Valverde sur le Giro en classe découverte

Professionnel depuis 2002, Alejandro Valverde fait partie du paysage du cyclisme moderne. Tous les ans. Comme certaines mauvaises langues aiment à le dire, l'Espagnol est "en forme de février à octobre". Une affirmation qui sous-entend bien plus que ce qu'elle ne dit vraiment mais terriblement fausse sur le fond.

En s'y penchant vraiment, on remarque une certaine tendance dans le calendrier du Murcien : celle de ne jamais – ou presque – courir au mois de mai. Sauf cette année. Pour la première fois de sa carrière, l'Espagnol prendra ce vendredi le départ du Tour d'Italie. Une épreuve à laquelle il n'avait jamais participé. Vendredi soir, ce sera chose faite.

Il avait déjà hésité l'an dernier avant de renoncer. Mais le Tour d'Italie attirait Valverde depuis quelques années. Sans doute le fait de ne pas gagner le Tour de France y était-il pour quelque chose tout comme son podium en 2015 a dû favoriser sa décision de finalement franchir le pas. Lors de la présentation de l'équipe Movistar à Madrid en janvier, le Murcien avait clairement expliqué les raisons du choix de faire du Tour d'Italie son objectif de première partie de saison : "On a choisi de faire le Giro car je vais avoir 36 ans, et j'ai encore une très bonne condition physique, déclarait-il alors. Et aussi parce que j'avais envie, et l'équipe aussi, de changer un peu. C'est une course qui me plaît et le parcours n'est pas mauvais pour moi".

Après avoir donc couru 10 Vuelta et 8 Tours de France en douze saisons professionnelles, l'Espagnol va donc participer à son premier Tour d'Italie. Indirectement – ou non -, cela permet aussi à la Movistar de donner officiellement les coudées franches à Quintana sur le Tour de France, ce qui n'avait pas tout à fait été le cas la saison passée. Selon lui, il était "temps de le disputer" et de découvrir ainsi une des plus grandes courses du monde, peut-être la seule qu'il n'ait encore jamais courue, et ses fameux tifosi qui la rendent si particulière. "Les Italiens aiment beaucoup le Giro, a t-il récemment déclaré à Marca. C'est leur course. Ce sont de vrais passionnés et les tifosi sont impressionnants. J'en ai toujours entendu du bien, on m'a toujours dit: "Tu verras, tu vas adorer la course". En tout cas, j'espère que c'est une course plus proche de la Vuelta que du Tour."

"Cette saison sera différente, avec un calendrier complètement différent de celui que je fais d'habitude". Il l'avait dit, il l'a fait. En privilégiant le Tour d'Italie, Alejandro Valverde n'a pas seulement changé d'objectif concernant les Grands Tours. C'est toute sa saison qui en est bouleversée, lui qui avait l'habitude depuis ses débuts de viser année après année les mêmes courses : les classiques ardennaises, le Tour de France (à l'exception de 2009 où il ne pouvait le courir en raison d'une suspension du CONI), la Vuelta et les Mondiaux. En 2016, aucune de ses six courses n'est un véritable objectif du Murcien. Alors, oui, il a remporté la Flèche Wallonne, mais sans s'être préparé pour cela. Et s'il sera présent sur le Tour, c'est pour mieux préparer les JO de Rio ainsi que travailler pour Nairo Quintana, favori au maillot jaune.

Même dans ses courses de début de saison, on s'aperçoit que l'Espagnol a décidé de tenter autre chose en 2016. C'est tout son programme de courses qui est différent. Lorsqu'on le compare à celui de 2015, il n'y a que peu d'épreuves en commun. Exit les exotiques Tour d'Oman, Tour du Qatar et Tour de Dubaï, le Tour de Catalogne ou encore l'Amsteld Gold Race. Tout ça pour alléger la préparation du Murcien qui a redécouvert Tirreno-Adriatico pour la première fois depuis 2002.

Du coup, avec la seule course des Deux Mers comme épreuve d'une semaine, Valverde a beaucoup moins couru avec 24 jours cette année contre 33 l'an passé à pareille époque. "Il faut dire que courir le Tour du Pays Basque et le Tour de Catalogne fatigue beaucoup, expliquait-il à Marca. Quand ils ont eu lieu, moi j'étais à la maison et je me rongeais les ongles. Je me disais que je pouvais être là-bas, à jouer les victoires d'étapes. Mais le plan consistait justement à m'économiser. En remportant la Flèche Wallonne pour la quatrième fois, un record, c'est un pari sur la bonne voie.

Sept ans. Il faut revenir sept annnées en arrière pour trouver trace de la présence en course d'Alejandro Valverde au mois de mai. C'était en 2009, sur le Tour de Catalogne, lorsque celui-ci se disputait encore à pareille époque. Il n'y a d'ailleurs que sur l'épreuve espagnole (en 2002, 2005 et donc 2009) que le Murcien a couru en mai. Depuis son retour de suspension, Valverde répétait méthodiquement le même schéma, année après année : classiques ardennaises, coupure d'un gros mois et reprise en juin, que ce soit sur le Dauphiné (2013 et 2015), le Tour de Suisse (2012) ou la Route du Sud (2014).

Cette coupure, l'Espagnol en profitait pour recharger les batteries, chez lui, à Murcie, en famille. "Habituellement, au mois de mai, je me repose, mais cette année je ferai le Giro, donc on verra si les jambes répondent comme je le souhaite", avait-il expliqué lors de la présentation de l'équipe Movistar en janvier. Il en profitait pour courir avec les jeunes de l'équipe qui porte son nom à Murcie mais aussi pour relever des challenges caritatifs comme sa course face au médaillé olympique Chema Martinez sur les pentes d'Hazallanas, l'an passé. Il l'avait remporté. Cette fois, c'est un challenge d'une toute autre grandeur qui attend le Murcien.

Pour sa première participation au Giro, Alejandro Valverde a fait les choses consciencieusement. A plusieurs reprises, l'Espagnol est parti en Italie pour repérer les principales étapes de cette 99e édition. "On a reconnu la 8e étape, celle qui va jusqu'à Arezzo, avec une partie de montée sur un chemin ensablé, racontait-il récemment à Marca. C'est juste avant le chrono, que j'ai reconnu aussi et qui est dur. Celle de la Corvara (la 14e étape) est aussi très importante, essentielle. Les cols y sont très durs. Il faudra être très attentif. Quant au chrono en côte, il me plaît, on a été bon quand on l'a reconnu. On connaît un peu tout dessus, les développements, etc. Il nous convient bien". Mais, même s'il ne connaît pas le Giro, même s'il compte moins de succès en Grand Tour que Nibali (1 contre 3), Valverde ne passe jamais inaperçu lorsqu'il est au départ d'une course.

Vainqueur du Tour d'Espagne 2009, habitués des places d'honneur sur le Tour de France (3e en 2015, 4e en 2014) et sur la Vuelta (9 top 10 et un abandon en dix participations, 6 podiums !), l'Espagnol apparaît évidemment comme le grand favori de cette 99e édition du Tour d'Italie, au même titre que Vincenzo Nibali, qu'il avait devancé dans la course au podium sur la dernière Grande Boucle. Même si, pour le Murcien, c'est l'Italien qui a la pancarte : "Il reste le rival le plus coriace, a t-il avoué à Marca. C'est lui qui a gagné la Vuelta, le Giro et le Tour. A voir comment on arrivera à l'arrêter". Il pourra compter pour cela sur le Costaricien Amador, 4e du Giro 2015, et sur Betancur, 5e du Tour d'Italie en 2013. Et s'il y parvient, il se rapprochera fortement de son objectif déclaré : "Faire le maximum, essayer d'avoir le podium voire de gagner l'épreuve".