Le mystère reste entier sur la machine Chris Froome

Chris Froome est sceptique. Non pas sur ses performances, dont il répète à l'envi qu'elles sont "propres", mais sur sa capacité à convaincre ses (nombreux) critiques. Le maillot jaune est pris dans la nasse du soupçon et, pour étayer celui-ci, certains "experts" tentent d'évaluer les performances du Britannique, chiffres à l'appui. Les Sky ont toujours récusé ces analyses. La nouveauté, ce mardi à Gap, c'est que l'équipe qui a mené Wiggins et Froome aux sommets a publié ses propres données.

"Je ne sais pas si des chiffres vont tout résoudre mais mon équipe et moi-même tentons d'être le plus transparent possible", a commenté le leader du Tour. Son patron Dave Brailsford en a fait une réponse à l'enquête de Stade 2 qui, par la voix du docteur en physiologie Pierre Sallet, affirmait dimanche que la prestation de Froome indiquait une puissance maximale aérobie de plus de 7 watts par kilogramme (soit une puissance moyenne de 5,99W/kg) lors de l'ascension vers La-Pierre-Saint-Martin, ce qui serait impossible sans dopage.

Les Sky offrent eux des données différentes. Pour eux, Froome dans le premier col pyrénéen c'est :

Ces données (dont la véracité n'engage que les Sky) apportent de nouveaux éléments au débat. Elles ne suffisent pas pour autant à complètement l'éclairer.

Les modèles de calcul qui visent à déterminer la puissance développée par un coureur dans un col restent des modèles, avec toutes les imprécisions que cela peut apporter. De là à générer un tel écart entre les simulations et la "réalité"… il y a un pas que les auteurs de ces calculs ne sont pas prêts à franchir. 5,78 W/kg, cela semble extrêmement faible pour un vainqueur du Tour, comme le souligne Le Monde, qui héberge les chroniques d'Antoine Vayer, ancien entraîneur de Festina.

Pour Tim Kerrison, expert de la performance chez Sky, Froome a produit en moyenne sur cette ascension "414 watts. Avec un poids d’environ 67,5 kg, cela donne une puissance moyenne de 5,78 W/kg." L'entraîneur britannique a également intégré dans son calcul les variations "de 6%" qu'impliquerait l'usage d'un pédalier ovale. Pour autant, cela justifie-t-il une puissance plus faible produite par Froome que par certains rivaux arrivés après lui ?

Connaître le poids de Chris Froome permettrait de mieux comparer les estimations et les données de la Sky. Mais le flou entoure également la morphologie du Britannique. Dimanche, dans Stade 2, Dave Brailsford a affirmé ne pas connaître le poids de son coureur. Mardi, Tim Kerrison le fixait à "67,5 kg". Quant au coureur, selon les années, ses affirmations ont couru de 64 à 70 kilogrammes.

Difficile également de déterminer les capacités cardiaques de Froome, un élément également mis en cause après la publication de données volées sur son ascension du Ventoux en 2013, où sa fréquence cardiaque reste constamment autour de 160, même en pleine accélération. Après sa victoire en 2013, la fréquence cardiaque maximale de Froome était estimée à 165, un niveau bas pour quiconque et particulièrement un champion. Le voilà qui atteint les 174 sur ce Tour. Sans qu'on puisse véritablement en tirer de conclusions.

Comme en 2013, les Sky ont livré les données qui les intéressaient, ne dévoilant que la part de mystère qu'ils sont prêts à livrer. "On est encore dans l'extrapolation, nous explique le préparateur physique Benoît Nave. Si on avait son VO2max et son rendement mécanique, avec des mesures de laboratoire, on pourrait dire si le reste est cohérent."