"Une journée de gagnée..."

Quand il est sorti du bus Europcar ce midi à Aurillac, Thomas Voeckler a entendu une clameur monter du public. Il a aussi vu une foule de journalistes se précipiter sur lui. Un air de déjà vu. De déjà vécu. Il y a sept ans, pendant 10 jours, celui que la France apprenait alors à découvrir et à aimer, avait subi ce rituel. Subi, plus qu'autre chose. Avant le début de ce Tour 2011, le leader d'Europcar nous avait fait cet aveu. "En 2004, j'étais très jeune et je ne me rendais pas compte de tout ce qui se passait autour de moi. Si j'ai la chance de porter à nouveau le maillot jaune, j'en profiterai sans doute beaucoup plus."

Alors Voeckler apprécie. Chaque seconde. Surtout, il gère beaucoup mieux toutes les contraintes qu'impose ce maillot jaune. Le privilège de l'âge. "Les sollicitations, je connais, explique-t-il. J'ai un peu de recul, d'expérience, je sais gérer, quitte à faire des mécontents." En 2004, Ti-Blanc avait besoin d'être protégé. Aujourd'hui, preuve que les temps ont changé, c'est lui qui fait profiter de son expérience à toute l'équipe Europcar. "On est une équipe classée en deuxième division mondiale, toutes les grandes équipes sont là dans le Tour et c'est à nous de contrôler la course...Dans l'équipe, on a trois coureurs qui font leur premier Tour de France et ce n'est pas évident pour eux de gérer tout ça. Le maillot jaune, ce n'est pas rien." Et il sait de quoi il parle.

De son épopée de 2004, il a gardé une leçon: le port du maillot jaune impose une concentration encore supérieure à ce qu'elle doit être en temps normal. Etre concentré. Un vrai leitmotiv. Il en a parlé avant, et après l'étape. Entre les deux, il est passé de la théorie à la pratique. Dans la dernière difficulté du jour, il s'est retrouvé devant, au point de suivre Philippe Gilbert dans son attaque. Le maillot jaune devant dans le final, ça avait de la gueule. "J'avais vu sur le parcours qu'il y avait une côte à 15 kilomètres de l'arrivée, raconte Voeckler. Je me doutais que certains essaieraient de décrocher Cavendish pour le maillot vert. J'ai suivi les attaques, je me suis retrouvé devant mais je n'ai pas voulu tout donner comme Gilbert. Je n'étais pas à 100%."

Pour sa première étape en jaune, le double champion de France a donc réussi une gestion de course quasi parfaite. Mais encore fallait-il que toute l'équipe soit au diapason. Si Voeckler nourrissait une inquiétude, ou au moins une incertitude à ce sujet, il a été rassuré. "Dès le kilomètre zéro, reprend le maillot jaune, l'étape a beau être de transition pour les suiveurs, il faut une concentration maximale, pour ne pas laisser trop de coureurs s'échapper, ou un coureur bien placé, et aussi faire attention aux pièges de la route. Quand on n'est pas leader, on n'a pas forcément besoin de réfléchir à tout cela. Mais j'ai senti une grosse cohésion autour de moi dès le départ fictif, ca s'est bien passé, pourvu que ça dure. C'est une journée de gagnée."

Combien en reste-t-il? Il refuse de s'avancer sur ce terrain. "Je ne peux pas répondre à cette question", dit-il sans volonté de se défiler. Certains, dans sa propre équipe, lui prête de très hautes ambitions. Mais Voeckler n'en dira pas un mot. "Je prends vraiment les jours les uns après les autres. Ce qui est sûr, c'est que je ne vais pas le garder dix jourscette fois." La logique voudrait qu'il passe la main dans les Pyrénées. "Il faut avouer que jeudi à Luz-Ardiden, ce sera très difficile pour moi de le conserver. Ce n'est vraiment pas gagné pour moi."