La faute à Voeckler

Thomas Voeckler ne succèdera pas à Bernard Hinault, dernier vainqueur français du Tour en 1985. Il ne sera probablement pas non plus sur le podium dimanche à Paris. Deux hérésies il y a trois semaines de cela, qui avaient pris un semblant de corps jusqu'à jeudi face à l'attentisme des leaders, au courage et à l'intelligence de course de l'Alsacien. Mais voilà, comme il fallait s'y attendre, la logique a repris le dessus et la vie en jaune de Thomas Voeckler s'est achevée après dix jours, sur les 21 lacets de l'Alpe d'Huez vendredi. Pour être plus précis, c'est même bien avant, sur les pentes du Télégraphe, que l'Alsacien a perdu sa précieuse tunique.

Thomas Voeckler ne s'attendait sans doute pas à une attaque aussi précoce d'Alberto Contador. Il n'a d'ailleurs pas suivi le premier mouvement et c'est au prix d'une remontée digne d'un maillot jaune qu'il est revenu dans la roue de l'Espagnol, d'Andy Schleck et de Cadel Evans. Mais à la deuxième accélération, le coureur Europcar a décroché. L'Australien étant victime de soucis mécaniques, il s'est donc retrouvé isolé, à plus de 25 kilomètres du sommet du Galibier, avec 30 secondes de retard sur le duo Contador-Schleck. Voeckler doit alors vite se décider: tout donner pour recoller ou lâcher pour attendre ses équipiers.

Il choisit la première solution, sachant bien qu'il prend le risque de se mettre dans le rouge. Rentrer vite ou mourir en somme. "Il a voulu écrire l'histoire, nous expliquera après l'arrivée Jean-René Bernaudeau. C'est son tempérament, c'est Thomas."  Pendant plusieurs kilomètres, le maillot jaune bataille, poussé par ses directeurs sportifs. Son retard oscille entre 25 et 35 secondes. Il trouve des compagnons de fortune comme Jérôme Pineau, ex-équipier, qui l'amène au sommet du Télégraphe. Voeckler se donne du courage, embrasse sa bague. Mais après 20 kilomètres, il cède du terrain. 40, 50 secondes. Une minute. A quatre kilomètres du sommet du Galibier, complètement planté sur la route, il est avalé par le groupe Evans.

Voeckler va vite payer ses efforts. Une nouvelle accélération le laisse sur place. Il donne son bon de sortie à Pierre Rolland et se cale dans la roue de deux autres équipiers. Mais ça va encore trop vite pour le maillot jaune qui s'énerve contre eux, jetant même de rage un bidon. Il est cuit. Le Français, dont l'intelligence de course depuis dix jours était saluée par le peloton, vient peut-être de comprendre son erreur. N'aurait-il pas mieux fait d'attendre au lieu de se lancer dans ce qui ressemblait à une réaction peu réfléchie? Sans doute et le retour sur les hommes de tête dans la vallée confirmera bien qu'il n'avait pas fait le bon choix.

Evidemment, personne ne peut affirmer avec certitude que Thomas Voeckler aurait pu prendre la roue de Contador dans l'Alpe d'Huez sans cette dépense d'énergie. Mais il aurait peut-être pu suivre Evans et les Schleck au train, comme dans les Pyrénées ou jeudi au Galibier. Ce trio n'était pas souverain. D'ailleurs, il n'a concédé que 2'19 à ces trois hommes l'arrivée, malgré une montée rendue pénible par les huées des supporters néerlandais*. Deux minutes de trop, lâchées dans l'effort solitaire, qui lui coûtent un nouveau jour en jaune. Désormais quatrième du général, Voeckler a malgré tout l'occasion samedi de boucler son Tour dans le Top 5 et de faire mieux que Cyril Dessel en 2006 (6e). Un résultat inespéré début juillet. Presque une déception aujourd'hui?