Nibali et le martien

C'est le propre de ceux qui doivent se coltiner un champion à part. Vincenzo Nibali pourrait en causer avec Claudio Chiappucci, par exemple. Comme le Sicilien, le grimpeur lombard a buté sur un roc espagnol dans les grands tours pendant des années. Malgré sa combativité et son talent, il a ressenti une forme d'impuissance face au Navarrais. Nibali peut comprendre ça aujourd'hui. Il ne peut rien faire face à Alberto Contador. L'impuissance, il la vit au jour le jour sur ce Giro. "Pour le moment, il est imbattable. J'espère juste qu'avec du travail, je pourrais arriver à son niveau", confie-t-il.

A vrai dire, personne, depuis le départ de Turin, ne peut vraiment rivaliser avec le coureur castillan. Pas durablement, en tout cas. Mardi, Nibali a pourtant sorti un remarquable contre-la-montre sur les pentes de Venegal. Mais il y avait Contador. Ce sentiment, l'ami Vincenzo l'a résumé d'une formule lâchée dans un sourire désabusé mardi soir: "Dommage qu'il y ait un martien sur le Giro..." Encore combatif à l'heure d'attaquer les Dolomites le week-end dernier, le vainqueur de la Vuelta 2010 a cette fois rendu les armes. Relégué à 5'45" de Contador, il ne croit plus au maillot rose.

Même quand il a le sentiment d'être à 120%, comme samedi au Monte Zoncolan ou ce mardi dans le contre-la-montre, il bute quand même sur l'Espagnol. "Je crois que Contador a montré qu'il était le plus fort. Il a une avance très conséquente maintenant. Si je peux finir deuxième derrière le meilleur coureur de la course, je serais satisfait. Ca voudra dire que seul Contador a pu me battre. On ne va pas lui rendre la vie facile jusqu'à Milan, mais je crois qu'il faut quand même se rendre à l'évidence."

L'évidence, c'est qu'aujourd'hui, Nibali va se battre "pour la deuxième place". Celle-ci est loin d'être inabordable, puisque Michele Scarponi le devance de 47 secondes. "Michele et moi sommes amis, nous sommes prêts à batailler jusqu'à Milan", a-t-il promis. Une bataille qui s'annonce sympathique, mais qui n'aura évidemment pas la saveur d'un combat pour le maillot rose. L'autre objectif de Nibali, c'est de remporter une étape. Il y croyait mardi. Avant, et peut-être plus encore pendant la course. "Je me sentais vraiment bien aujourd'hui, a confié le natif de Messine. A l'échauffement, j'ai compris que j'avais récupéré des fatigues des étapes précédentes. Je pense avoir fait un très bon chrono, je suis vraiment content." Mais il y avait Contador... "Honnêtement, je pensais avoir fait ce qu'il fallait pour gagner. Tout ce que je peux dire, c'est chapeau Alberto."