Cette fois, c'est sérieux

On a beau se frotter les yeux, se pincer, tourner dans tous les sens le problème, les faits sont là. A huit jours de l'arrivée à Paris, après le passage des Pyrénées, après deux arrivées en hors catégorie, le maillot jaune s'appelle encore, s'appelle toujours Thomas Voeckler. Plus que jamais. Et cette fois, ça change tout. A l'exception de Jelle Vanendert, magnifique vainqueur au Plateau de Beille, et de Samuel Sanchez, dauphin du Belge (soit l'ordre inverse de l'arrivée à Luz-Ardiden), personne n'a réussi à décramponner le leader de l'équipe Europcar. Oui, Andy Schleck a pris deux secondes sur la ligne à la faveur du sprint, mais aucun des grands favoris de ce Tour n'a réussi à déstabiliser l'Alsacien, au terme d'une journée éprouvante et d'une dernière ascension tendue, où tout le monde était à bloc.

A Luz-Ardiden, Voeckler avait profité de l'attentisme des cadors, qui avaient attendu les trois derniers kilomètres pour s'attaquer. Au Plateau de Beille, il restait près de 11 kilomètres lorsque Andy Schleck a secoué le cocotier pour la première fois. Voeckler n'a pas bronché. Il est revenu. Comme il est revenu à chaque soubresaut des Schleck, de Basso ou d'Evans. Mieux, on a senti que l'envie d'attaquer à son tour l'a titillé à une ou deux reprises. Alberto Contador, lui, n'a pas attaqué une seule fois. Preuve que le Madrilène n'a pas encore retrouvé ses jambes du Giro. Au moins, cette fois, il n'a pas perdu de temps. Voeckler, les Schleck, Evans, Contador et Basso sont arrivés tous ensemble au sommet. Un groupe maillot jaune où l'on n'oubliera pas de mentionner Rigoberto Uran, nouveau maillot blanc, et deux autres Français épatants, Jean-Christophe Péraud et Pierre Rolland. L'incroyable Pierre Rolland.

Devant, deux hommes ont réussi à fausser compagnie à ce beau monde. Jelle Vanendert et Samuel Sanchez, soit exactement les deux mêmes qu'à Luz-Ardiden. Mais dans l'ordre inverse. Le Belge, deuxième voilà 48 heures, est cette fois allé chercher la plus belle victoire de sa carrière. Distancé au général (il était au-delà de la 30e place au départ de Saint-Gaudens), le coéquipier de Philippe Gilbert a profité de sa position pour attaquer à 6 kilomètres du sommet. Personne n'a cherché à lui emboiter le pas. Vanendert est revenu sur le malheureux Sandy Casar, dernier rescapé de la conséquente échappée matinale. Le Belge a ensuite filé sans opposition vers la victoire, offrant à Omega Pharma Lotto sa troisième victoire en deux semaines. Il récupère au passage le maillot à pois.

Derrière lui, seul Samuel Sanchez a réussi à tirer son épingle du jeu. Le grimpeur asturien a des jambes sur ce Tour. Sa sortie dans le final ne lui a certes pas permis de s'offrir un deuxième succès en trois jours. Mais il a tout de même repris encore plus de 20 secondes aux autres protagonistes dans l'optique du général. Un général plus que jamais contrôlé par Thomas Voeckler. L'Alsacien possède toujours 1'49" d'avance sur Frank Schleck, plus de deux minutes sur Evans et Andy Schleck, plus de trois sur Basso, 3'44" sur Sanchez et quatre minutes tout rond sur Contador. Désormais, il faut appeler un chat un chat. Voeckler, après ce qu'il a montré ce samedi, compte parmi les prétendants au podium. Dans ce Tour où personne, pas même Contador et Andy Schleck, n'est une jambe au-dessus des autres, il a un énorme coup à jouer. Qui l'eut crû? Franchement, pas nous.