10e étape : Uran (Sky) vole, Nibali (Astana) grignote

Pas de révolution mais des confirmations. D'abord Cette 10e étape, qui devait être le théâtre d'un possible bouleversement au classement général, aura, comme souvent, accouché d'une souris. Pas de véritable offensive au long cours, des leaders qui s'observent et des écarts toujours aussi resserrés au final. Mais elle aura également livré son lot d'informations. A commencer par le fait que Vincenzo est bien l'homme fort de ce Giro. S'il a été devancé sur la ligne par deux Colombiens, un grand Rigoberto Uran (Sky), lauréat de cette 10e étape, et Carlos Betancur (Ag2r) le maillot rose aura donné l'impression de gérer de bout en bout et c'est à se demander si son plus dangereux concurrent n'aura pas été son propre vélo, coupable de deux sauts de chaînes à des moments cruciaux.

Le leader d'Astana, d'un calme olympien, surmonta ces difficultés avec le sang-froid d'un véritable patron. Un patron de moins en moins contesté puisque Cadel Evans et Bradley Wiggins ont affiché leurs limites actuelles sur les pourcentages monstrueux des cinq derniers kilomètres (passages à 20%). Vincenzo Nibali devra en revanche garder un oeil sur les deux coureurs qui l'ont devancé sur la ligne d'arrivée, Uran et Betancur. Les deux grimpeurs colombiens, encore loin au général, ont confirmé qu'ils possédaient les jambes pour titiller "le Requin de Messine". 

Les cent premiers kilomètres, disputés sur le plat, ont permis une mise en jambes progressive avant la première difficulté du jour, le Passo Cason di Lanza et ses 14 kilomètres à 6,3% de moyenne. Un groupe de 14 hommes l'a abordé le couteau entre les dents : Bennati (Team Saxo-Tinkoff), Dehaes (Lotto Belisol), Viviani (Cannondale Pro Cycling), Machado (RadioShack Leopard), Popovych (RadioShack Leopard), Millar (Garmin-Sharp), Dekker (Garmin-Sharp), Tjallingii (Blanco Pro Cycling Team), Rodriguez (Androni Giocattoli), Pauwels (Omega Pharma-Quick Step), Gatto (Vini Fantini-Selle Italia), Ligthart (Vacansoleil-DCM Pro Cycling Team), Brutt (Katusha). La coopération entre les fuyards, dont aucun ne représentait une menace sérieuse au général, a perduré mais elle a volé en éclat sur les pentes ardues de l'ascension finale. Le Vénézulien Rodriguez a tenté bien d'y aller seul mais un vélo récalcitrant lui a ôté tout espoir de victoire. Cependant l'échappée du grimpeur d'Androni Giocattoli a sonné comme un avertissement et annoncé tout simplement l'avènement de ses compatriotes sud-américains.

A l'amorce de la dernière difficulté du jour, les Sky se sont remontrés aux avant-postes, squattés par les Astana de Nibali dans la descente du Passo Cason di Lanza. La formation britannique préparait-elle le terrain pour Bradley Wiggins ? Pointé à 1'16 du maillot rose au départ de cette étape, l'Anglais était attendu au tournant. Alors, quand Rigoberto Uran, à sept kilomètres de l'arrivée, s'est dressé sur son pédalier pour porter une attaque, il a semblé prévisible que "Wiggo" pouvait s'élancer derrière son coéquipier. Mais les mètres puis les kilomètres ont défilé et le leader de la Sky n'a pas bougé. Pire, il a reculé insensiblement au sein d'un groupe qui avait depuis longtemps perdu Ryder Hesjedal ou Samuel Sanchez. Robert Gesink, 3e au général, lui aussi, a pioché dans le "mur" final. Nibali et Evans ont tout compris et accélèré le tempo. A défaut de grande offensive, la différence s'est fait par l'arrière. Carlos Betancur a quant à lui faussé compagnie aux favoris mais le Colombien d'AG2R est parti trop tard pour espérer revenir sur son compatriote. Grâce à ce doublé, la Colombie a confirmé en tout cas son renouveau sur la scène mondiale. Mais la vraie place forte sur ce Giro est bien occupée par Vicenzo Nibali. Il sera difficile de l'en déloger.