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Tour de France 2014 : Andrew Talansky (Garmin) revient sur sa leçon de courage lors de la 11e étape

François-Xavier Rallet

Mis à jour 21/07/2014 à 13:47 GMT+2

Pour la première fois, Andrew Talansky est revenu sur la 11e étape qui l’a vu abandonner puis repartir pour finir au courage. Son récit est une leçon.

Andrew Talansky

Crédit: Panoramic

Son vrai-faux abandon et sa leçon de bravoure entre Besançon et Oyonnax resteront un moment fort de cette 101e édition. Meurtri par plusieurs chutes survenues les jours précédents, Andrew Talansky a vécu une 11e étape cauchemardesque. A deux doigts de "bâcher" à 60 kilomètres de l’arrivée, l’Américain a d’abord mis pied à terre, puis, pendant de longues minutes, a parlementé avec son directeur sportif, Robert Hunter. Malgré les douleurs, le vainqueur du Dauphiné a repris la route pour finir dans les délais, à plus de 30 minutes du vainqueur.  Au courage. Pour ESPN, il est revenu sur cette journée en enfer et sur les détails de cette discussion d’homme à homme.
A Besançon, Talansky, qui avait perdu tout espoir de bien figurer au général, (il était alors 26e à 14’44" de Nibali) espérait se refaire une santé pour en "claquer" une avant la fin du Tour, son dernier objectif :
J’étais optimiste au départ. On l’était tous dans l’équipe. J’avais l’espoir de passer cette étape et de me refaire une santé en vue des jours à venir, avec l’objectif, peut-être, de gagner une étape plus tard.
Mais ses blessures récentes, notamment celle provoquée par sa chute à Nancy (7e étape), l’ont vite rattrapé :
Ce qui me faisait le plus souffrir, c’était le bas de mon dos. C’est comme une cheville. Si vous vous la tordez, mais que vous continuez de courir dessus, la blessure ne va pas s’arranger. J’avais l’impression d’être bloqué au premier rapport d’une boîte de vitesse. Il m’était impossible de pédaler.
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Andrew Talansky (Garmin) a été projeté au sol à l'arrivée de la 7e étape

Crédit: AFP

Il n’avait pas mesuré la gravité de ses maux :
Sur le Tour, vous n’avancez que jour après jour avec une seule idée en tête : dans quel état serai-je le lendemain ? Malgré ma première chute, je restais dans cet état d’esprit. Je ne voulais pas que les gens, ni mes coéquipiers ne s’inquiètent, à mon sujet. Je voulais me persuader que ce n’était pas si grave. C’est sur la route qu’on a compris que la situation était plus difficile que prévue.
Souffrant le martyr sur sa machine, Talansky se gare alors sur le bord de la route à 60 kilomètres de l’arrivée :
Quand je suis descendu de mon vélo, Robbie (Hunter) est sorti de la voiture pour venir me parler : ‘Tout va bien, on va prendre le temps de discuter une minute, Andrew. On s’assoit, on a un peu de temps.’ Moi, à ce moment-là, je suis effondré. Je suis persuadé que mon Tour est terminé.
Dans une tentative désespérée, le directeur sportif parvient à faire remonter le coureur sur sa selle :
Robbie est parvenu à me calmer. Il ne m’a jamais dit : ‘Allez, remonte sur ton vélo. Ou, OK, allez, c’est fini.’ Il m’a juste dit : ‘La décision t’appartient, Andrew. Mais il faut que tu sois en accord total avec ton choix pour ne pas avoir de regrets. Et pour le prendre, tu dois mettre de côté toute colère ou toute peur. Si tu veux arrêter, d’accord. Tu n’as qu’à monter dans la voiture et tout ira bien. Si tu veux continuer, tu dois remonter sur ton vélo. On roulera jusqu’à l’arrivée à ton rythme.’
S’il est reparti, c’est uniquement pour ses hommes chez Garmin :
Quand je remonte sur le vélo, j’ai une seule image en tête : mes coéquipiers qui montent dans le bus à l’arrivée et à qui on apprend que j’ai abandonné. Je ne voulais pas ça. Je souhaitais finir l’étape, les regarder droit dans les yeux et les remercier pour ce qu’ils ont fait pour moi. Je voulais qu’ils sachent que je ne jette pas l’éponge dès que quelque chose ne va pas.
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Andrew Talansky ne voulait pas finir dans la voiture balai vers Oyonnax, lors de la 11e étape

Crédit: AFP

Mais il comprend vite l’enfer qu’il va vivre :
Après cinq minutes, j’avais l’impression que la douleur s’estompait légèrement. Mais, quand j’ai entamé la côte de Rogna (3e cat.), je me suis dit que c’était une grosse bêtise d’être reparti. J’avançais kilomètre par kilomètre. A côté de moi, Robbie me disait de me calmer et de rester concentré.
Il se rend alors compte que, parfois, les héros ne sont pas qu’à l’avant de la course :
Les spectateurs ont été fantastiques. Ç’a été un choc. Ils m’encourageaient comme si j’étais en mesure de gagner l’étape, alors que j’avais une demi-heure de retard.
Parvenu à rallier l’arrivée, il s’écroule devant les médias :
J’étais effondré. J’étais en larmes au moment de monter dans le bus. J’étais tellement frustré. J’avais tout donné. Mais je savais aussi que ça ne rattrapait pas tous les efforts que mes équipiers avaient faits pour moi. Je ne pouvais pas faire plus, mais je voulais finir pour eux.
A tête reposée, il n’a toujours pas compris les raisons qui l'ont poussé à signer un tel acte de bravoure :
Je n’explique pas pourquoi j’ai fait ça. On parle souvent de souffrance dans le sport. Puis, après réflexion, je me suis dit : ‘quand tu es devant, comme sur le Dauphiné, et que tu joues la gagne, pour l’étape ou pour le général, tu dois souffrir mais c’est ce que tu aimes faire sur un vélo. Cette 11e étape, c’était la souffrance à l’état brut. Il n’y avait pas de victoire au bout, pas de podium. Rien. Le sport est la seule chose qui me permet de repousser mes limites physiques et mentales. Cette journée m’a montré que l’effort va au-delà de ce que votre corps est capable d’apporter. Cette 11e étape est une sacrée leçon et me servira à coup sûr pour l’avenir.
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Andrew Talansky (VSt-Garmin-Sharp)

Crédit: Panoramic

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