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Le dopage était-il le seul moteur de Lance Armstrong ?

Benoît Vittek

Mis à jour 26/03/2018 à 14:08 GMT+2

Lance Armstrong n'a pas tout dit des mécanismes pervers qu'il a enclenchés pour malmener le peloton lors de son règne maudit. Le boss déchu s'est dopé, plus qu'il ne l'a reconnu. Et les soupçons sur son recours à un vélo à moteur se renforcent.

Lance Armstrong lors du Tour de France 2005

Crédit: AFP

Lance Armstrong, précurseur de l’usage de vélos à moteur dans les pelotons professionnels ? Cela fait partie de ces histoires qui semblent trop grosses (ou trop belles, ou trop moches) pour être vraies. L’ex-Boss, aussi immense dans la victoire que dans la déchéance, a déjà été couronné pour ses méfaits, tyran des pelotons, pervers parmi les tricheurs, mafieux parmi les magouilleurs… Le symbole des années EPO, c’est lui. Et voilà qu’on voudrait lui mettre un autre dossier sur le dos : l’usage de technologies venues définitivement dénaturer l’esprit de la compétition cycliste.
Ces derniers mois, la petite musique d’un Armstrong à moteur est régulièrement revenue à nos oreilles. À vrai dire, elle m’avait déjà titillé l’oreille à plusieurs reprises ces dernières années, dans des conversations entre suiveurs d’un sport où on ne manque pas de se payer l’ex-Boss. Au début, j’ai accueilli ces allégations avec scepticisme. Trop facile de dresser Armstrong en épouvantail dans ce dossier. Et puis, ses anciens partenaires Tyler Hamilton et Floyd Landis ont déballé tout ce qu’ils avaient, précipitant la chute d’Armstrong sans jamais s’avancer sur ce terrain.
Pourtant, même si je ne suis que de très loin l’actualité du tricheur dont je préfèrerais ne pas écrire le nom, la musique ne s’est jamais éloignée. Ils sont nombreux à avoir tenté de remonter le fil qui mènerait à un autre parjure de l’Américain. Des journalistes s’y sont attelés. Les autorités fédérales américaines aussi, puisque des enquêteurs du FBI sont venus fourrer leur nez dans le dossier. Aucun n’est parvenu à apporter de preuve définitive. Mais on sent qu’ils restent pourtant convaincus qu’ils suivaient la bonne piste, même si les traces permettant d’incriminer Armstrong ont aujourd’hui disparu.

LeMond : "Il y a 50-70 watts dont on ne peut déterminer l'origine"

"Ça n’existait pas à mon époque”, a rapidement évacué Armstrong lorsque les premières allégations à son encontre sont apparues. Mais comme il a aussi expliqué à Oprah Winfrey avoir menti “toute (sa) vie”, on admettra rapidement que la parole de l’Américain ne vaut plus grand chose. C’est d’ailleurs le premier élément qui réunit les suspicieux : le pedigree du champion déchu. Sa capacité à déployer tous les moyens pour parvenir à ses fins n’est plus à prouver. Et il avait les moyens matériels, humains et financiers pour mettre en place une fraude de ce genre.
Avec le recul, on jette un autre regard sur différentes scènes du règne d’Armstrong. L’Américain savait que ses concurrents disposaient d’un dopage lourd, équivalent au sien, grâce aux prescriptions du bon docteur Fuentes. Cela ne l’a jamais inquiété, pas plus que son directeur d’équipe Johan Bruyneel. Sur le Tour, particulièrement en 2005, les deux complices affichaient une décontraction insolente avant d’infliger des corrections plus insolentes encore. "Je n'aurais jamais pu imaginer ça", nous explique aujourd'hui Christophe Bassons, l'un des premiers à s'être opposés à Armstrong tout-puissant. "Mais j'ai toujours dit qu'il n'avait pas tout avoué. Tout ce qu'il a dit, c'est ce que faisaient les autres, et pourtant il était au-dessus."
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Lance Armstrong et Greg LeMond

Crédit: Getty Images

Greg LeMond, unique Américain au palmarès du Tour de France et ennemi intime d’Armstrong, s’est longtemps interrogé sur les performances de son successeur. Et même avec le grand déballage de l’Usada et les demi-aveux du Texan, il lui manque une pièce pour compléter le puzzle : "Que faisait-il que ses rivaux ne faisaient pas ? Tout ce que je sais, c’est qu’il y a 50-70 watts qui se baladent et dont on ne peut déterminer l’origine", a-t-il dit plusieurs fois.

Le drôle de dessin du Trek 5002

Pour Philippe Brunel, comme pour beaucoup de ceux qui ont enquêté sur ces questions, la piste mène en Hongrie. Le journaliste de L’Équipe, connu notamment pour son travail sur Marco Pantani, a publié en début d’année "Rouler plus vite que la mort" (Éditions Grasset), livre-enquête qui s’efforce d’aligner les parcours de Lance Armstrong et Istvan Varjas, l’homme par qui le scandale des moteurs est arrivé. Si l’idée de voir des vélos à propulsion polluer la course vous préoccupe, vous avez forcément entendu parler de lui : c’est cet ingénieur hongrois (ancien coureur) qui a développé et vendu à la fin des années 1990, via un intermédiaire, un prototype de vélo à moteur apparu sur le devant de la scène après le Tour des Flandres survolé par Fabian Cancellara en 2010.
Le livre offre une plongée dans la psyché tortueuse de Varjas. Lui-même coureur à petit niveau, il a inventé son vélo à moteur par “esprit de vengeance”. Sous la plume de Brunel, il déroule son “obsession, lutter contre le dopage, biologique et trouver l’arme absolue, et ce moteur c’est l’arme absolue. Les hormones laissent des traces dans le sang, dans l’urine surtout, depuis qu’on peut congeler les éprouvettes. Un dopé reste à la merci d’un contrôle rétroactif, avec le moteur rien de tout cela, si on ne vous prend pas sur le fait personne ne pourra vous accuser d’avoir triché…
Varjas parvient néanmoins à remonter le temps. Lorsqu’il observe les images de Lance Armstrong dans différentes ascensions du Tour, il voit une pédalée assistée par moteur. Et lorsque la chaîne américaine CBS lui fournit un modèle du Trek 5002 que Lance Armstrong utilisait à sa grande époque, Varjas observe qu’il n’est “pas régulier, pas tracé et fabriqué selon des normes logiques”. L’ingénieur hongrois décrit “une sorte d’asymétrie en trompe-l’oeil” aux effets troublants : “Si quelqu’un avait enlevé la selle pour y plonger une caméra télescopique, il n’aurait pas vu de moteur, qu’un tube vide. (…) Si l’on cherche une preuve, elle est peut-être dans le dessin de son vélo.”
Il s’agit peut-être là de l’élément le plus tangible, le plus à même de faire vaciller ceux pour qui un Armstrong à moteur ne serait qu’une légende inventée sur le dos du Boss mis à terre. Même le président de l’UCI, David Lappartient, est sensible aux éléments apportés contre le Texan : “Philippe Brunel n’est pas loin d’arriver au bout de la démonstration, on va dire ça comme ça. Il manque… Il n’y arrive pas tout à fait. Maintenant, avec Lance Armstrong, plus rien ne me surprendrait.”
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Lance Armstrong à Hautacam en 2000

Crédit: Imago

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