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Tom Boonen, le crépuscule sans Cancellara

Benoît Vittek

Publié 07/04/2017 à 13:53 GMT+2

PARIS - ROUBAIX - Un an après Fabian Cancellara, Tom Boonen (Quick Step - Floors) fait lui aussi ses adieux au cyclisme professionnel avec une dernière tentative de triompher (pour la cinquième fois) sur l'Enfer du Nord. Les deux champions restent et resteront indissociables.

Fabian Cancellara et Tom Boonen en 2008 à Roubaix

Crédit: AFP

Mythe parmi les mythes du cyclisme, Paris - Roubaix abrite son lot de légendes dans la légende. Il y a les lieux indissociables de son histoire, comme le vélodrome qui libère les forçats du pavé ; les coureurs qui ont écrit l'Histoire de leur sport, depuis le doublé de Maurice Garin (1897, 1898) ; les coureurs indissociables de certains lieux, comme Jean Stablinski qui connut la trouée d’Arenberg comme mineur puis comme coureur… et les rivaux indissociables l’un de l’autre, unis dans des rivalités d’exception pour porter la légende dans une autre dimension.
Tout le monde s'accorde à dire que le début du XXIe siècle a ainsi rendu grâce à la Reine des classiques en lui offrant deux immenses champions : Tom Boonen et Fabian Cancellara. Le palmarès de l'un s'est nécessairement construit au détriment de celui de l'autre mais c'est ensemble qu'ils ont signé une incroyable décennie sur Paris - Roubaix. Ensemble qu'ils se sont partagés sept triomphes en l'espace de neuf éditions (de 2005 à 2013). Ensemble qu'ils ont fait de leur duel l'alpha et l'omega d'une course si prestigieuse. Mais c'est seul que Boonen tirera sa révérence, dimanche.
Un an après le départ à la retraite du Suisse, nous voici confrontés à une série de questions qu'on a longtemps préféré éviter, se refusant à affronter la fin de ce duel avant que la réalité ne s'impose à nous. La Reine des classiques, sans son monarque suisse, mérite-t-elle les mêmes révérences ? Tom Boonen se suffit-il à lui-même ? Les successeurs de deux des plus grands champions de l'histoire cycliste rendent-ils déjà obsolètes ces interrogations ?
Boonen existe par lui-même, avec une carrière plus longue que celle de Cancellara.
L'Enfer du Nord restera L'Enfer du Nord et la der' de Tom est évidemment un rendez-vous historique en soi. Je suis excité comme rarement à la simple perspective du frisson qui va parcourir le vélodrome de Roubaix lorsque Tornado Tom y déroulera ses derniers coups de pédales de cycliste professionnel sous nos yeux admiratifs. À ce moment-là, peut-être saluera-t-on le Belge sans que son rival n'effleure nos pensées. Mais il restera ce petit manque : la tornade est là, pas le gladiateur.
C'était déjà le cas en 2002, lorsque Boonen se frottait pour la première fois aux pavés qui ont fait sa gloire. Christian Prudhomme se fait toujours un plaisir de décrire "la grande silhouette" d'un jeune Belge surgissant dans le vélodrome pour y accrocher un premier podium "à même pas 22 ans". Une façon de rappeler que "Boonen existe par lui-même, avec une carrière plus longue que celle de Cancellara". Mais tout de même, cette "grande silhouette", vêtue de bleu et blanc pendant l'essentiel de sa carrière, était souvent flanquée du gabarit tout aussi imposant de Spartacus.
Dès 2004, Cancellara prend la 4e place de l'Enfer du Nord pour sa découverte de la course. Avec Boonen au 9e rang, c'est la première fois que les deux étoiles montantes figurent ensemble dans le Top 10 de Paris - Roubaix (cinq autres suivront). Cette année-là, c'est le duo Museeuw - Van Petegem qui attire les regards, avec une rivalité consommée en franchissant la ligne d'arrivée main dans la main. Cancellara et Boonen les remplaceront rapidement au panthéon des meilleurs ennemis s'affrontant à coups de sacoches sur les pavés.

Un vrai mano a mano, en 2008

Si, pour le premier triomphe de Boonen (2005), Cancellara est encore un peu loin des premières loges (8e à près de 4 minutes), l'année suivante voit le Suisse l'emporter devant le Belge. Boonen doit alors sa deuxième place au déclassement d'un groupe de trois poursuivants (Van Petegem, Gusev, Hoste) coupables d'avoir franchi un passage à niveau fermé à l'approche d'un train tandis que Cancellara volait vers la victoire. Mais le symbole est là et, à l'heure de mesurer l'héritage commun et séparé des deux hommes, les symboles pèsent extrêmement lourds, gravés dans le granit des pavés qui mènent à Roubaix.
Deux ans plus tard, lorsque les deux hommes s'isolent à l'avant de la course avec Alessandro Ballan, c'est bien un sprint sur le vélodrome qui les départage, au profit de Boonen.
Ils parlent de Sagan et Van Avermaet, mais ce n'est pas la même chose que moi et Tom.
"Les grands rivaux que j’ai eus sont Museeuw, Van Petegem, Ballan… et évidemment Cancellara", explique Boonen au micro d'Eurosport. Sur Sporza, à quelques jours du Tour des Flandres, le Suisse concentrait pour sa part son attention sur son rival belge : "Tom, avec Filippo (Pozzato*), est le coureur avec qui j'ai couru le plus longtemps. (...) Je me suis rendu compte au fil des années que c'était lui ou moi, ou Stijn Devolder, qui remportait toutes ces courses. Il n'y avait personne d'autres pour durer aussi longtemps, ils venaient et repartaient. Ce n'est pas contre les autres coureurs, ils ont gagné, mais ensuite ils n'ont plus rien gagné. Maintenant, ils parlent de Sagan et Van Avermaet comme le nouveau duel mais ce n'est toujours pas la même chose que moi et Tom."
Au-delà de leur emprise inédite sur Paris - Roubaix et le Tour des Flandres, cette longévité commune, multipliant les occasions de se confronter et de vivre des coups du destin communs, les inscrit parmi les plus grands duels de l'histoire du sport. C'est bien par cette longévité que Roger Federer et Rafael Nadal nous ont encore régalés cette année. Entre Tom Boonen et Fabian Cancellara, il n'y aura pas de rappel commun. Mais une der' à ne manquer pour rien au monde. Un triomphe et au revoir, la fin serait belle. Si seulement on pouvait sortir Spartacus de sa retraite juste pour l'occasion...
*J'ai pu interroger Filippo Pozzato le mois dernier pour évoquer, notamment, le joug de Tom Boonen et Fabian Cancellara sur les classiques du printemps.
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