Le grand huit du Tour

Qui aurait pu prédire que le Français soit encore en jaune à la sortie des Pyrénées ? A priori, personne. Même pas lui. Héroïque à Luz-Ardiden jeudi, bien calé dans le peloton lors de la montée du col d'Aubisque vendredi, peut-être le plus en jambes samedi au Plateau de Beille, il a fait parler son courage. Il a pu aussi s'appuyer sur une équipe Europcar entièrement dévouée à sa cause pour conserver sa première place au général. Un peu plus surprenant chaque jour, le leader du Team Europcar n'est plus très loin de l'exploit. Celui-ci (un top 10 ? un top 5 ? Un podium ?) est dans ses cordes s'il ne s'écroule pas dans les Alpes puis lors du chrono de Grenoble.

Et si c'était lui le leader de la formation Leopard Trek ? Le frère d'Andy pointe au 2e rang du général. On lui prédisait le maillot jaune au sortir des Pyrénées, après sa 3e place pleine de conviction à Luz-Ardiden. Mais samedi, le Luxembourgeois a reconnu avoir coincé dans les deux derniers kilomètres de l'ascension du Plateau de Beille. Dans celle-ci, il n'a placé qu'une seule petite attaque (contre quatre - petites également - à son frère) et s'est plaint de l'attitude de ses adversaires, leur reprochant un certain immobilisme. Piètre rouleur, Frank sait qu'il doit aborder le chrono grenoblois avec une avance confortable sur des coureurs comme Alberto Contador et Cadel Evans. Pour l'instant, celle-ci n'est pas suffisante.

Quoi qu'on en dise, l'Australien est le grand gagnant du triptyque pyrénéen. Evans est idéalement placé avant la dernière semaine de course. Le dauphin des éditions 2007 et 2008 n'a jamais été mis en difficulté depuis le départ du Tour. En montagne, à son habitude, il s'est glissé dans les roues de ses rivaux. Tactiquement parlant, il n'y a rien à lui reprocher. Sa position actuelle (il ne faut pas oublier la première semaine de feu qu'il a réalisée) et l'attitude de ses adversaires ne l'obligent à rien. Le temps qui passe joue pour lui. Jusqu'à maintenant, il n'a jamais eu à faire rouler ses coéquipiers. Cela pourrait compter dans quelques jours. Si le classement n'évolue pas avant le long chrono de Grenoble, Evans ne sera pas loin du maillot jaune sur les Champs-Elysées. Après 15 jours de course, il est le mieux placé des favoris. Cela ne fait aucun doute.

Après le Plateau de Beille, le Luxembourgeois a immédiatement donné rendez-vous. Dans les Alpes. Incapable de faire la différence dans les Pyrénées depuis jeudi, Andy devra montrer un autre visage dans quelques jours. A une semaine de Paris, le cadet des frères Schleck est pointé à 26 secondes de son frère et à 9 secondes de Cadel Evans, après leur avoir repris... deux petites secondes dimanche. "On a travaillé mais on ne pouvait pas faire de grande différence. Il faut une montée plus sélective. Mais c'est dans les Alpes que la différence se fera", a-t-il expliqué. Etrangement, quand on lui a demandé, au soir de la 14e étape, quels adversaires lui laissaient la meilleure impression, Andy a pointé du doigt Ivan Basso et Cadel Evans. Avec 1'45" d'avance sur Alberto Contador, le Luxembourgeois ne redoute visiblement plus l'Espagnol. Un adversaire qu'il aurait pu mettre encore plus loin s'il avait daigné l'attaquer plus tôt à Luz-Ardiden. Peut-être le regrettera-t-il dans quelques jours...

L'an dernier, l'Italien avait rapidement compris qu'il ne jouerait pas un rôle majeur. Cette année, le leader de la Liquigas est toujours en course pour la victoire après les trois premières étapes de haute montagne. Epargné par les chutes, bénéficiant des températures clémentes (il n'aime pas la chaleur), Ivan Basso est en pleine possession de ses moyens. Parfois légèrement distancé dimanche, Basso est revenu à chaque fois. Au train. Fait rare ces dernières années, on l'a même vu attaquer (une fois !) samedi. Rêve-t-il de faire mieux qu'un podium ? Possible, mais pour cela, il lui faudra prendre du temps dans les Alpes sur les bons rouleurs (Evans, Contador). Soyons clair : Basso n'est plus l'excellent rouleur qu'il était avant l'affaire Puerto.

Pointé au 20e rang du général (à 5'01" de Voeckler) avant l'étape de Luz-Ardiden, l'Espagnol est le coureur, parmi les cadors, qui a traversé le plus vite les Pyrénées. L'Asturien, qui a bénéficié d'un bon de sortie jeudi pour s'imposer, n'a pas passé loin de remettre ça au Plateau de Beille. Deuxième derrière celui qu'il avait devancé à Luz-Ardiden, le Belge Jelle Vanendert, le leader d'Euskaltel a montré qu'il faudra compter avec lui jusqu'au bout. Est-il capable de faire mieux que sa 4e place du Tour 2010 ? Tout laisse penser que oui, même si, à l'instar des frères Schleck ou d'Ivan Basso, il lui faudra prendre de l'avance avant l'effort solitaire de Grenoble, à la veille de l'arrivée.

N'a-t-il pas fait le plus difficile ? Gêné par un genou droit douloureux depuis une semaine, l'Espagnol s'est accroché dans la montée finale samedi. Le triple vainqueur de l'épreuve a répondu à toutes les attaques, sans en provoquer une seule. Il n'avait sûrement pas les jambes pour le faire. Mais le Madrilène est satisfait. Au sortir des trois premiers jours de haute-montagne, il n'a perdu que 33 secondes sur Frank Schleck, 15 sur son frère Andy et 13 sur Cadel Evans. Le bilan aurait pu être pire. S'il veut ajouter un quatrième Tour à son palmarès, il faudra quand même qu'il reprenne du temps dans les Alpes, notamment à l'Australien, en vue du chrono grenoblois. Toujours pointé à 4 minutes de Voeckler, à 2'11" de Frank Schleck, à 1'54" d'Evans et à 1'45" d'Andy, Contador n'est pas encore résigné.

Il est clairement un ton en-dessous de ses adversaires. Il a d'ailleurs eu du mal à le cacher samedi au Plateau de Beille. Bien que surprenant 8e de l'épreuve, à une petite seconde d'Alberto Contador, Damiano Cunego aura du mal à améliorer son classement  dans une semaine. A l'instar de Thomas Voeckler, il est le seul de ces huit hommes sur lequel le doute ne plane pas : l'Italien ne gagnera pas le Tour 2011. En revanche, le voir à pareille fête sur un grand Tour est une belle surprise. Lors de la dernière semaine de course, le leader de la Lampre va tout faire pour en "claquer" une. A l'origine, il était venu sur la Grande Boucle pour cela.