Le Mur de Grammont est de retour, mais il n'aura plus le même rôle

En Flandres, son vrai nom est "Muur van Geraardsbergen". Affectueusement, les Flamands l'appellent le "Kapelmuur". Ou plus simplement encore, le "Muur". Pour nous, c'est le Mur de Grammont. Un lieu culte du cyclisme belge. Un temple des classiques. Il effectue cette année son grand retour sur le Tour des Flandres, après cinq années d'une absence très remarquée et pour le moins controversée. Car pendant près d'un quart de siècle, de 1988 à 2011, il fut le morceau de choix et le juge de paix du Ronde.

Lorsque les organisateurs du Tour des Flandres ont annoncé le 17 septembre 2011 que Grammont allait disparaitre du parcours, ce fut donc un petit séisme en terre flamande. A l'époque, Win Van Herreweghe, le patron de l'épreuve, avait pleinement assumé son choix, dicté par le déplacement de la ligne d'arrivée de Meerbeke à Audenaerde, mais aussi par une volonté de "moderniser" le parcours et le besoin de répondre à une logique économique. "On a cassé une tradition, avait concédé Van Herreweghe lors d'une conférence de presse tendue. Mais on ne pouvait pas faire autrement."

Pour autant, si les traditionnalistes ont hurlé au scandale en 2011, la polémique a fini par s'éteindre. Parce que, comme les organisateurs l'espéraient, sportivement, le Ronde n'a pas eu à pâtir de son nouveau tracé. "Il y aura trois ascensions du Vieux Quaremont et le Paterberg dans les 75 derniers kilomètres, sans oublier le Hoogberg, le Kruisberg et le Koppenberg. C'est quand même aussi très costaud", avait plaidé Van Herreweghe. Force est de reconnaitre que les faits lui ont plutôt donné raison.

Ces dernières années, le Tour des Flandres a souvent été intéressant, parfois passionnant, qu'il s'agisse du finish à trois en 2012 entre Tom Boonen, Alessandro Ballan et Filippo Pozzato, ou de l'offensive décisive l'an dernier de Peter Sagan dans le Paterberg, le champion du monde s'imposant malgré la chasse menée conjointement par Cancellara et Vanmarcke. Plus qu'une véritable perte d'intérêt sportif, c'est donc un déficit affectif qu'avait subi le "Ronde van Vlaanderen" en se voyant amputé de son célébrissime mur. Son retour est donc chaleureusement accueilli.

Le "Muur" a toutefois perdu son rôle de pivot. De superstar, il a été relégué au rang de meilleur second rôle. Jadis dernière difficulté du Tour des Flandres, il a cette fois été placé à environ 95 kilomètres de l'arrivée. La victoire ne se jouera donc pas sur ces fameux et terribles pavés horizontaux menant à la chapelle de Notre-Dame-de-la-Vieille-Montagne située à son sommet. Pour autant, nouveau rôle ne signifie pas forcément manque de relief. Le Mur va se trouver dans la peau de la Trouée d'Arenberg, elle aussi placée à plus de 90 kilomètres de l'arrivée, à Roubaix.

Le Tour des Flandres pourrait bien se décanter en partie ici. "Nous ne voulions pas qu'il ait un poids mineur, ce qui aurait été le cas si nous l'avions mis au bout de 60 kilomètres comme première ascension du jour, témoigne Win van Herreweghe. Nous tenions à ce qu'il ait un vrai rôle au plan sportif." Il suscite en tout cas toujours autant de passion. L'organisation a vendu des packages VIP pour le "Muur". Ils sont partis comme des petits pains et dès le mois de janvier, il n'y en avait plus un disponible.