Fribourg: Christian Streich, l'atout n°1

Quel que soit le résultat de la rencontre contre le FC Bayern, le club de la région de Brisgau a, une fois de plus, réussi sa première partie de saison. Verein dont la réussite est basée sur la formation, il vit, sous les ordres de son coach, une nouvelle épopée pouvant faire pâlir quelques gros calibres de la Bundesliga. Alors qu’on lui promet l’enfer à chaque début d’exercice, le SC Freiburg, l’une des associations les plus francophiles d’Allemagne, géographie oblige, continue à faire des miracles. Le concepteur de ces succès se nomme Christian Streich, un entraineur à suivre.

A la reprise de l’entrainement pour attaquer le nouvel exercice 2011-2012, on sent bien qu’une fin de cycle est en cours. Le coach Robin Dutt, lequel a fait progresser le club durant quatre années, a mis les voiles direction le Bayer Leverkusen. Dans ses valises, il n’oublie pas d’emmener le défenseur central Ömer Toprak, l’un des actifs les plus intéressants de Fribourg. Daniel Williams, en perte de vitesse, part se refaire une santé à Hoffenheim avant d’accrocher la sélection américaine. Le jeune Oliver Baumann s’est affirmé comme l’indispensable portier du club au détriment d’un Simon Pouplin victime aussi bien de la qualité de son concurrent que d’une longue blessure. Un autre frontalier, l’ancien messin Jonathan Jäger, met fin à un bail de quatre ans. En compensation, le franco-malien, Garra Dembélé, né à Gennevilliers et ancien de Istres, quitte la Bulgarie contre un beau chèque pour atterrir dans le Brisgau. En charnière centrale, le tout nouvel international suisse, Beg Ferati, arrive. Deux échecs au passage.

Les clés de la maison sont alors données à Marcus Sorg, un formateur et coach de l’équipe réserve. Le message est clair : une transition doit avoir lieu. Si quelques cadres sont encore présents, place à la nouvelle génération tout droit sortie du centre de formation, la fameuse FFS (Freiburger Fussballschule).

Sauf que rien ne tourne rond durant le Hinrunde et le cycle vertueux se transforme en cauchemar. A la fin des matches-aller, le SC Freiburg occupe le dernier rang de la Bundesliga. Seul le francophile Papiss Demba Cissé, dont les envies de départ n’ont pu être compensées que par une forte revalorisation salariale, fait encore illusion. Cela permet au club de Brisgau de se raccrocher à une unique certitude : 9 buts en 17 rencontres.

Alors on procède à une vaste restructuration durant le mercato hivernal. Marcus Sorg qui n’a pu passer le cap de formateur à coach, laisse la place à un certain Christian Streich, entraineur des juniors à succès (1 championnat et 3 coupes d’Allemagne). Dans l’effectif c’est un véritable chamboulement et malgré les discours de circonstance de la direction, on ne sait pas si on prépare la nouvelle équipe pour la saison prochaine en 2Liga ou si une opération commando a lieu. Car les bijoux de famille sont vendus : Cissé s’envole contre 12 millions d’euros pour Newcastle. Les tauliers du groupe, lesquels n’ont pas forcément montré leurs qualités sur et hors du terrain, sont éjectés : out Bastians, Nicu, Abdessadki et le capitaine Butscher. En contrepartie, la réserve prend du galon : Sorg, Schwolow, Höhn intègrent le groupe pro tandis qu’un jeune défenseur central de 17 ans seulement fait de même : Matthias Ginter. Selon les spécialistes, c’est le plus grand espoir allemand, à ce poste, depuis un certain…Franz Beckenbauer. Excusez du peu ! Tandis que la filière messine n’est pas oubliée : Fallou Diagne, contre 500000 euros chausse les crampons pour la Bundesliga.

Et le miracle a lieu ! 7 victoires, 6 nuls et seulement 4 défaites lors des matches-retour. Le SC Freiburg occupe la 7ème place du Rückrunde. Entre la 24ème journée et la 33ème, Fribourg enchainera 10 rencontres sans connaitre la désillusion, 6 victoires et 4 scores de parité ! Ginter s’impose en défense centrale comme le véritable patron. A ses côtés Diagne. Au poste de latéral gauche c’est Sorg tandis que le franco-autrichien, Jonathan Schmid, né à Strasbourg, est la bonne surprise du chef et explose en tant qu’ailier-droit.

Et Fribourg continue sur la lancée de sa deuxième partie de saison dernière. Les louanges sur Christian Streich affluent de tous les horizons. Dans un entretien avec le "Süddeutschen", le Bundestrainer Joachim Löw l’adoube : "ce qu’il a fait est une véritable performance d’entraineur. Streich est un coach conceptuel. C’est un travail de détail et c’est ça qui résonne le plus souvent au FC Barcelone". La comparaison est osée bien entendu mais pas complètement fausse surtout lorsque l’on remarque le schéma tactique utilisé par le SC Freiburg depuis quelques temps : un 4-4-2 sans véritable attaquant mais avec deux ailiers de débordement (Caligiuri et Schmid), un vrai numéro 6 (Schuster), aidé par l’excellent piston Makiadi et deux milieux offensifs (Kruse et Rosenthal). Le milieu de terrain est donc la base du jeu et de la création. La notion de pointe dans la surface de réparation n’existe plus. Stuttgart, vaincu 3-0 le week-end dernier par "le petit voisin", ne peut pas dire le contraire.

Le SC Freiburg, club francophile par excellence, n’a pas vocation à perdurer en Bundesliga. Les dirigeants en sont bien conscients. Il nous montre simplement un modèle de développement, aussi bien économique que sportif, et renvoie, peut-être, l’image d’un coach que l’on aimerait voir plus souvent en France. "J’aimerais bien connaitre ce Christian Streich" souligne le Président de la Fédération allemande de football, Wolfsgang Niersbach. Comme un appel ?