Pour gagner le Tour de France, Nairo Quintana devra montrer un autre visage

En 2013 et 2015, un reproche pouvait être fait à Nairo Quintana (Movistar), deuxième à chaque fois derrière Chris Froome (Sky). Celui de ne pas avoir assez attaqué le Britannique. Ou trop tardivement. Cette année, fort de ses 26 ans et de son expérience, on ne devait plus l'y reprendre. Considéré comme le meilleur grimpeur du monde, il devait taper du poing pour montrer qu'il avait l'étoffe d'un vainqueur du Tour. Mais les Pyrénées ont apporté une vraie contradiction aux promesses d'avant Tour.

D'attaques, on n'en a pas vu de la part de Quintana. Pas véritablement. Vendredi, rien dans le col d'Aspin. Cela se défendait. L'ascension n'était pas assez dure, le vent de face, l'arrivée en bas d'une descente, au Lac de Payolle... Il fallait en garder pour les jours à venir. Mais samedi, puis dimanche, le terrain était franchement propice aux grandes manœuvres. Et Quintana est resté dans l'ombre.

Dans le final de Peyresourde, au terme d'une 8e étape franchement décevante, le vainqueur du Giro 2014 n'a tenté sa chance qu'une seule fois, en contrant Romain Bardet. Mais c'était bien timide. Ce n'était pas ça. Pas du même tranchant que ses attaques alpines de l'an dernier. Sinon, il s'est contenté de suivre. Comme dans la montée finale d'Andorre Arcalis, ce dimanche, où il a subi sans jamais rompre face aux assauts de Froome, Richie Porte (BMC) et Dan Martin (Etixx-Quick Step).

Tactique volontairement passive, concurrence plus élevée que les années passées (ce qu'a d'ailleurs relevé Froome), ou simple manque de jambes ? En tout cas, les Pyrénées de Quintana nous ont laissés sur notre faim.

Pour gagner le Tour, il lui faudra donc attendre les Alpes. Tirant ce constat, il faut aussi relever qu'il ne l'a pas hypothéqué non plus. Ce qui est déjà un progrès. En 2013 et 2015, au sortir des Pyrénées - qui étaient également placées avant les Alpes - Quintana accusait respectivement 2'02'' et 3'09'' sur Froome. Cette fois, il n'a que 23'' de retard, pointant au quatrième rang du général. Ce faible débours, il le doit aussi à l'incapacité de Froome à marquer un grand coup comme il l'avait fait à Ax-3 Domaines et à La Pierre Martin. Mais il aurait également pu s'en passer. Sans son erreur d'inattention au sommet de Peyresourde, où il prit un bidon au moment de l'attaque de Froome, il serait classé dans le même temps que son rival. "J'espère que ces secondes ne me coûteront pas trop cher" relevait le Colombien, bien conscient que le Tour peut se gagner sur des détails. Comme sur une bordure en Zélande en 2015 (1'28'' lâché ce jour-là, soit plus que son retard à Paris trois semaines plus tard).

Ses progrès en chrono sont certains. Il ne devrait pas perdre de temps sur celui, en côte, de Megève (17km), à trois jours de Paris. Mais il en lâchera très certainement sur le tracé vallonné du Vallon Pont d'Arc (37,5km), vendredi prochain. Quintana n'a donc pas vraiment le choix. Il se doit de prendre des risques face à Froome et la Sky, aussi impressionnante soit-elle. Les occasions ne manqueront pas jusqu'à Paris, et il nous a habitué à finir très fort en troisième semaine. Mais l'impression laissée par Quintana dans les Pyrénées n'est pas du genre à convaincre. S'il veut gagner le Tour, il lui faudra montrer un autre visage.