Tour de France : Si on en doutait, le cyclisme français a bien un bel avenir devant lui

Au départ d’Angleterre, il est évident que les Français avaient des ambitions. Et elles étaient légitimes. Mais seul un fou aurait misé sur un podium tricolore. Alors deux sur la boîte… Avec Jean-Christophe Péraud, 2e, Thibaut Pinot, 3e avec le maillot blanc de meilleur jeune en bonus, et Romain Bardet, à deux secondes du top 5, les Français ont lutté avec les meilleurs sur cette 101e Grande Boucle. Certes, les deux favoris (Contador, Froome) ont quitté la route du Tour très tôt mais rien ne nous dit que les deux coureurs auraient obligatoirement été plus forts que les Tricolores. Après tout, Alejandro Valverde (Movistar) et Tejay Van Garderen (BMC) étaient eux aussi censés être supérieurs aux Français. On a vu le résultat.

La vérité c’est que, depuis deux ans, le cyclisme français s’est complètement décomplexé sur les courses par étapes. Depuis 2012, les résultats sont là :

Même Pierre Rolland, pourtant fatigué par son Giro du mois de mai, est presque parvenu à rentrer dans le top 10 (11e) en ce mois de juillet. Surtout, c’est leur nouvelle manière de courir qui donne bon espoir. Toujours au contact des favoris, les leaders tricolores ne sont plus obligés d'anticiper la bagarre comme ils le faisaient auparavant. Pinot n’a pas hésité à attaquer Nibali puis Valverde. Péraud non plus. Ils n’ont plus peur. Mieux, ils font preuve de malice, comme par exemple avait pu le montrer Warren Barguil sur la Vuelta 2013 lors de l’arrivée à Formigal (16e étape). Ce jour-là, le jeune grimpeur breton (22 ans) avait joué au plus malin avec Rigoberto Uran, feignant la fatigue avant de battre le Colombien au sprint. Barguil, laissé de côté par Giant-Shimano sur ce Tour de France 2014, devrait être à son avantage sur la Vuelta 2014 et montrer que lui aussi appartient à cette trempe de coureurs. Aujourd’hui, on ne regarde plus les cyclistes tricolores de la même façon. Désormais, un jeune Français peut jouer les premiers rôles du général.

Les Français ont brillé en montagne, ça change. Ils sont aussi partis à l'offensive, comme toujours. Et ils se sont retrouvés des vertus au sprint, ça faisait longtemps ! Sept fois dans le top 10, vainqueur de nombreux sprints intermédiaires, Bryan Coquard (Europcar) a brillé dans les arrivées massives. Le sprinter-puncheur de 22 ans a même fini troisième du classement par points (une première depuis 2001 et Damien Nazon pour un Français) pour son premier grand tour. Une régularité impressionnante pour le vice-champion olympique de l’omnium. Avec Nacer Bouhanni (maillot rouge de meilleur sprinter et victorieux de trois étapes sur le Giro 2014) et Arnaud Démare, auteur de deux podiums sur cette Grande Boucle, le sprint français ne s’est jamais aussi bien porté dans la dernière décennie.

Seule l’Allemagne peut elle aussi se targuer d’avoir trois sprinters de top niveau mondial. Mais, pour la France comme pour la nation Outre-Rhin, il faut revenir dix ans en arrière pour trouver trace d’un maillot vert ramené sur les Champs-Elysées. C’était Zabel, en 2001. Côté tricolore, il faut remonter à 1995 et Laurent Jalabert. Mais avec un tel trio et un Kevin Réza peut-être un peu juste dans un sprint massif mais essentiel au train de Coquard cette année, la donne pourrait bien changer. Même si les Sagan, Kittel et Degenkolb vont encore leur mener la vie dure de longues années…

On a souvent tendance à n’évoquer que les sprinters et ceux qui jouent le général. Mais la France a encore une fois réussi à remporter deux étapes, par Blel Kadri  (8e) et Tony Gallopin (11e). Des résultats qui confirment la capacité des Français à gagner de plus en plus souvent, de plus en plus jeunes, sur des courses de plus en plus importantes. Barguil sur la dernière Vuelta en est le meilleur exemple. Mais le cas Tony Gallopin (26 ans) est lui aussi très intéressant. En enlevant la Clasica San Sebastian, le Tricolore est devenu l’an passé le premier Français à remporter une classique majeure (Démare a certes gagné la Vattenfall Cyclassics 2012 et Voeckler la Classique de Montréal 2011 mais elles n'ont pas tout à fait la même envergure) depuis Laurent Jalabert en 2002 (déjà sur la Clasica).

Et sur le Tour, Gallopin a été l’un des Bleus les plus actifs. Maillot jaune à l’issue de la 9e étape, il ne l’a gardé qu’un seul jour. Mais ça ne l’a pas empêché de remporter une étape, trois jours plus tard, avec beaucoup d’intelligence. Moins rapide que Sagan, moins puissant que Rogers, le Français a tenté quand ils ne s’y attendaient pas et à jouer sur leur manque de cohésion. Un pari tactique très fin et réussi qui ouvre au cyclisme français de nouvelles étapes. Fini le temps où seuls les baroudeurs tricolores gagnaient, il y a maintenant des finisseurs pour tenir la dragée haute aux plus grands puncheurs. Sans oublier que les sprinteurs comptent bien briller sur les classiques également.