Voeckler, l'ascension

Bien sûr, sans les chutes conjuguées d'Alexandre Vinokourov et Jurgen Van den Broeck sur la route de Saint-Flour, Thomas Voeckler n'aurait peut-être jamais endossé le maillot jaune sur ce Tour 2011. Bien sûr, l'Alsacien a su profiter des circonstances de course. Mais son avance a à peine fondu sur les meilleurs à l'entrée de la dernière semaine, malgré les Pyrénées. La situation est inattendue mais ne relève pas tout à fait du hasard. La preuve.  

La formation de Jean-René Bernaudeau soudée autour d'un leader, c'est une nouveauté. Lors des éditions précédentes, le manager vendéen visait les victoires d'étapes avec une équipe de baroudeurs autour de Voeckler et Fédrigo. Le départ de ce dernier vers la FDJ a clairement fait reposer les ambitions d'Europcar sur les épaules de Ti-Blanc et c'est tout le Team qui lui est dévoué. Dès les premières étapes en Bretagne, Voeckler pouvait compter sur Yohann Gène pour le protéger à l'avant du peloton, lui qui, ces dernières années, se laissait facilement décrocher dans les dernières places du paquet. Sans l’Alsacien, le Team Europcar n’aurait jamais vu le jour. Ses coéquipiers le savent et lui témoignent leur reconnaissance en sacrifiant leurs ambitions personnelles pour la défense du maillot jaune. Anthony Charteau visait les pois, Pierre Rolland le maillot blanc, les autres une victoire d’étape. Plus maintenant.

. L'avis de Thomas Voeckler : "C'est possible que le départ de Pierrick agisse sur mes résultats mais c'est inconscient car je ne me suis jamais réjoui de son départ. Peut-être que son départ a libéré quelque chose. En tout cas, c'est clair que je sens l'équipe qui fait bloc autour de moi. Et le plus important, je sens que mes coéquipiers prennent plaisir à défendre ce maillot." 

Thomas Voeckler capable de suivre les meilleurs en montagne, ça ne s'est pas fait du jour au lendemain. L'Alsacien a élargi sa palette ces dernières années pour ne plus simplement être un excellent puncheur-baroudeur. Ainsi a-t-il participé à trois des quatre derniers Tours d'Italie, la course aux tracés les plus exigeants. Voeckler a même terminé 20e du Giro 2010. Un vrai signe. En 2011, il règle Michele Scarponi, dauphin de Contador sur le dernier Giro, dans l'étape de Madonna di Campiglio du Tour du Trentin.  Sur le parcours XXL du dernier Dauphiné, il prend la 10e place malgré les ascensions à la Toussuire, au Collet d'Allevard ou aux Gets. Quelques semaines avant le Tour, il tutoie déjà les meilleurs.

. L'avis de Thomas Voeckler : "Il n'y a pas de recette miracle. J'ai fait des courses très exigeantes depuis 4 ans. J'ai avalé un paquet de cols. Forcément, petit à petit, je gagne en confiance. Il y a une grosse part de mental. Avant, lorsque je commençais à avoir mal aux jambes, je me relevais et je finissais avec le gruppetto. Désormais, je sais que je peux suivre. Il y a une donnée nouvelle sur ce Tour. Lorsque je regarde les photos et que je les compare à celles de 2010, je remarque que je suis très bien au niveau corporel. J'ai moins de muscle que l'an dernier dans les jambes et je n'ai pas maigri. C'est excellent pour la montagne."

Depuis le début de l'année, seuls Alberto Contador (Saxo Bank) et Philippe Gilbert (Omega Pharma Lotto) ont gagné plus de courses que Thomas Voeckler. Avec huit succès cette saison, l'Alsacien réalise sa meilleur année depuis qu'il est professionnel. Deux victoires sur Paris-Nice, les Quatre Jours de Dunkerque, une étape du Tour du Trentin : Voeckler est un cannibale. Depuis trois ans, sa carrière suit une courbe ascendante. Et il faut inscrire son succès actuel sur le Tour au coeur d'une progression constante qui l'a vu en deux ans remporter ses deux premières victoires sur un grand Tour (2009 et 2010), une épreuve UCI (GP du Québec) ou encore le championnat de France.

. L'avis de Jean-René Bernaudeau : "Le cyclisme, c'est un sport de maturité. Avant, Thomas était un franc tireur car ce qui l'intéresse, c'est la gagne. Aujourd'hui, il est dans la même situation qu'en 2004 mais avec beaucoup plus de maturité."

Le grand espoir du cyclisme français a fait honneur à sa réputation dans les Pyrénées. Lorsqu'il ne restait plus que les cadors, Pierre Rolland était là, en fidèle lieutenant de Thomas Voeckler. Dans Luz Ardiden pour ramener son leader dans les roues, dans le Plateau de Beille pour imprimer le rythme et tenter de mettre de l'ordre parmi les gros bras. Cette saison, l'Orléanais a clairement franchi un cap : "J'étais dans le deuxième groupe lors de mes deux premiers Tours. J'étais derrière les gros et la caméra était sur le premier groupe. Cette année, je me suis reconstruit avec un nouvel entraineur." Et Voeckler est le seul, hormis les frères Schleck, à avoir pu compter sur un équipier dans les derniers kilomètres des cols hors catégorie.

. L'avis de Jean-René Bernaudeau : "Psychologiquement, la présence de Pierre fait un bien fou à Thomas. Quand on se retourne et qu'on voit un coéquipier, on se sent fort. Dans la tête, c'est très important pour Thomas. Pierre a retrouvé son niveau, c'est un atout fabuleux pour la défense du maillot jaune."