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Les jeunes sont le présent du cyclisme

Benoît Vittek

Mis à jour 09/10/2019 à 21:04 GMT+2

DOSSIER JEUNES (1/3) - Porté par les prodiges Egan Bernal, Remco Evenepoel ou Tadej Pogacar, le jeunisme s'est emparé de l'élite du cyclisme mondial. Dans un sport qui fait souvent la part belle à l'expérience, les équipes World Tour misent sur les talents de demain pour leur apporter une réussite immédiate.

Tour de France 2019: Egan Bernal

Crédit: Getty Images

En 2019, il faisait beau être jeune et insouciant pour de nombreux talents du peloton. Depuis la fin de l’hiver, un vent de jeunesse a porté une flopée de prodiges aux sommets du cyclisme international. Cet élan est né les années précédentes et a pris une nouvelle ampleur ces derniers mois, traversant les saisons, du printemps de Mathieu van der Poel au sacre automnal de Mads Pedersen, en passant par le triomphe estival d’Egan Bernal. Sans oublier les innombrables accomplissements de talents de moins de 23 ans, qui auraient encore leur place chez les Espoirs : Remco Evenepoel, Tadej Pogacar, David Gaudu, Pavel Sivakov, Ivan Sosa, Valentin Madouas, Sergio Higuita, Fabio Jakobsen, Daniel Martinez…
La Petite Reine, réputée pour sourire aux endurants aguerris, étend ses faveurs aux plus jeunes, venus se permettre quelques insolences inédites : pour le centième anniversaire du Maillot Jaune, Bernal a été le plus jeune à porter la tunique sur le podium final du Tour, Evenepoel s’est payé une grande classique en remportant la Clásica San Sebastián et une médaille mondiale à même pas 20 ans ; personne n’a fait aussi bien que la Vuelta de Pogacar avant de fêter ses 21 ans ; etc. “Je ne sais pas comment, mais la porte s’ouvre pour une nouvelle génération”, se réjouissait le jeune Slovène au fil de ses succès sur le Tour d’Espagne, quelques semaines après être devenu, en Californie, le plus jeune vainqueur d’une course à étapes de cette envergure.
Sa conquête de l’Ouest américain, le Slovène au teint pâle et à la tête bien faite l’a menée au détriment d’un petit Colombien qui a lui aussi de l'or dans les jambes et une bonne dose de plomb dans la cervelle, Sergio Higuita, et qu’on a également retrouvé sur la Vuelta : il y est devenu le plus jeune coureur de son pays à remporter une étape de Grand Tour, au bout d’une superbe cavalcade vers Becerril de la Sierra, après 18 étapes. L’accès à l’élite mondiale s’est déverrouillé et Higuita n'est pas le dernier à griller les étapes pour s’offrir sa part de lumière sans attendre son tour dans l’ombre.
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Higuita a résisté, Lopez a tenté, Bouchard a engrangé : les temps forts de la 18e étape

Surchauffe sur le mercato des jeunes : tout le monde veut son prodige

"Si on m’avait dit en début de saison que je gagnerais une étape sur un Grand Tour, oui, j’aurais pu y croire”, expliquait le petit Colombien sans vantardise après son succès. Son année 2019, il l’a débutée au niveau Continental, avec la Fundacion Euskadi. Le grimpeur explosif était prêté pour la première moitié de la saison par EF Education First, qui l'avait repéré l’an dernier au sein de la défunte pépinière Postobon (ses dirigeants, auteurs d’un formidable travail de formation, se sont retirés face aux problèmes de dopage qui gangrènent le cyclisme colombien). On était bien loin du niveau des Grands Tours. Mais “dès le début de saison, à Valence et en Andalousie, j’ai vu que j’étais avec les meilleurs, et tout mon entourage me motive et m’apporte la confiance dont j’ai besoin”, explique celui que EF Education First a rapatrié dès le mois de mai.
La structure américaine ne fait pas exception : tout le World Tour ou presque mise sur la jeunesse. “Les équipes ont vu Remco Evenepoel débarquer jeune et gagner, elles ont vu Tadej Pogacar débarquer jeune et gagner, alors elles pensent que tous les jeunes sont comme ça”, s’amuse auprès de nous Joxean ‘Matxin’ Fernandez, directeur de l’équipe UAE Team Emirates et ancien scout pour Mapei et la Quick-Step. “Il y a quelques années, les meilleurs jeunes m’appelaient pour me demander de leur trouver une équipe. Maintenant, quand tu les sollicites… J’avais identifié onze jeunes qui m’intéressaient cette année, et ils ont tous signé avec une équipe World Tour !
Matxin s’est lui-même offert pour l’an prochain quatre cracks en puissance, âgés de 20 ou 21 ans : le spécialiste des courses par étapes Brandon McNulty, le triple champion du monde Espoirs du chrono Mikkel Bjerg, le vainqueur du Baby Giro Andres Ardila et un autre jeune grimpeur, l’Italien Alessandro Covi. “Je compte sur eux comme je comptais sur Tadej Pogacar”, explique le dirigeant espagnol, qui couve également Jasper Philipsen. “J’ai confiance en eux, je pense qu’ils ont eu cette différence pour être des champions, donc je vais leur donner de l’espace pour s’exprimer.
"Je pourrais être en World Tour, mais je veux profiter de ma jeunesse"
Quelque 45 coureurs de moins de 23 ans ont déjà signé leur premier contrat World Tour pour l’an prochain (ils étaient 38 l'an dernier). Le plus jeune est Quinn Simmons, 18 ans, champion du monde Juniors à Harrogate. Qualifié de "nouvel Evenepoel", il suit l'exemple du Belge en sautant la classe Espoirs pour déjà rejoindre le champion Elite Mads Pedersen chez Trek-Segafredo. Ils seront accompagnés dans un an par Antonio Tiberi, qui s'est lui aussi imposé dans le Yorkshire, en remportant le chrono chez les Juniors.
Les équipes les plus actives cette saison sur le marché des jeunes talents ont été Movistar et Sunweb. En bout de cycle, la première mise sur la jeunesse pour relancer sa dynamique collective. Quant à la structure allemande, elle a toujours vécu et grandi par sa capacité à faire émerger les talents (Marcel Kittel, John Degenkolb, Warren Barguil, Tom Dumoulin…). Ces stratégies de recrutement sont habituellement réservées à l'échelon inférieur, à l'image du travail de détection menée par les formations françaises, ou par Androni (Egan Bernal, Ivan Sosa, Fausto Masnada... en attendant Kevin Rivera).
En partie sous l’impulsion des réformes de l’UCI, mais aussi parce que ça fait partie de leur identité, certaines équipes World Tour ont fortement développé des structures de formation au sein desquelles elles accompagnent et recrutent leurs forces vives de demain. Elles investissent également de plus en plus sur la détection de jeunes talents et n’hésitent plus à les plonger dans le grand bain. Mais tous ne s'engouffrent pas pour autant dans la brèche.
"Je ne serai pas en World Tour l'an prochain parce que je veux me développer", explique Tom Pidcock, identifié à 20 ans comme la future superstar du cyclisme britannique. "Je pourrais, mais je veux profiter de ma jeunesse." Les écueils, notamment psychologiques, restent nombreux, même lorsque le grand monde du cyclisme déroule le tapis rouge pour les jeunes les plus fringants et un investissement aussi important sur les jeunes, avec une bonne part de spéculations, en laissera forcément certains sur le côté. Avant de perdre sa jambe dans un accident, Adrien Costa avait déjà pris ses distances avec le sport, lassé à 19 ans. Il y a quelques semaines, un drame l'a emporté sur le talent de Bjorg Lambrecht. Pour beaucoup d'autres, le présent est déjà radieux.
Egan Bernal célèbre sa victoire lors du Tour de France 2019
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