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Il était une fois le Tour

Eurosport
ParEurosport

Publié 12/07/2009 à 11:45 GMT+2

Chaque jour, découvrez ou redécouvrez une grande page de l'histoire du Tour de France. Dimanche, retour sur le chemin de croix de Pascal Simon sur le Tour 1983. Après avoir conquis le maillot jaune à la pédale dans les Pyrénées, le leader de Peugeot se brise l'omoplate. Il devra abandonner.

Il n'y a sans doute rien de pire pour un maillot jaune que de quitter le Tour de France sur blessure. Sans pouvoir se défendre pleinement. Surtout quand le maillot jaune en question semble en mesure de le ramener jusqu'à Paris... Mais le Tour, objet de tous les plaisirs, peut aussi devenir un instrument de torture. Impitoyable, il a parfois, avec un sens aigu de la cruauté, la faculté de vous arracher des mains ce qu'il venait de vous donner. Pascal Simon a connu ça en 1983. Un Tour comme une vie, où l'aîné de la fratrie Simon aura tout connu: la gloire, le bonheur, la souffrance, la déchéance, la victoire, l'échec, et finalement une petite mort, le jour de son abandon.
Le Tour 1983. Un Tour pas comme les autres. Un Tour à prendre, un Tour de transition, en l'absence de Bernard Hinault, vainqueur de quatre des cinq éditions précédentes. Le Blaireau, genou en feu, a été contraint de se faire opérer au printemps. Son forfait ouvre les portes, aiguise les ambitions. Celle de Pascal Simon, par exemple. Le premier grand rendez-vous est fixé dans les Pyrénées. Les Colombiens, grande attraction de l'été sur la Grande Boucle, y font sensation. L'étape reine entre Pau et Bagnères-de-Luchon, dans la fournaise et via l'Aubisque et le Tourmalet, va redistribuer les cartes au classement général. Robert Millar s'y impose, six secondes devant le jeune Pedro Delgado, dont on reparlera, et 1'13" sur Pascal Simon. Ce dernier s'empare du maillot jaune pour la première fois de sa carrière.
"J'en aurais chialé"
Au soir de cette grande lessive, Simon devance Laurent Fignon de 4'30" et Jean-René Bernaudeau de 5'35". Paris est encore loin, certes, mais le Champenois fait clairement office de patron. Fignon, promu leader chez Renault en l'absence d'Hinault, est certes un challenger crédible, mais son retard est déjà conséquent. La position de Pascal Simon est donc confortable, d'autant qu'il a fait le ménage au sein de sa propre équipe, Stephen roche et Phil Anderson ayant affiché leurs limites dans les grands cols pyrénéens. Mais tout bascule le lendemain, le 12 juillet. 40 kilomètres après le départ de Bagnères, Simon est victime d'une chute. Il se relève, mais souffre terriblement. "J'avais très mal. J'ai cru que je n'atteindrai pas Fleurance (NDLR: terme de l'étape). J'en aurais chialé." Entre tristesse et colère, il repart et termine finalement l'étape dans le peloton. Mais le diagnostic est sévère: fracture de l'omoplate et déchirure des tendons de l'épaule. Le maillot jaune envisage un temps d'abandonner, avant de se résoudre à poursuivre la course. A 12 jours de l'arrivée à Paris, la mission semble impossible.
L'intéressé lui-même ne se fait pas d'illusions. "Notre Docteur m'a dit que je pourrais tenir. Sûrement pour me remonter le moral. Vu la nature de la blessure, je ne vois pas comment je vais pouvoir finir ce Tour." Et quand on lui demande d'estimer ses chances d'atteindre la capitale, il répond sans ambages: "une sur cent, pas plus." Débute alors un véritable chemin de croix d'une semaine, au cours de laquelle Simon va afficher un courage de tous les instants, défendant sa tunique malgré une souffrance aussi évidente qu'apparente. Sur son vélo, le maillot jaune ressemble à un martyr sur sa croix. Tout devient souffrance, y compris les instants de bonheur réservés à son statut de patron de la Grand Boucle, comme le protocole, le soir, après l'étape. Au bout de quelques jours, il en sera d'ailleurs dispensé. Le 14 juillet, le public le fête, admiratif devant son courage. Mais Simon n'en peut déjà plus.
Saint-Simon, ça ne s'invente pas
Le destin, salopard comme pas deux, pousse le vice jusqu'à faire traverser au peloton la localité de... Saint-Simon. Ça ne s'invente pas. Au soir de la fête nationale, il se confie à la télé: "j'ai souffert comme il n'est pas permis de souffrir aujourd'hui. Je ne pense pas que je pourrais tenir longtemps comme ça. Un jour ou deux, peut-être. Mais pas davantage, car j'ai vraiment puisé dans mes réserves pour finir." Il reste encore le contre-la-montre du Puy-de-Dôme et les Alpes à traverser. Dans le Massif Central, Simon est tout simplement formidable. Dans le chrono, sous un soleil de plomb, il parvient à sauver son maillot jaune. "Une minute de retard après huit kilomètres, je savais que c'était dans la poche. Fignon ne pouvait pas me reprendre plus de deux minutes sur le reste du parcours. Mais j'ai encore passé une journée épouvantable", avoue le coureur Peugeot, pourtant soutenu comme jamais. "Si j'ai encore ce maillot, c'est grâce à cette foule. Sinon, j'aurais déjà craqué." Reste que le courage a ses limites. L'agonie du champion touche à sa fin.
Le lundi 18 juillet 1983, une semaine exactement après sa chute, Pascal Simon sait qu'il est au bout du chemin, alors que s'avance devant lui la terrible traversée des Alpes, à commencer par l'Alpe d'Huez. Laurent Fignon, son dauphin au général, n'est plus qu'à 40 secondes. Un retard dérisoire compte tenu des circonstances. Peu après le départ de cette 17e étape, dans la cote de la Table, Pascal Simon met pied à terre. C'est la fin d'un rêve, mais aussi d'un calvaire. A l'Alpe d'Huez, Fignon est en jaune. "Pascal a été admirable de courage. Je suis sincèrement désolé pour lui. Mais c'est la course et je n'ai pas l'impression de voler quoi que ce soit ", confie le Parisien. Il a raison. Six jours plus tard, il remporte son premier Tour de France, à 23 ans. Simon, de quatre ans son ainé, vient de voir la chance de sa vie s'envoler. Il ne portera plus jamais le maillot jaune.
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