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21 juin 1986 : le temps s'est arrêté à Guadalajara

Laurent Vergne

Publié 20/06/2016 à 21:25 GMT+2

C'était il y a trente ans, jour pour jour. Au Jalisco de Guadalajara, l'équipe de France de Michel Platini éliminait (1-1, 5-4 aux t.a.b.) le Brésil de Zico, Socrates et Tele Santana en quart de finale du Mondial 1986. Un match colossal, peut-être le plus beau jamais joué par les Bleus. On n'a plus rien vu de pareil depuis en Coupe du monde. Ni pour les Bleus ni pour les autres.

France-Brésil 1986 : Socrates et Alain Giresse

Crédit: SID

Dans la boite à souvenirs de l'amoureux du football, chacun ordonne sa mémoire selon sa propre sensibilité. Sur les 806 matches joués par l'équipe de France en 112 années, certains tiennent évidemment une place particulière. En Coupe du monde, ils sont sans doute trois à peser plus lourd que tous les autres. Le France-Allemagne du 8 juillet 1982, le France-Brésil du 21 juin 1986 à Guadalajara et un autre France-Brésil, un certain 12 juillet 1998, forment probablement le podium ultime du football tricolore sur la plus illustre des scènes.
Séville, c'est la tragédie grecque. Un opéra en plusieurs actes, une dramaturgie unique. Tous les sentiments humains condensés en une soirée. La joie, l'allégresse, la peur, l'angoisse, la colère, la tristesse. Le dégoût, aussi. Dans son genre, c'est absolument inégalable. Presque tous ceux qui l'ont vécu vous diront qu'ils n'ont jamais rien connu de plus puissant depuis au plan émotionnel.
La finale de 1998, c'est autre chose. Un match, sur le fond, sans grand intérêt. A sens unique. Pas un spectacle immense. Mais c'est la victoire qui a porté la France sur le toit du football mondial. Pour la première et, à ce jour, dernière fois. C'est LA victoire. Jamais le sport n'avait porté un million de personnes sur les Champs-Elysées et sans doute cela n'arrivera-t-il plus jamais.

Grandiose Jalisco

Entre ces deux références presque opposées, il y a donc Guadalajara 86, dont nous fêtons le 30e anniversaire ce mardi. Une sorte de chainon liant Séville et Saint-Denis. On y retrouve le côté heureux du dénouement de 1998, face au même adversaire et, certes moins poussée, la dramaturgie de la nuit andalouse. Les penalties ratés par Zico et Platini, l'accrochage sur Bellone en prolongation, les tirs au but, un suspense permanent, Guadalajara, sans atteindre Séville, est aussi un sommet d'émotion. Mais sa saveur propre tient dans la pureté de sa beauté. France-Brésil 1986, c'est peut-être le plus beau match jamais joué par les Bleus dans une grande compétition. Un bijou.
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Michel Platini face au Brésil en 1986

Crédit: AFP

Il y a d'abord le cadre. Ce Jalisco grandiose. Son pré baigné de lumière et ses tribunes inondés de jaune. Il y a aussi, surtout deux équipes en parfaite harmonie. Les Bleus des 80's sont alors à l'apogée de leur expression footballistique. Champions d'Europe en titre, tombeurs du tenant du titre italien en huitièmes de finale, ils ont vécu ce 21 juin le sommet de leur histoire commune. Malgré l'usure de Giresse, malgré la pubalgie de Platini (dont c'était d'ailleurs l'anniversaire), le carré magique avec les deux nommés plus Luis Fernandez et Jean Tigana incarne plus que jamais une certaine idée du football français.
Ces Bleus sont considérés comme "les Brésiliens d'Europe". Expression qui, à l'époque veut dire quelque chose. Car ce Brésil est le dernier à avoir ressemblé à son image d'Epinal. Le dernier à s'inspirer du joga bonito. A avoir le souci du plaisir et de l'esthétisme. C'était encore le Brésil de Tele Santana. Cette Seleçao est clairement un cran en-dessous de celle de 1982, surtout parce que ses deux éléments-clés, Socrates et Zico, avaient vieilli (Zico, blessé, n'était même qu'un remplaçant de luxe). Mais la jeunesse d'un Josimar, d'un Branco ou de l'éclatant Julio Cesar donnaient à sa défense un punch inédit. Et Careca-Müller en attaque, ce n'était pas mal.

Le dernier match de légende du Mondial

Ce 21 juin, en tout cas, le Brésil est vraiment le Brésil. Etourdissant, il saura imposer sa force de séduction à travers un jeu vif et inspiré. Deux séquences traduisent cela mieux que toutes les autres. Le but de Careca, d'abord. 20 secondes d'anthologie, des pieds de Josimar à ceux de Socrates, jusqu'à cette accélération finale à une touche de balle pour désaxer totalement la défense française. Du très grand art. De ces buts que l'on peut revoir en boucle sans jamais s'en lasser. Puis il y a l'ouverture de Zico. Un extérieur du pied droit lumineux entre deux défenseurs français. Une vista hallucinante. 25 mètres plus loin, Branco, Bats et un penalty. Que Zico ratera. Mais ces deux actions témoignent parfaitement du talent, à la fois collectif et individuel, du Brésil de Tele Santana.
Ce match, le Brésil ne méritait pas de le perdre. Depuis, il s'est coupé de son ADN. Le double échec sportif de Tele Santana en 82 et 86 a enterré une certaine idée du football brésilien, devenu un football… comme les autres.
On pourrait même arguer que ce France-Brésil est le dernier match de légende de la Coupe du monde à ce jour. C'était il y a 30 ans. Déjà. Mais a-t-on vu depuis une rencontre ayant offert un tel compromis d'esthétisme, d'intensité et de dramaturgie ? Sans doute pas. Il y a eu des grands matches de 1990 à 2014. Angleterre-Cameroun 1990, Brésil – Pays-Bas 1994, Angleterre-Argentine 1998. Souvent des demi-matches fabuleux, mais sans la parfaite continuité du France-Brésil du Jalisco. Dans un autre registre, le 7-1 du Mineirazo, il y a deux ans, appartient déjà à l'histoire. On en reparlera dans 50 ans. Mais on ne le reverra pas, de A à Z, avec un plaisir perpétuel. France-Brésil, si. Jamais ce souffle épique n'a déferlé aussi fort sur la Coupe du monde en 30 ans. Alors oui, peut-être le temps s'est-il vraiment arrêté à Guadalajara…
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