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Il était une fois le Tour

Eurosport
ParEurosport

Publié 08/07/2009 à 13:15 GMT+2

Chaque jour, découvrez ou redécouvrez une grande page de l'histoire du Tour de France 2009. Mercredi, l'exploit de Luis Ocaña à Orcières-Merlettes, en 1971. Déchainé, l'Espagnol allait mettre à mal la suprématie d'Eddy Merckx. Mais il allait ensuite tout perdre dans les Pyrénées.

Lorsque débute le Tour de France 1971, le cyclisme nage en plein merckxisme. Une suprématie unique dans l'histoire du cyclisme. Incomparable avec le joug exercé sur le Tour de France pendant sept ans par Lance Armstrong. L'Américain n'était l'homme que d'une course, quand Merckx phagocytait le calendrier de février à octobre. La domination du champion belge est telle aux débuts des années 70 qu'elle provoque agacement, lassitude et une certaine forme de résignation chez ses adversaires. Il faudra toute la fierté d'un bouillant Castillan pour oser remettre en cause l'ordre établi.
Luis Ocaña, puisqu'il s'agit de lui, refuse la fatalité devant la grandeur de Merckx, qu'il appelle "le grand con" en privé. Ce sentiment de révolte, Ocaña va l'insuffler à toute l'équipe Bic, prête à renverser l'hégémonie des Molteni. L'Espagnol place une première banderille dans l'ascension du Puy-de-Dôme, où il s'impose brillamment. Merckx plie sans rompre et conserve son maillot jaune. Mais Ocaña a senti la porte s'entrebâiller. Dans l'étape d'Orcières-Merlettes, trois jours plus tard, il va donner un grand coup de pied afin de l'ouvrir complètement, accomplissant un de ces exploits qui vous changent un homme et vous dessinent un champion. Nous sommes le jeudi 8 juillet. Cette 11e étape est courte (134 km), mais redoutable. Quelques kilomètres après le départ de Grenoble, c'est Joaquim Agostinho, motivé par son manager Raphaël Geminiani, qui déclenche les hostilités dans la côte de Laffrey. Zoetemelk, Van Impe et Ocaña ont suivi. Pas Merckx. La révolte est lancée. Le Cannibale sent qu'il va passer une sale journée.
Merckx, grand dans la défaite
Un peu plus loin, à mi-course, dans le col du Noyer, celui-là même où il s'était effondré un an plus tôt, Ocaña décide de vivre sa vie. Il lâche Agostinho et les autres. Le voilà seul. Plus grand que jamais. Derrière, c'est la curée. A l'arrivée à Orcières-Merlettes, l'Espagnol a creusé des écarts invraisemblables. Il relègue Lucien Van Impe, deuxième de l'étape, à près de six minutes. Ocaña s'empare du maillot jaune au terme d'un des plus grands exploits de l'Après-guerre, digne de celui accompli dans un registre comparable par Eddy Merckx, deux ans auparavant, à Mourenx. "La chevauchée d'Ocaña m'a rappelé les grandes échappées de notre temps. Celles de Coppi, par exemple. Pour la première fois depuis longtemps, j'ai eu la nostalgie du Tour", salue Louison Bobet, admiratif.
Si cette étape est passée à la postérité, c'est autant par la grâce de son vainqueur que par la majesté de sa principale victime, son altesse Eddy Merckx en personne. Abandonné par toute son équipe, seul comme jamais, confronté à une situation de crise inédite pour lui sur le Tour, le Brabançon a roulé seul pendant quasiment 80 kilomètres. Il a même songé à abandonner, avant de faire face. Son courage lui permet de "limiter" les pertes à 8'42" sur la ligne d'arrivée, où il prend la troisième place. Dans la défaite, Merckx va alors se montrer exceptionnellement grand. Sans chercher la moindre excuse, il adresse à son rival ibérique un formidable hommage: "Ce qu'il a réalisé est extraordinaire, croyez-moi. Il faut s'incliner devant un champion de cette trempe. C'est le sport. Dans la vie comme dans le sport, on assiste à de tels évènements. Il n'y a rien à dire d'autre. C'est la règle. Il faut savoir la reconnaître."
Noir destin
Les observateurs sont sidérés par tant de sportivité, de la part d'un homme davantage habitué à coller des trempes qu'à en recevoir. Pour un peu, même ceux qui souhaitaient sa chute la regretteraient... Curieusement, la grandeur de Merckx dans l'adversité va presque reléguer l'exploit d'Ocaña au second plan. Geminiani, qui a toujours tout compris avant les autres, le note d'ailleurs le soir même. "Des échappées comme celle d'Ocaña aujourd'hui, on n'en voit pas tous les jours. Mais, souligne le Grand Fusil, je me demande si ce que Merckx a réalisé derrière n'est pas plus formidable. Dans une telle situation, le moral affecté, n'importe quel autre champion, même les plus grands du passé, aurait pris non pas huit mais vingt minutes."
Ocaña, on le comprend, ne manquera pas de s'agacer devant ce qu'il considère comme une injuste interprétation de la situation. Pauvre Luis. Il n'est pas au bout de ses peines. Dans les Pyrénées, une autre étape de légende précipitera sa perte. Sous un orage du tonnerre, dans la descente du col de Menté, la chaussée est détrempée. Le ciel est noir. On n'y voit pas à deux mètres. Merckx, totalement inconscient, aborde un virage à 80 à l'heure. Suicidaire. Le Belge tombe, mais repart. "Il est mûr pour l'asile ", dira son directeur sportif. Ocaña, qui n'a pas la réputation d'être un grand descendeur, chute à son tour. Il se relève également. Là, arrive Zoetemelk, qui le percute de plein fouet. Cruel destin pour Don Luis, terrassé. A Luchon, Merckx refuse d'endosser le maillot jaune, par respect pour son adversaire, auquel il rend visite à l'hôpital. Il comptait encore 7'30" de retard sur lui au général. Il ne serait sans doute pas revenu. Ce Tour 1971 lui reviendra finalement. Il restera néanmoins éternellement associé à Luis Ocaña, l'ange maudit d'une Grande Boucle mythique dont il fut le véritable héros, heureux puis malheureux. Il fut le premier à faire vaciller le roi Merckx. Comme l'écrivit Jacques Goddet au soir de son exploit d'Orcières, "plus rien ne sera jamais comme avant". Un tel hommage vaut presque un maillot jaune.
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Luis Ocana : Et Orcières entra dans la légende du Tour.

Crédit: AFP

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