Contre-la-montre, expérience et soutien de luxe : ce dont Bardet a besoin pour passer un nouveau cap

Son sourire rageur après sa victoire vendredi à Saint-Gervais Mont-Blanc a redonné le sourire à toute la France du vélo, frustrée jusque-là de ce Tour 2016 sans victoire d'étape, ni véritable coup d'éclat tricolore. Puis Romain Bardet est arrivé, et a rappelé à tout le monde les belles promesses vues en lui ces trois dernières saisons, faisant de lui un prétendant sérieux pour le podium. Deuxième derrière l'intouchable Christopher Froome, Bardet s'est affirmé comme l'adversaire numéro un du désormais double tenant du titre, le seul à l'avoir sérieusement attaqué cette année malgré un plateau censé pouvoir faire vaciller le Britannique (Quintana, Porte, Aru, Contador, etc…).

De quoi faire naitre l'hypothèse d'un Bardet futur vainqueur sur les Champs-Elysées dans les années à venir, le premier Français depuis Bernard Hinault en 1985. Mais avant de vouloir renverser Christopher Froome et le train d'enfer de la Sky, le natif de Brioude doit encore progresser sur quelques petits détails pour passer du stade d'outsider à favori légitime.

Si Romain Bardet a conclu cette Grande Boucle à 4'05'' de Froome, c'est en grande partie à cause de son retard dans l'exercice solitaire vis-à-vis du leader de la Sky. A la Caverne du Pont-d'Arc, il a concédé 2'49'' sur le triple vainqueur du Tour, sur un parcours insuffisamment bosselé pour écarter les rouleurs de la hiérarchie. L'écart était bien plus faible (42'') dans le chrono en bosse entre Sallanches et Megève, plus propice à ses qualités de grimpeur. Néanmoins, avec 3 minutes et 31 secondes de perdues lors des seuls deux contre-la-montre de cette édition, Bardet a perdu tout espoir de vraiment accrocher Chris Froome.

Sans ces deux étapes, le Français n'aurait été qu'à 34 secondes du Britannique. Sans trop altérer ses capacités en haute montagne, il doit encore travailler cet exercice pour ne plus perdre autant de temps vis-à-vis des cadors. A l'image d'un Thibaut Pinot, grimpeur naturel devenu excellent sur le contre-la-montre, Bardet doit encore gommer cette aspérité dans son registre déjà complet.

C'est souvent le passage obligatoire avant de prétendre briller sur les routes hexagonales en juillet. Romain Bardet a les qualités pour briller sur Tour de France dessiné comme cette édition 2016, avec un dénivelé important et de nombreuses étapes de côtes. Toutefois, un passage sur le tour d'Italie ou le tour d'Espagne pour affiner encore un peu plus ses qualités de leader ne pourrait lui être que bénéfique. Comme un Vincenzo Nibali, vainqueur de la Vuelta et du Giro avant de remporter le Tour, le coureur de 25 ans aurait tout intérêt à se frotter à l'adversité des deux autres grands Tours de la saison pour emmagasiner de l'expérience et un peu plus de confiance encore avant de revenir plus fort sur la Grande Boucle.

Avec leurs profils montagneux, le Français aurait le profil pour y obtenir de bons résultats et s'installer un peu plus parmi les coureurs qui comptent. Bardet a d'ailleurs admis que le Giro le faisait rêver. Une bonne dose d'apprentissage, avant de revenir chercher la victoire finale sur le Tour, toujours considéré comme la course la plus difficile.

Meilleure équipe du Tour 2014, deuxième avec Jean-Christophe Péraud la même année, puis avec Romain Bardet en 2016 : AG2R – La Mondiale a déjà prouvé sa place parmi les meilleures équipes du peloton ces dernières saisons. Les hommes de Vincent Lavenu ont montré qu'ils étaient capables d'emmener leur leader jusqu'au podium d'un grand Tour. Parfaitement organisés autour de leur meilleure chance au classement général, la formation auvergnate sublime les qualités de ses "stars", tout en restant soudée.

Il manque peut-être encore un coureur capable d'apporter un cocktail de qualités individuelles et d'expérience du très haut niveau pour accompagner Bardet sur les sommets. Alexis Vuillermoz est un très bon lieutenant, auteur de son premier Top 20 sur le Tour cette année. Mais il s'est régulièrement retrouvé esseulé pour aider Bardet dans les derniers kilomètres à fort pourcentages. Comme Steve Morabito, coéquipier de Cadel Evans lors de son sacre en 2011, et désormais soutien de luxe de Thibaut Pinot à la FDJ, AG2R – la Mondiale serait avisé de trouver un renfort de choix pour son leader, encore sous contrat pour deux saisons.