Fabian Cancellara et Tom Boonen, deux champions hors normes

Il y a du Nadal-Federer en eux. Fabian Cancellara et Tom Boonen ont une tendance certaine à s'accaparer les classiques flandriennes. Dans ce domaine, il y a eux et les autres. Et ces deux derniers printemps ont renforcé encore cet état de fait. Si l'on prend comme point de référence 2005, date de la première victoire de Tom Boonen au Tour des Flandres puis, dans la foulée, dans Paris-Roubaix, ils n'ont laissé que des miettes à la concurrence. Jugez plutôt : sur les neuf dernières éditions de Paris-Roubaix, ils en ont remporté sept. Quatre pour Boonen, trois pour Cancellara. Seuls Stuart O'Grady (2007) et Johan Van Summeren (2011), deux vainqueurs surprises, ont réussi à s'intercaler au palmarès.

Sur le Tour des Flandres, leur suprématie est un peu moins marquée, mais ils cumulent tout de même cinq succès, toujours avec un avantage à Tom Boonen, lequel compte trois victoires contre deux à Cancellara. Cinq victoires sur les neuf derniers Rondes, c'est tout de même, là encore, plus de la moitié des titres. Seul Stijn Devolder, double vainqueur en 2008 et 2009, peut rivaliser avec eux. Au-delà de ces deux monuments, ce constat peut s'étendre à d'autres courses comme le Grand Prix E3, dont ils ont remporté les quatre dernières éditions et huit des dix dernières.

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Dans le registre des classiques "nordiques", Cancellara et Boonen sont donc intouchables. Mais ils peuvent même être considérés comme les deux plus grands spécialistes de courses d'un jour du XXIe siècle. Tom Boonen a remporté sept "monuments" (on entend par là les cinq principales classiques du calendrier Milan-Sanremo, Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège et Tour de Lombardie). Fabian Cancellara, lui, en est à six. Personne n'a fait aussi bien dans ces cinq courses de référence depuis 2000. Paolo Bettini est celui qui s'en approche le plus avec cinq victoires (un Milan-Sanremo, deux Liège-Bastogne-Liège, deux Lombardie). Damiano Cunego a remporté trois Tours de Lombardie. Philippe Gilbert, lui, compte deux Tours de Lombardie à son palmarès et une Doyenne. Si l'on ajoute l'Amstel Gold Race, classique de plus de 250 kilomètres elle aussi (mais qui du fait de son prestige inférieur n'appartient pas aux "Monuments"), Gilbert et Cunego se rapprochent, mais sans atteindre les scores de Cancellara et Boonen. Surtout, la grande spécificité du duo helvetico-belge, c'est la durée de son hégémonie. Les victoires majeures de Boonen s'étalent de 2005 à 2012. Celles de Cancellara de 2006 à 2013.

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Dans leur génération, ces deux monstres n'ont donc pas vraiment d'égal. Et au-delà? Il est toujours difficile de comparer les champions à époques. Aujourd'hui, la spécialisation est beaucoup plus forte qu'elle ne l'a été en d'autres temps. Mais si l'on se réfère aux palmarès des uns et des autres, Boonen et Cancellara apparaissent en très bonne compagnie. Avec sept classiques majeures sur son CV, Boonen pointe au 7e rang dans l'histoire, à la hauteur de Gino Bartali. Cancellara, lui, est 9e, en compagnie de sept autres coureurs.

Tout seul, très loin devant, Eddy Merckx trône avec 19 victoires cumulées devant Roger De Vlaeminck (11). Ce sont deux des trois champions (avec Van Looy) à avoir remporté au moins une fois chacun des cinq monuments. Mais une fois encore, Tommeke et Spartacus sont les deux coureurs en activité les mieux dotés. Ils peuvent encore espérer épaissir leur palmarès. En ce qui concerne le Tour des Flandres et Paris-Roubaix, ils sont en revanche au sommet. Boonen, avec ses sept victoires sur ces deux courses, est le numéro un absolu. Il devance Merckx, De Vlaeminck, Van Looy et… Cancellara, qui totalisent tous cinq victoires. Par ailleurs, on dénombre douze doublés Ronde/Roubaix depuis 1913. Mais deux coureurs seulement ont réussi l'exploit de l'accomplir par deux fois: Boonen et Cancellara.

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Quitte à livrer une réponse de Normand, il est presque impossible de les départager. Certes, Boonen dispose d'une victoire de plus dans les grandes classiques. Mais on peut rétorquer que Cancellara, lui, a remporté trois Monuments contre deux à Boonen, puisqu'il a aussi enlevé Milan-Sanremo. Il est le seul au XXIe siècle, avec Bettini, à avoir gagné dans trois des cinq principales classiques. Globalement, dans les courses d'un jour, Tom Boonen dispose quand même d'un petit avantage. Si l'on ajoute Gand-Wevelgem et le Grand Prix E3, le Belge arrive à 15 victoires, contre 9 à Cancellara. Le Belge a aussi été sacré champion du monde en 2005. La palette de Cancellara est toutefois peut-être un peu plus diversifiée. Il est légitime de parler de lui comme d'un des plus grands rouleurs de l'histoire, avec ses quatre titres mondiaux et son titre olympique en contre-la-montre.

A leur façon, ils ont également su marquer une épreuve comme le Tour de France, surtout Cancellara avec ses 28 jours en jaune, total phénoménal pour un non-grimpeur comme lui. Au final, deux immenses champions qui ont aussi en commun d'avoir surmonté des moments difficiles dans leur carrière. Boonen a touché le fond, tout comme Cancellara en 2009 puis lors de sa chute au Tour des Flandres l'an dernier. Mais ils ont su repartir de plus belle en bons conquérants qu'ils sont. Ces deux derniers printemps, quand l'un n'a pas été là, l'autre a dansé. On aimerait les voir à nouveau face à face l'an prochain, tous les deux au sommet de leur art.

On laissera le mot de la fin à Fabian Cancellara, invité à se comparer à son illustre collègue dimanche à Roubaix. "Je respecte beaucoup Tom, et j'étais triste après sa chute. Sur ce genre de courses, on est costauds de façon différente. Tom est meilleur sprinter. Depuis quelques années, sur les courses sur les pavés, on peut simplement constater qu'on est les meilleurs." C'est le moins qu'on puisse dire.