Christopher Froome (Sky) touché mais pas coulé

Longtemps, il a cru (et il n'était pas le seul) que sa seule frayeur du jour se résumerait à un tout droit qui a failli l'envoyer, avec Fabio Aru, sur un camping-car garé au bord de la route. Une simple péripétie qui l'aurait fait rire s'il n'y avait pas eu cet incroyable final, sur la rampe de Peyragudes. Ici, sur des pentes aux pourcentages inhumains, Chris Froome est redevenu un simple mortel. Soudainement. En 350 mètres qui ont ressemblé à un long chemin de croix, le triple vainqueur du Tour de France a été décramponné. Il a bien tenté de prendre la roue de Bardet. Et puis Uran l'a déposé. De gauche à droite, en danseuse ou accroché à sa selle, Froome a coincé. Et laissé les clés du Tour à Fabio Aru (Astana).

Ecarteur de narines toujours solidement accroché, Chris Froome a volontiers concédé sa défaite au terme d'une bataille qui ne laisse pas encore présager de l'issue de la guerre, même si elle donne quelques indices de l'état de forme véritable du Britannique. "Je n'ai pas d'excuses. Je n'avais juste pas les jambes dans le final", a-t-il confié devant micros et autres caméras. "C'était brutal. Une rampe avec des pourcentages allant au-delà des 20%, c'est très très dur comme final. Je peux simplement féliciter Romain Bardet pour sa victoire d'étape et aussi Fabio Aru pour avoir pris le maillot."

Longtemps, Chris Froome a fait comme si de rien n’était. Parce que la Sky a ouvert la route et longtemps déroulé le tapis rouge au maillot jaune. Kwiatowski, Nieve et Landa : ils étaient encore trois à protéger les intérêts du Britannique au moment où la pente vers le Col de Peyresourde, avant-dernière difficulté du jour, pointait le bout de son nez. Pour preuve, Trois d'entre eux, dont Froome, ont intégré le Top 10 de l'étape. "Il n'y avait pas grand-chose à faire avec le train des Sky et le vent de face dans Peyresourde, a jugé le vainqueur du jour, Romain Bardet (AG2R Le Mondiale). Je pensais que Froome allait attaquer au pied de Peyragudes, je m'étais préparé pour ça mentalement. J'ai vu qu'il se retournait pas mal, j'ai pensé qu'il n'était pas très bien."

Julien Jurdie rembobine le fil de quelques semaines supplémentaires et étale ses doutes sur l’état de forme de Chris Froome. "Sur le Dauphiné, Froome avait déjà affiché une certaine faiblesse, dévoile le directeur sportif de l'équipe AG2R - La Mondiale. Depuis le début du Tour, il avait été plutôt fort. On verra sur une étape comme celle de demain (ndlr : vendredi). Mais on ne va pas vendre la peau de l’ours…" Ne comptez pas sur Romain Bardet pour procéder différemment. "Je me méfie de sa réaction. Vendredi, cela va être une course folle, débridée. (…) On reste des êtres humains. Si c'était un jour sans, il a bien limité les dégâts."

Leader du Tour avec 18 secondes avant l'épisode de jeudi, Froome en compte désormais 6 de débours sur Fabio Aru. Autant dire : rien. Même si l'impression visuelle d'un triple vainqueur du Tour à la peine donnerait envie d’exagérer le trait, Chris Froome n’a pas encore perdu le Tour. On sait juste que son armure est moins blindée qu’elle n’y paraissait à 350 mètres de la ligne d’arrivée de la 12e étape. Et c’est tout sauf un détail.