (Corti a abandonné l'idée pour 2013 et vise la Vuelta, ndlr)", professe Harie, flamand de 23 ans. Mais c'est bien l'exotisme de ces coureurs "venus de très loin" et leurs jolies références qui attirent, pas les dimensions géopolitique ou sociale du projet Colombia - Coldeportes.
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2013 flèche wallonne robinson chalapud colombia coldeportes

Crédit: Eurosport

Pourtant, le maillot affiche fièrement la couleur. Un noir profond, sur lequel ressortent facilement les bandes amarillo, azul y rojo du drapeau colombien. À côté, guère de place pour des sponsors ; la tunique des Escarabajos offre deux noms aux yeux : Colombia et Coldeportes. Un pays et une institution publique chargée "d'améliorer la qualité de vie dans la société colombienne à travers le sport". Claudio Corti cherche bien des sponsors privés, pour augmenter son budget et éventuellement passer en World Tour. Mais l'Italien, dont le fils Marco Corti est sur la sellette en raison de sa nationalité, devra négocier serré avec les autorités colombiennes, décidées à garder la main sur leur projet. À l’heure où même les Basques d'Euskaltel s'internationalisent, il reste une équipe nationale dans le peloton. Celle-ci s’assume entièrement. Sur le terrain sportif comme en dehors.
Les coureurs colombiens ont gagné le surnom d'escarabajos (scarabées) par leurs grandes envolées en montagne. Né sur la Vuelta a Colombia, dans les années 1950, le qualificatif a traversé l'Atlantique direction l'Europe en même temps que Lucho Herrera et Fabio Parra, dont les exploits sont toujours une référence, 25 ans plus tard.
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2013 flèche wallonne dalivier ospina colombia coldeportes

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