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Au coeur du mythe (2)

Eurosport
ParEurosport

Publié 25/07/2009 à 12:25 GMT+2

Le Tour de France a franchi le Mont Ventoux à 13 reprises depuis sa première rencontre avec le géant de Provence, en 1951. Ici se sont joués quelques-uns des actes les plus poignants de l'histoire de l'épreuve. Souvent héroïques, parfois tragiques. Retour sur quelques pages de cette légende.

1970 - UNIQUE COMME MERCKX
Eddy Merckx est l'homme de tous les records. Pas étonnant, donc, que le Belge soit aussi le seul champion à s'être imposé au Ventoux avec le maillot jaune sur les épaules. Une victoire inoubliable, donc, pour Merckx. A plus d'un titre d'ailleurs. La toison jaune d'Eddy est barrée d'un crêpe noir, en hommage à Vincenzo Giacotto, le manager de son équipe, Faemina, décédé la veille. Le champion avait tissé avec le vénérable technicien italien des rapports affectifs très forts et Merckx, champion à fleur de peau, aborde l'étape du Ventoux entre tristesse et rage. Cette dernière, à condition d'en maîtriser les effets les plus sombres et les plus néfastes, peut devenir un incroyable moteur. Elle le sera pour Merckx, déterminé à gagner pour Giacotto, mais aussi pour régler un petit compte avec les organisateurs. Ceux-ci, afin de minimiser la suprématie de Merckx, ont réduit au maximum la part des chronos sur ce Tour 1970, domaine dans lequel la supériorité du Cannibale est la plus évidente.
Alors Merckx veut gagner partout où il le peut en montagne. Un peu comme l'année précédente à Mourenx, il veut signer un exploit majuscule, en partant le plus tôt possible. Il attaque donc dans la forêt. Très loin de l'arrivée. Trop loin. Il lâche tout le monde. Seul Joaquim Agostinho, inconscient, décide de suivre le maillot jaune. A hauteur du Chalet-Reynard, le Portugais cède à son tour, laissant donc Merckx seul dans la pierraille, à six kilomètres du but. 2000 mètres plus loin, la cadence de pédalage du Bruxellois devient beaucoup plus heurtée. Il vient de présumer de ses forces. Erreur fatale au Ventoux. Eddy Merckx va au bout de sa souffrance. Dans un geste de grandeur, de seigneur, il trouve la force d'ôter sa casquette et de se signer en passant devant la stèle de Tom Simpson. Merckx s'impose avec 1'11" d'avance sur Martin Vanden Bosche, son coéquipier. Ce dernier s'est écroulé sitôt la ligne franchie. Il faut lui mettre l'oxygène. Stupeur, quelques instants plus tard, quand Merckx s'effondre à son tour. Il repartira dans l'ambulance à son hôtel. L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais l'immense champion avouera plus tard avoir partiellement simulé sa défaillance, afin de pouvoir bénéficier d'une récupération plus rapide grâce à l'oxygène et un retour express à son hôtel. Merckx laissera cet autre aveu: ce jour-là, en passant devant le monument rendant hommage à Simpson, il a eu peur. Peur, devant sa propre souffrance, de ne pas être à la hauteur du géant qu'il était en train de gravir. Face au géant de Provence, même les plus grands se sentent tout petit.
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1972 - THEVENET, RETOUR D'ENFER
Un champion est mort sur les pentes du Mont Ventoux. Mais on peut parfois aussi renaître, sportivement parlant, sur cette montagne surchauffée. Sur ce Tour de France 1972, Bernard Thévenet, la valeur montante du cyclisme français, dont chacun pressent qu'il a en lui les atours d'un futur maillot jaune à Paris, a subi une terrible chute dans les Pyrénées. Dans la descente d'Arthez-d'Asson, le leader de l'équipe Peugeot est sorti de la bonne trajectoire. Il peut rallier l'arrivée, mais se retrouve à plus de huit minutes au général, ayant perdu toute chance de jouer les premiers rôles. Son corps, meurtri, laisse planer le doute sur sa faculté à poursuivre la course. Thévenet s'accroche dans la grande étape des Pyrénées, le lendemain, puis récupère tout doucement de ses douleurs aux côtes. Trois jours plus tard, au départ de La Grande-Motte, le Français va mieux mais ne s'imagine pourtant pas en vainqueur au sommet du Ventoux quelques heures plus tard. D'ailleurs, quand Thévenet a décroché sur une accélération de Luis Ocana, son compte semble bon. Le grimpeur espagnol est parti avec Eddy Merckx et Raymond Poulidor. Pourtant, au courage, au talent aussi un peu, quand même, celui que la France commence à appeler "Nanard" revient sur le trio. Mieux, à trois kilomètres du sommet, c'est lui qui attaque, avec la bénédiction de Merckx, pour lequel il ne constitue pas une menace. Ocana et Poulidor n'ont plus la force de répliquer. Thévenet s'en va vers la plus impensable des victoires. Deux ans plus tôt, il s'était révélé ici en terminant 5e de l'étape remportée par Merckx. Cette fois, il succède au Belge, comme il lui succédera au palmarès du tour trois ans plus tard.
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1987 - SAINT-BERNARD AU PARADIS
Le Tour de France 1987 est annoncé comme une édition de transition. Bernard Hinault et Greg LeMond, qui ont surclassé la concurrence un an plus tôt, ne sont pas là. Le Breton est à la retraite, l'Américain a frôlé la mort au printemps dans un accident de chasse. Il y a doc un Tour à prendre. A une semaine de l'arrivée, ils sont encore quatre à pouvoir rêver. Charly Mottet, qui porte le maillot jaune, Stephen Roche, déjà vainqueur du Giro, Pedro Delgado, le leader espagnol de l'équipe PDM, et Jean-François Bernard. Ce dernier porte le dossard 1. Peut-être un présage. Le Ventoux se profile donc à l'horizon, pour un contre-la-montre très attendu. Voilà 13 ans que le grand chauve n'a pas été escaladé sur le Tour, et il va falloir se le coltiner tout seul. Le départ est donné de Carpentras. La première moitié du parcours sera donc taillée pour les purs rouleurs, avant d'aborder la montée proprement dite, par Bédouin. La chaleur est écrasante. L'étape s'annonce terrible.
Habillé de cet improbable maillot de la performance (récompensant à l'époque le coureur le plus polyvalent, cette unique comportait un bout de vert, un bout de jaune, un bout de blanc à pois rouge, etc.) Jeff est tout seul. Mais ce sont les autres qui pleurent. Lui se contente de voler. Il a d'abord joué le coup à la perfection tactiquement en utilisant un vélo de contre-la-montre jusqu'au pied de la montée, avant d'enfourcher une machine plus légère. Le voilà lancé sur la toupie lunaire. Le visage est marqué. Le coureur de l'équipe Toshiba dégage pourtant une impression de facilité, éminemment trompeuse, bien sûr, car personne ne s'amuse au Ventoux. Bernard parait en transe. Au sommet, il s'impose, atomisant tout le monde, grimpeurs et rouleurs. Lucho Herrera est à 1'39", Delgado à 1'51", Roche à 2'19", Mottet quasiment à quatre minutes. Bernard, triomphant, endosse le maillot jaune. De Bernard, Hinault, à Bernard, Jean-François, la filiation semble tracée. Mais le lendemain, gagné par la poisse, Jeff va tout perdre dans le Vercors. A Paris, il devra se contenter de la troisième place. Il ne le sait pas encore, mais il vient de laisser passer la chance de sa vie. Plus jamais il ne portera le maillot jaune. Plus jamais il ne retrouvera l'état de grâce qui fit de lui, par cette brûlante journée de juillet, le maître du Ventoux. Autant dire le maître du monde.
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2000 - EXCES DE POLITESSE
A ma gauche, Lance Armstrong, maillot jaune. A ma droite, Marco Pantani, tout de rose vêtu. Duel haut en couleurs, comme si le maître du Tour affrontait le leader du Giro. Ce sont surtout les lauréats des deux derniers Tours de France qui s'approchent du sommet du Mont Ventoux ce 13 juillet 2000. Le Texan, cela ne fait guère de doute, va signer dans quelques jours sa deuxième victoire de rang. La confirmation qu'un règne est bien en train de débuter. Mais Pantani demeure une référence dès que la route s'élève. Balayé à Hautacam, le Pirate veut montrer qu'il est toujours là. Au-dessus du Chalet Reynard, Pantani a démarré. Son accélération foudroyante a laissé sur place le groupe des favoris, mais bientôt, au train, Armstrong est revenu sur le grimpeur romagnol. La victoire ne peut plus leur échapper. A l'approche de la ligne d'arrivée, Pantani semble marquer le pas. L.A. donne l'impression de pouvoir déposer son dernier accompagnateur. Le maillot jaune ne cesse de se retourner, comme s'il voulait attendre Pantani. Finalement, ce dernier remporte l'étape, juste devant Armstrong. L'Italien, vidé, n'a même pas levé les bras. Le débat s'ouvre. Il ne s'est pas refermé depuis: Lance Armstrong a-t-il offert en cadeau la prestigieuse victoire à Marco Pantani? L'Américain le laisse entendre. Pantani, vexé, touché dans son orgueil de champion, ne le digèrera jamais. "On ne laisse pas gagner Pantani", clame-t-il, avant de garantir qu'il aurait, de toute façon, gagné l'étape. Dans le geste de l'Américain, qui se voulait grand seigneur, Pantani n'a vu que du mépris.
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