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Il était une fois le Tour

Eurosport
ParEurosport

Publié 07/07/2009 à 10:00 GMT+2

Chaque jour, découvrez ou redécouvrez une grande page de l'histoire du Tour de France. Mercredi, troisième volet avec l'improbable dénouement du Tour 1947. Lors de la dernière étape, Jean Robic renverse la situation et dépossède Pierre Brambilla du maillot jaune et de la victoire finale.

C'est une de ces journées historiques, complètement folles, où des destins basculent. Pour le meilleur et pour le pire. Le 20 juillet 1947, Jean Robic a forcé le sien, au cours de l'ultime étape du Tour de France. C'est la seule fois, après Guerre, où le maillot jaune a changé d'épaules le dernier jour, hors contre-la-montre. Au départ de cette étape Caen-Paris, le sacre semble pourtant promis à Pierre Brambilla, le plus Français des Italiens. Il compte 58 secondes d'avance sur son compatriote, Ronconi, et 2'58" sur Robic.
Ce dernier peut être fier de son Tour. Leader de l'équipe de l'Ouest, il n'était pas donné gagnant au départ."Biquet", dont les paroles, parfois maladroites, ont provoqué des dissensions jusque dans sa propre équipe, a fait son numéro entre Pau et Luchon dans les Pyrénées. Il ne lui aura finalement pas manqué grand chose pour s'offrir le jaune à Paris... Mais il ne rêve pas, Robic. Reprendre deux minutes à Ronconi et trois à Brambilla dans la dernière étape semble, a priori, impossible. Mais impossible n'est pas Robic. Alors, rien ne va se passer comme prévu. Dans la côte de Bonsecours, à la sortie de Rouen, le Breton lance une offensive féroce. Edouard Fachleitner, dit le Berger de Manosque, quatrième du classement général, a pris sa roue, au prix d'un énorme effort. Brambilla, lui, navigue à quelques mètres, mais il n'opérera jamais la jonction malgré un effort désespéré. Peut-être comprend-il à cet instant que le Tour est en train de lui échapper.
Tête de cuir, tête de lard
Devant, Robic et Fachleitner comprennent à l'inverse qu'ils peuvent décrocher le gros lot, d'autant que Brambilla se retoruve isolé. Les Italiens ne l'aiment pas. Ils ne veulent pas l'aider. Le maillot jaune ne trouve du soutien qu'après de Pierre Tacca. C'est trop peu. Reste que la rivalité entre Robic et Fachleitner est forte. Elle peut tout faire capoter. Compatriotes, certes, ils sont aussi adversaires puisque l'un roule pour l'équipe de l'Ouest, l'autre pour l'équipe de France. Léo Véron, entraineur des Tricolores, demande à Lucien Teisseire, parti en éclaireur en début d'étape, d'attendre Fachleitner et Robic. Ils vont tenter de piéger le Breton. La jonction s'opère à une centaine de kilomètres de l'arrivée à Paris. "Fach" attaque à plusieurs reprises. Robic tient bon mais le danger est là car d'ici Paris, il peut encore se passer bien des choses.
Alors lui vient une idée. Il va proposer un deal à Fachleitner: "tu ne gagneras pas le Tour car je ne te laisserai pas partir. Mais si tu roules avec moi, je te donne 50.000 francs." Fachleitner secoue la tête. Il veut 100.000. "Tout ce que tu veux, dit Robic, mais roule nom de dieu!" Le provençal accepte. Le pacte est scellé. Le sort de Brambilla et de ce Tour de France aussi. Fachleitner tentera pourtant une dernière fois de lâcher Robic dans Marly-le-Roi. En vain. A l'arrivée à Paris, Jean Robic, "tête de cuir" (surnom qu'il devait au casque fixé sur sa tête) remporte ainsi son premier et unique Tour de France sans avoir jamais porté le maillot jaune tout au long de l'épreuve. Brambilla, lui, entre en jaune dans Paris. Mais pas en vainqueur.
"Coppi? J'en ai un dans chaque jambe"
Ce sacre, tout autant que son caractère de cochon, lui valut de devenir une grande figure populaire de l'Après-Guerre. Pour toute la France du cyclisme, Robic devient Biquet. La suite de sa relation avec le Tour sera tumultueuse, et moins fructueuse. Robic a la poisse chevillé aux pédales. Elle ne le lâche pas, comme s'il l'attirait. Exemple? En 1949, il perd sa selle dans l'Izoard, et doit monter le col en danseuse, sans jamais pouvoir s'asseoir. Il y en eut bien d'autres. L'autre problème de Robic, c'est son incapacité à faire l'unanimité en équipe de France. Il ne s'y sentira jamais à l'aise et les rapports seront souvent tendus. Partiellement par sa faute d'ailleurs, car ce teigneux cabochard n'était pas toujours un cadeau. Un vrai breton, quoi!
"J'ai toujours tout dit, si possible haut et fort, quitte à me faire de nouveaux ennemis ", se plaisait-il à dire. Et c'est pour ça, pour ce qu'il était, que Robic fut le coureur le plus populaire de sa génération. Têtu, terriblement orgueilleux, Robic n'était jamais avare d'une provocation. "Coppi? J'en ai un dans chaque jambe", dira-t-il à l'avènement du champion italien, deux ans plus tard. Coppi lui fera pourtant bien des misères sur ce Tour. Louison Bobet aussi. Ce Bobet qu'il détestait, lui reprochant d'être un faux Breton, puisque né en Ille-et-Vilaine ! Mais c'est aussi ce type de rivalités qui a façonné la légende du Tour de France. Tout autant que les petites histoires et arrangements entre amis, voire entre adversaires, comme celle qui fit basculer ce Tour de France 1947.
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