Amères et fières

L'appétit vient en mangeant. Alors les Françaises sont restées sur leur faim. Après un match héroïque face à l'Angleterre pour aller en demi-finales, synonyme de qualification pour les Jeux Olympiques de Londres, les filles de Bruno Bini n'ont jamais manifesté le sentiment du devoir accompli. La satisfaction d'avoir fait mieux que répondre aux attentes n'a eu d'égal que la frustration de s'arrêter au stade du dernier carré, puis au pied du podium. Deux défaites un brin cruelles face aux Etats-Unis (3-1) et à la Suède (2-1) ont laissé un goût amer dans les bouches tricolores. "On repart sans rien, même s'il y aura des souvenirs et la qualification pour les JO. C'est la tristesse qui prédomine. C'est la place du con", lâchait Louisa Necib après le revers face aux Suédoises.

Jusqu'aux demi-finales, les Françaises ont eu l'occasion de prendre conscience de leurs possibilités au plus haut niveau. En deux matches, elles ont pu mesurer l'écart qui les sépare des plus grandes. Le métier et le réalisme américain, offensif et défensif, a fait la différence en demi-finale. Il n'a pas manqué grand chose aux Bleues face aux doubles championnes du monde et triples championnes olympiques, premières au classement FIFA. Juste cette absence de vécu dans les grands rendez-vous qui fait la différence sur ce genre de match. L'histoire n'a pas été bien différente face à la Suède. "Il nous a manqué un peu de tout. A 11 contre 10, on n'a pas su assez les contrarier", regrettait Laura Georges, abattue. "Il y a des choses à améliorer, il faut trouver une stabilité défensive, on a fait preuve de trop de fébrilité. Ca donne de la confiance à l'équipe adverse. Offensivement, ces équipes là ont souvent des attaquantes très fortes. Nous, on a plus un collectif que des individualités", soulignait pour sa part Sandrine Soubeyrand.

Déçues à chaud, les Françaises ont cependant conscience d'avoir réalisé quelque chose de grand en Allemagne. En trois semaines, elles ont suscité l'engouement autour de leur équipe et donné au football féminin une popularité qu'il n'avait jamais connu en France. Les filles de Bruno Bini ont fait ce qu'il fallait pour poser les bases du développement de cette discipline dans l'Hexagone. "C'est un beau parcours, avec une qualification pour les JO, ce n'est pas rien. Là, on est un peu déçues, mais il faut savoir savourer", insistait Sandrine Soubeyrand. "C'est bien pour le foot féminin, on a fait un bon coup médiatique", ajoute Eugénie Le Sommer.

Noël Le Graët ne dira pas le contraire. Le nouveau président de la FFF n'a pas tardé à adresser des félicitations méritées aux Tricolores. "Malgré l'échec d'hier soir, vous avez été les formidables ambassadrices de notre discipline. Tout le football français vous remercie pour ce que vous lui avez apporté au cours de ces dernières semaines. Vous avez également permis au football féminin de basculer enfin dans une nouvelle dimension, à la fois populaire, médiatique et, surtout, sportive. Vous pouvez en être fières." Lundi, les nouvelles fiancées de la France du foot seront accueillies successivement au siège de L'Equipe, à la FFF pour un verre avec les salariés, puis par leur équipementier pour une séance de dédicaces, comme les stars qu'elles seront peut-être demain. En Allemagne, les Bleues ont perdu leurs deux derniers matches et une place sur le podium. Mais elles ont gagné leurs lettres de noblesse.