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TOUR DE FRANCE 2015 - Romain Bardet, ou la résurrection du "teigneux"

Laurent Vergne

Mis à jour 23/07/2015 à 21:42 GMT+2

Après avoir vécu des moments pénibles, Romain Bardet a affiché un énorme caractère de champion pour décrocher la timbale dans les Alpes jeudi.

Romain Bardet lors de la 18e étape du Tour 2015

Crédit: AFP

A moins d'être un implacable métronome à la Miguel Indurain ou à la Chris Froome, le Tour de France reste un formidable ascenseur émotionnel. On y vit une vie en trois semaines. D'infinies et durables souffrances, pour quelques instants d'un éphémère bonheur. Mais quand ces moments arrivent, ils font oublier tout le reste et comprendre pourquoi ces souffrances valent le coup d'être endurées. Romain Bardet a emprunté ces montagnes russes depuis deux semaines et demie.
En huit jours, il est passé de ça :
A ça :
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Romain Bardet (AG2R) à Saint-Jean-de-Maurienne

Crédit: AFP

Il a fait le champion
La victoire de Romain Bardet à Saint-Jean-de-Maurienne, jeudi, au lendemain d'une "grosse hypoglycémie", c'est évidemment celle d'un sacré talent. Ça, il l'avait déjà montré. Mais c'est aussi le succès d'un vrai grand caractère de champion, capable de surmonter ses frustrations, et de reconsidérer ses ambitions, quand celles du départ se sont évaporées. C'est ce qui rendait si fiers tous les membres de l'équipe AG2R La Mondiale. "Il le mérite, c'est un teigneux, souligne Christophe Riblon, presque aussi heureux qu'après sa victoire à l'Alpe d'Huez il y a deux ans. Il était très déçu après ses Pyrénées. Mais il a du caractère, c'est vraiment un bon."
Ce que Vincent Lavenu, à sa façon, résumera d'une jolie formule : "il a fait le champion aujourd'hui (NDLR: jeudi)." Le manager d'AG2R, heureux et "fier de son leader, fier de l'équipe", insiste lui aussi sur l'effort mental produit par Bardet dans ce Tour, au-delà, évidemment, de la performance physique du jour. "C'est un grand champion, confirme Riblon. Il ne lâche rien. Il a un cœur gros comme ça."
Rapidement, Bardet a dû faire le deuil de ses rêves de grandeur au général, en perdant une demi-heure dans les deux premières étapes des Pyrénées. "J'avais perdu beaucoup d'ambition au général, c'est dur quand on vient pour jouer une place dans les cinq premiers", admet l'intéressé. Alors il s'est fait violence pour tenter d'aller chercher une victoire d'étape.

Les jambes, le cœur et la tête

Troisième au Plateau de Beille puis à Mende, il a eu de la suite dans les idées. "J'avais déjà tellement envie qu'il gagne au Plateau de Beille, j'avais tout donné pour ça", rappelle son coéquipier Mikael Chérel qui, jeudi matin, a flairé la belle histoire : "Romain était très déterminé à l'idée de batailler pour la victoire d'étape. C'est sûr que tous les matins, on est motivés pour la victoire d'étape. Mais ce matin, je sentais qu'il y avait un petit quelque chose en plus."
Car en vélo, il ne suffit pas d'avoir des jambes et du cœur. La tête, ça aide aussi. Alors, chez AG2R, le coup avait été minutieusement préparé. D'où la profonde satisfaction de Lavenu et de ses hommes, tant le succès personnel de Romain Bardet se double d'une œuvre collective. "Le schéma a été parfaitement  respecté, savoure le patron. Tout s'est super bien passé, bravo aux gars. C'est vraiment une équipe facile à manager, on partage beaucoup de bonheur ensemble." "J'ai eu beaucoup de chance d'avoir mon ami Christophe Riblon dans l'échappée, avec aussi Jan Bakelants", n'oublie d'ailleurs pas de préciser Bardet.
Il n'empêche. Une fois lancé dans le Glandon, l'enfant de Brioude s'est retrouvé tout seul comme un grand. Là, ce fut à lui de jouer. "On savait que s'il était en bonne position au pied du Glandon, il aurait une chance. Après, il y avait de gros clients dans l'échappée, ce n'était pas fait. Mais il a attaqué de loin, il a tenu, c'est une grande victoire", témoigne encore Lavenu.
Il a du caractère, il partage énormément, et il écoute aussi
"Je savais qu'avec mes talents de descendeur, je pouvais faire l'écart, poursuit Bardet. Je connaissais le parcours, on l'avait reconnu lors d'un stage au printemps. Mais c'était très long dans les derniers kilomètres." Heureusement, il a été emporté par la foule, celle qui sublime et fait (presque) oublier la fatigue. "Sur le haut des Lacets de Montvernier, raconte le héros du jour, c'était un vrai stade. Les encouragements se répercutaient en écho, ils me donnaient la chair de poule."
Et voilà comment Romain Bardet a transformé un Tour mal embarqué en un moment inoubliable. C'est aussi la force des grands, ou des futurs grands, que d'avancer quand tout ne va pas aussi bien qu'espéré. "J'ai encore beaucoup à apprendre", concède-t-il humblement. Ça tombe bien, à en croire le grand frère Riblon, à l'aise dans le rôle du vieux sage, dans cet exercice aussi, Bardet est doué : "il a un cœur gros comme ça, il a du caractère, il partage énormément, et il écoute aussi. Il apprend beaucoup de ses erreurs". Et vite, aussi, visiblement.
Jeudi, il devait faire bon être chez AG2R. Ça n'a pas toujours été soir de fête en ce mois de juillet. Alors, ils savourent. "Ce sont des moments qui passent vite, on essaie de les apprécier, reprend Romain Bardet. C'est beaucoup de souffrance, beaucoup de sacrifices mais quand on arrive à concrétiser, c'est vraiment fabuleux." Vendredi, il faudra repartir au combat. Et souffrir, sans doute, à nouveau. Le prix du bonheur, encore et toujours.
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Romain Bardet lors de la 18e étape du Tour 2015

Crédit: AFP

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