Allemagne : perspectives football

Thomas Müller, 22 ans seulement, héros éclatant en 2010 en Afrique du Sud, semble déjà usé devant le rayonnant Marco Reus, âgé d'autant de printemps. Pourtant, les amoureux de la Bundesliga connaissent déjà "Rolls-Reus" depuis un an et demi au moins. Il explose au Borussia Mönchengladbach et son formidable potentiel offensif éclate au monde entier. A l'aune de sa prestation contre la Grèce, on comprend tout de suite pourquoi l'ex-espoir Marko Marin s'est exilé dés 2009 au Werder Brême. C'est d'ailleurs toute la complexité de la révolution footballistique allemande que nous avons devant nos yeux : un "Darwinisme social" où le sélectionné germanique est un kleenex, un petit lego interchangeable au gré des humeurs de Löw et des performances sur le terrain. Comme si une Nationalmannschaft pétrie de talents à l'état brut ne se donnait pas le temps de polir ses bijoux de champions. "Au suivant" chantait Brel. Qu'importe ! Le collectif prime sur les intérêts individuels et "la machine systémique allemande" broie les professionnels dont les ego n'ont pas le temps de s'exprimer. Dans le très sérieux Welt am Sonntag du week-end dernier, on titre : "la star c'est l'entraîneur". Ses joueurs le suivent car ils croient en lui. Il n'y a plus de place pour les débordements. Il y a aussi une nécessité de jouir de l'instant présent car demain…on peut être rayé de la carte après la compétition.

Et dans cet empire du milieu de terrain, le moins que l'on puisse noter, c'est que la concurrence est féroce. Le duel Podolski-Schürrle nous ramène au derby de cette saison entre le FC Cologne et le Bayer Leverkusen où le "Prinz Poldi" avait malmené physiquement son jeune jouvenceau à coups de balayages ! Et dire que le petit Götze, 19 ans, est tapi dans l'ombre…

A t-on donc besoin d'entrouvrir la porte à de nouveaux appelés en 2014 lorsque les deux joueurs les plus âgés (Schweinsteiger et Podolski) n'ont que 27 ans ? Gündogan, à peine la majorité absolue, a pris une dimension énorme au BVB Dortmund. Lars Bender peut s'estimer heureux d'avoir déjà été préféré à son frère jumeau. Et que dire de Kroos ? Alors que faire ?

Lors du match de préparation contre la Suisse, Löw a déjà donné un signe : le jeune Julian Draxler, 18 ans, a obtenu sa première cap. Il disputera cette saison à nouveau la ligue des Champions avec son club formateur, le FC Schalke 04. On attend son explosion pour cette saison ou bien l'année prochaine. De son coté, le double champion d'Allemagne Kevin Grosskreutz mériterait une nouvelle chance surtout si Schmelzer, son partenaire de club, s'installe au poste d'arrière gauche. Les automatismes seront là.

La bonne surprise pourrait arriver du TSG 1899 Hoffenheim où le milieu relayeur Sebastian Rudy a déjà connu les joies d'être appelé en sélection mais tout comme son camarade de promotion, Lewis Holtby du FC Schalke 04, on sent qu'il manque d'un petit quelque chose pour intégrer durablement le Nationalelf tant la concurrence est féroce. Faire partie du groupe est déjà un objectif en soi.

Et puis il y a la classe biberon qui pousse aussi. Entendez par là les Espoirs comme Kevin Volland, 19 ans, auteur d'une saison remarquable en 2Liga avec le Munich 1860 (13 buts et 11 passes décisives en 33 rencontres) ou Maximilian Beister, 21 ans, avec le Fortuna Düsseldorf (11 buts et 13 passes décisives en 33 rencontres). Ces deux joueurs devront s'affirmer en Bundesliga cette saison respectivement à Hoffenheim et à Hambourg. Patrick Herrmann, 21 ans, a t-il les capacités de devenir le nouveau patron des Fohlen de Gladbach maintenant que Reus est parti à Dortmund ?

Citons aussi quelques surprises possibles : Schmiedebach ou Stindl d'Hanovre par exemple.

Gomez ou Klose ? Le duel pour la place en pointe se résume t-il à ces deux noms ? La réponse est affirmative. Mario et Miro seront toujours chargés de régler la mire au Brésil. L'âge canonique du joueur de la Lazio Rome (36 ans dans deux ans) est-il un signe d'un manque générationnel ? Ce serait un comble dans un pays où le poste de numéro 9 a sorti quelques diamants ! Une contrée qui vénère l'attaquant.

Une analyse plus pointue nous appelle à relativiser ce phénomène. Déjà parce que le Bundestrainer n'a emmené avec lui que deux joueurs pour cette campagne européenne. De plus, il s'est séparé de l'ancienne génération dont certains (je pense plus spécialement à Stefan Kiessling du Bayer Leverkusen) auraient mérité de faire partie du voyage plutôt que d'empiler les milieux offensifs.

Et puis, et comme toujours, il existe un "nouveau Mario Gomez" en Bundesliga selon son surnom déposé. Son patronyme ? Pierre-Michel Lasogga, 20 ans, 57 matches en pro au Hertha Berlin (Buli et 2Liga) et 21 buts. A tel point que le Borussia Dortmund souhaitait s'attacher les services du jeune attaquant d'1,89m pour pallier au départ de Barrios, avant qu'il ne se blesse. Il sera absent durant six mois. Le BVB a alors jeté son dévolu vers le prometteur Julian Schieber, 23 ans, jouissant d'une excellente cote, gros travailleur au physique imposant. Lui aussi a vu sa progression stoppée à cause du ménisque de son genou. Hop, à l'infirmerie durant sept mois alors qu'il explosait en prêt à Nuremberg l'exercice passé. Revenu dans son club du VfB Stuttgart il s'installe à gauche, la deuxième partie de la saison, dans le système à trois attaquants du coach Labbadia (Schieber-Ibisevic-Harnik). Il sera objectivement le remplaçant de Lewandowski en 2012-2013 avant de mener logiquement l'attaque du BVB lorsque le Polonais sera transféré.

Enfin et même s'il ne joue que dans les sélections des "moins de" outre-rhin (19 buts en 21 rencontres chez les U17 ainsi que 19 goals en 23 matches chez les jeunes du Werkself) et qu'il n'a pas encore choisi entre la Turquie et l'Allemagne, mentionnons le magnifique talent de Samed Yesil, 18 ans. Il a fêté sa première entrée pro cette saison avec le Bayer Leverkusen et devrait être logiquement le suppléant de Kiessling cet exercice après le départ de Derdiyok.

Conclusion générale : le gros chantier de la sélection allemande reste la défense avec des choix stratégiques à faire (Lahm à droite ou à gauche, arrivée de véritables arrières latéraux). Le groupe présent en 2012 sera celui de 2014 où seules les performances en club (ex. Podolski/Mertesacker au FC Arsenal, mise en concurrence de Boateng et Badstuber au Bayern Munich) seront le juge de paix. 4 ou 5 nouvelles têtes devraient faire leurs apparitions au Brésil, pas plus.