Le punch de Gilbert

A la veille de l'arrivée de ce passionnant Giro du centenaire, Danilo Di Luca pouvait encore espérer renverser une situation en apparence désespérée. Le coureur des Abruzzes, pointé au matin de cette 20e journée de course à 18 secondes du Russe Denis Menchov, voulait s'imposer et s'adjuger les 20 secondes de bonifications pour récupérer le précieux paletot. Mais à l'arrivée de cette ultime étape en ligne remportée de main de maître par le très explosif Philippe Gilbert, le Tour d'Italie a, semble-t-il, livré un verdict défavorable au Killer. Menchov, qu'on annonçait friable, est en effet parvenu à reprendre deux secondes à son dauphin avant même un ultime contre-la-montre sur lequel il ne devrait pas être inquiété.

Avant cet épilogue, Di Luca n'avait pourtant pas ménagé sa peine pour tenter une nouvelle fois de déstabiliser Menchov. Faisant sonner la charge très tôt derrière l'échappée initiale de huit coureurs dans laquelle le prometteur Guillaume Bonnafond (AG2R-La Mondiale) avait une nouvelle fois pris place, le leader de l'équipe LPR ne cachait pas qu'il visait les 6 secondes de bonifications attribuées au vainqueur du sprint intermédiaire de Frosinone (km 157,6). Bien emmené par ses équipiers, le vainqueur du Giro 2007 n'a pourtant pas réussi dans son entreprise. Denis Menchov qui n'est décidément pas né de la dernière pluie décidait en effet d'anticiper l'emballage et surprenait Di Luca auquel il reprenait 2 secondes. Très affecté par cette déconvenue et sans doute également éreinté par trois semaines de courses mené tambour battant, l'Italien semblait résigné dans le sillage de son rival Russe.

Dans le final de l'étape du jour sur lequel beaucoup le voyait capable de s'imposer, Di Luca est ensuite resté muet. Incapable d'accompagner le mouvement, il a franchi la ligne d'arrivée juste derrière Denis Menchov... Tout un symbole. Désormais crédité d'un avantage de 20 secondes sur son dauphin, le protégé d'Erik Breukink peut envisager le contre-la-montre romain avec sérénité. Meilleur rouleur que l'Italien, celui qui s'était imposé en début d'année sur les routes du Tour de Murcie, ne doit finalement redouter que la chute ou l'incident mécanique car, sans souci de cet ordre, il apparait franchement improbable qu'il puisse être battu dimanche dans la capitale transalpine où sa consistance, sa régularité et son indéniable intelligence de course devraient selon toute logique être consacrés.

Devant le Killer, incapable d'hausser le rythme lors de la montée finale, trois hommes avaient à coeur de se livrer à fond pour éviter de revenir fanny de leurs trois semaines italiennes. Déjà à l'attaque dans la première ascension, le Belge Philippe Gilbert est ainsi passé à l'offensive à environ 1,5 kilomètres du terme. Vigilants, Yaroslav Popovych et Thomas Voeckler lui ont immédiatement emboité le pas. Sous la flamme rouge, le Wallon, qui avait fait cédé l'Ukrainien, n'avait plus que le Français comme adversaire mais son acharnement et sa capacité à supporter les jambes qui brûlent dans les derniers hectomètres d'un effort maximal lui ont finalement permis de tenir en respect le coureur de l'équipe Bbox Bouygues Telecom sans doute un peu émoussé d'avoir multiplié les vaines échappées sur les routes de la botte.

Placé mais jamais gagnant au Printemps (3e du Tour des Flandres, 4e de l'Amstel Gold Race et de Liège-Bastogne-Liège), le vainqueur du dernier Paris-Tours s'est adjugé le premier succès de sa saison dans le Latium. A l'attaque lors des deux premières étapes en ligne, le Belge était ensuite rentré dans le rang, économisant scrupuleusement son énergie dans la perspective d'étapes convenant à ses caractéristiques. Vainqueur en costaud de cette longue étape courue à la moyenne record de 45,091 km/h, le leader de l'équipe Silence-Lotto ne s'est pas raté sur les hauteurs d'Anagni. A l'image d'un certain Denis Menchov, le voilà soulagé.