Le calvaire de Chavanel

Ce n'est pas exactement le Tour dont il aurait rêvé. Avec son beau maillot bleu, blanc, rouge sur le dos, Sylvain Chavanel se voyait en attaquant au grand coeur, plein de panache. Quand il s'imaginait loin du peloton, c'était plutôt pour être devant, à honorer sa tunique tricolore. Pas derrière, à traîner sa misère. Mais au lendemain de sa chute qui lui a laissé en guise de séquelle une luxation acromio-claviculaire (en d'autres termes, une épaule en vrac), le Poitevin a vécu une journée bien galère jeudi entre Dinan et Lisieux. "Une journée dont je vais me souvenir pendant très longtemps", a-t-il confié à l'arrivée.

Une arrivée qu'il a bien failli ne jamais voir. Lâché en cours d'étape, il a coupé la ligne en 188e position, à plus de 12 minutes du vainqueur, Edvald Boasson Hagen. "Ca a été très difficile mais j'ai réussi à accrocher un groupe pour finir l'étape", raconte le champion de France. S'il est encore présent, c'est grâce à ses directeurs sportifs, qui ont su trouver les mots pour le pousser à continuer, au moment où il est passé tout près, vraiment tout près, de mettre pied à terre. "J'étais tout près de l'abandon, reprend le coureur de Quick Step, et c'est grâce à mon directeur sportif qui m'a dit 'c'est le Tour de France, tu as le maillot de champion de France, ça se respecte'. C'est vrai que ça se respecte, alors je suis reparti".

Très applaudi à l'arrivée, Chavanel aurait évidemment préféré être acclamé dans d'autres circonstances. Pourtant, en début d'étape, il était passé à l'attaque pour tenter de revenir sur l'échappée qui venait de se former. Sa tentative avait échoué, mais, au moins, on pensait que cette offensive précoce témoignait d'un état de santé satisfaisant. On se trompait. Ce n'était qu'un leurre, dû à l'effet très provisoire des médicaments. "J'ai pris des anti-inflammatoires et ça m'a caché la douleur, explique-t-il. C'était pour voir si l'épaule arrivait à tenir. Sur le moment, c'était impeccable mais ça s'est réveillé pendant l'étape et ça allait de pire en pire".

Lorsque la douleur est revenue, Chavanel a dégusté. Manque de chance, c'était le jour le plus long sur ce Tour 2011. Sa souffrance, presque une agonie, n'en aura été que plus pénible. Son calvaire terminé, Sylvain Chavanel avait du mal à se projeter vers l'avenir, ne serait-ce qu'à moyen terme. Si son état ne s'arrange pas, il aura du mal à tenir beaucoup plus longtemps. "J'ai beaucoup de mal à bouger mon épaule, j'ai mal à l'articulation entre l'omoplate et la clavicule mais c'est comme ça", dit-il, fataliste. Il ne parle pas d'abandon, mais ne promet rien. "On fait jour par jour. En tout cas, je ne fais pas du vélo pour souffrir comme ça. Le Tour de France, ça se respecte. On va essayer de se battre jusqu'au bout".