Ce qui inquiète le plus Christopher Froome, c'est la chute (et pas ses adversaires)

Christopher Froome est un coureur d'ordinaire plutôt calme et réservé, pas adepte des mots hauts, même quand on l'accuse de dopage comme ce fut le cas ces dernières saisons. Cette année, le sujet n'est pas à l'ordre du jour pour cette deuxième journée de repos du Tour. La domination sans partage du maillot jaune sur cette édition 2016 est cette fois sur toutes les lèvres. Le coureur Sky est dans une position qu'il connait bien, celle du coureur chassé. Mais cette année, le tenant du titre aborde les dernières étapes avec un niveau de confiance au zénith, plus encore qu'il ne l'a jamais affiché sur les routes de juillet.

Pour Froome, le danger principal vient désormais d'un coup du sort, en non d'un coup de force de ses adversaires. "Les choses qui me font le plus peur sont un incident mécanique ou une chute." Lui qui a connu la déception de 2014 et d'un abandon après être tombé juste avant les pavés de la 5e étape sait à quel point le Tour peut se jouer à quelques gouttes de pluie dans une machine bien huilée. "Beaucoup de choses peuvent se passer en quatre jours de montagne. Il suffit d'une mauvaise journée et on peut perdre du temps." En revanche, on ne le connaissait pas aussi carnassier quant à l'approche de ces dernières étapes.

Le leader du classement général a décidé de régner en stentor sur le peloton, en laissant la responsabilité de l'animation (et du spectacle) aux autres. Il ne faudra donc pas être surpris si l'équipe anglaise décide de bétonner un peu plus encore la lutte entre les favoris. Froome se chargera désormais d'aller chercher en dernier recours les quelques téméraires qui s'essaieraient à contester son trône. Pas de faire les efforts pour s'assurer un peu plus une troisième couronne sur les Champs-Elysées. Ceux-là, le natif du Kenya les a déjà faits. "Dans les deux premières semaines, j'ai utilisé chaque opportunité pour attaquer. J'ai attaqué en descente, avec un vent de travers. J'ai fait le contre-le-montre à fond pour être dans cette position."

Froome refuse pour autant tout triomphalisme prématuré : non le Tour n'est pas terminé. "Dire que le Tour est gagné et que je n'ai pas de rivaux est une connerie" affirmait-il lundi à l'arrivée de l'étape de Berne. Ce mardi, en conférence de presse, le leader de la Sky persiste. Ses adversaires sont encore dans la course. "Aru a attaqué, Valverde, Bardet aussi. Le seul qui n'ait pas attaqué, c'est Nairo Quintana, parce qu'il attend encore. Mais les autres ont déjà essayé et ils vont continuer. […] J'ai attendu ces quatre derniers jours, peut-être que d'autres coureurs aussi."

Le maillot jaune a même l'explication au "faible" nombre d'attaques contre lui dans les Pyrénées et le Jura. La conjugaison de l'état de fraicheur des favoris et du rythme de ces deux premières semaines pousse les prétendants à la victoire finale à rester au chaud et à ne pas tenter leur chance. "Une des raisons pour lesquelles il n'y a pas eu d'attaque massive, c'est la forme des autres, parce que le niveau de fatigue était très élevé. Sur ces deux premières semaines, on a roulé à plein gaz."

Cela n'empêche pas Froome de garder un œil attentif sur Nairo Quintana, qui reste visiblement son adversaire numéro un. "L'an dernier, Nairo Quintana a rattrapé beaucoup de temps dans la dernière semaine. Nous l'avons toujours vu en forme dans la troisième semaine, je ne vois pas de raison pour que cela soit différent cette année." Même confiant, le maillot jaune reste sur ses gardes. Il le fera désormais en suiveur plutôt qu'à se montrer agressif.

Les autres coureurs du Top 10 du Tour apprécieront. Romain Bardet ne s'en laisse pas compter et passera à l'offensive pour remonter au classement. "L’objectif c’est d’être le plus haut possible. Je ne vais pas sauver une sixième place en courant derrière un autre coureur qui pourrait me passer devant, ça ne m'intéresse pas." Le genre d'attitude que Christopher Froome attend et tâchera de réprimer.