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Brésil - Colombie : Ce Brésil a peur, ça se voit et ça ne l'aide pas

Laurent Vergne

Publié 03/07/2014 à 23:31 GMT+2

Pour l'heure, la Seleçao n'a pas encore franchi ce cap où le fait de jouer à domicile n'est plus un poids mais un atout maître. Tendus à l'extrême, les joueurs de Luiz Felipe Scolari peinent à se libérer. Ils doivent pourtant absolument y parvenir. Et vite.

Neymar (Brésil)

Crédit: Panoramic

C'était il y a à peine plus deux semaines. A l'aube de cette Coupe du monde 2014. "Le Maracanazo, principal adversaire du Brésil 2014", avions-nous écrit en évoquant le drame national du Mondial 1950, perdu sur le fil, lors du dernier match, contre l'Uruguay. Une blessure que les cinq titres mondiaux conquis ensuite par le Brésil n'ont pas suffi à effacer. Pour cela, il faudrait un sacre à domicile. Le pays du Futebol ne supportera pas d'échouer par deux fois sur ses terres alors qu'il a triomphé cinq fois loin de chez lui et que l'Uruguay, l'Italie, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Argentine et la France ont su se faire respecter à domicile. "Le Maracanazo est une croix, mais un deuxième échec à domicile serait une anomalie de l'histoire que cette génération porterait comme un poids plus lourd encore et pour longtemps", juge Marcio Santos, l'ancien défenseur central, sacré champion du monde en 1994.

Quand on joue à la maison, c'est encore pire, tout simplement

La semaine dernière, avant le huitième de finale contre le Chili, un quotidien avait titré un de ses articles "qui a peur d'être Moacyr Barbosa?", en référence au gardien de but maudit de l'édition 1950, traité comme un paria pendant le demi-siècle suivant pour sa prétendue culpabilité dans la défaite contre l'Uruguay. Les joueurs de Scolari ont eu beau affirmer pendant des mois que tout cela était loin, que ce n'était pas leur histoire, le fait est que cette équipe joue depuis quatre matches avec un trouillomètre au maximum de ses capacités. Malgré ses cinq titres mondiaux et son statut de référence planétaire qui semble accroché à ses épaules pour l'éternité, le Brésil a toujours une peur bleue de ne pas être à la hauteur des attentes.
"Peut-être que le fantôme du Maracanazo s'amuse à venir roder par ici, il ne veut jamais s'en aller", plaisante Marcio Santos. Plus sérieusement, l'ancien Bordelais voit là un réel problème qui pourrit la faculté d'expression de l'équipe de Scolari. "La peur de l'échec est un complexe très puissant au Brésil, note-t-il. Je ressens la peur des joueurs et la pression qu'ils se mettent eux-mêmes. Ils ne veulent pas le dire ou le montrer, mais en tant qu'ancien membre de la Seleçao, je sais à quel point ça peut être lourd à gérer. Ça l'est déjà à l'étranger, mais quand on joue à la maison, c'est encore pire, tout simplement. Parce qu'ici, vous ne pouvez pas vous isoler. Les médias ne parlent que de ça et les gens aussi, les drapeaux sont partout, les maillots jaunes aussi. L'obligation de victoire est telle qu'elle paralyse."
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Luis Felipe Scolari, le sélectionneur du Brésil, rassure Neymar, lors de la séance des tirs au but face au Chili, en 8e de finale de la Coupe du monde.

Crédit: Panoramic

Un vrai cercle vicieux

C'est une sensation d'autant plus prenante qu'elle se ressent presque physiquement. C'était le cas lors du match d'ouverture face à la Croatie. En première mi-temps, notamment, on pouvait percevoir de façon presque palpable la nervosité des joueurs brésiliens. Il flottait comme un parfum de tension dans l'air. A Belo Horizonte, samedi dernier, ce fut plus frappant encore selon tous les témoins qui ont vécu ce Brésil-Chili. Parce qu'il n'y avait plus de lendemain en cas d'échec. "Pour évacuer cette pression, pour s'en affranchir, analyse l'influent éditorialiste Juca Kfouri il aurait fallu que l'équipe se sente forte, qu'elle maitrise clairement son sujet. Alors elle aurait pu se focaliser sur l'essentiel, c'est-à-dire sur le jeu. Mais comme elle a du mal, comme elle sent qu'elle n'a aucune marge sur ses adversaires, la tension se fait sentir plus fortement encore."
Voilà donc la Seleçao prise dans une sorte de cercle vicieux dont elle ne sait comment se tirer. Dans le groupe, certains s'agacent de cette notion de "peur" quand on l'évoque devant eux, à l'image de Neymar. D'autres admettent en revanche, au moins à demi-mots, parfois un peu plus, que le contexte pèse. Le jeune Oscar a ainsi avoué qu'il avait fini "vidé émotionnellement" après le huitième de finale tant il était tendu tout au long de l'après-midi. "Bien sûr que nous ressentons cette peur, c'est humain et nous ne sommes pas différents des autres, concède de son côté clairement le milieu de terrain Fernandinho. Mais nous devons essayer de la dépasser, de l'utiliser même pour devenir plus forts." "C'est l'heure d'être braves", tranche Luiz Gustavo.
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2014 Julio Cesar David Luiz - AFP

Crédit: AFP

Julio Cesar et les ondes positives

Les Brésiliens veulent croire que le fait d'être passés tout près du précipice contre le Chili le week-end dernier aura enfin valeur de déclic. A cet égard, Julio Cesar a montré que le destin de ces joueurs n'était pas forcément d'être le nouveau Moacyr Barbosa, mais peut-être, au contraire, de devenir des nouveaux héros. C'est un élément sur lequel ses coéquipiers peuvent s'appuyer. "On a ressenti des émotions très fortes mais aussi des ondes très positives à la fin, comme une libération", explique David Luiz. Alors, fini le frein à main, place à l'accélérateur ? On le saura vendredi, face à la Colombie.
"Aujourd'hui, clairement, la peur de l'échec n'a pas encore été supplantée par l'espoir d'une victoire finale, écrit Juca Kfouri. Les joueurs sont sous apnée. Ils jouent sans respirer, crispés, tendus. Mais par nature, plus l'équipe avance dans la compétition, plus le titre se rapproche et plus la peur de l'échec devrait s'éloigner. Je crois vraiment que si la Seleçao passe la Colombie et atteint le dernier carré, les joueurs pourront se lâcher enfin." Mais le temps presse. C'est maintenant qu'ils doivent se délester du fardeau. Sinon, il faudra porter cette croix qui figera leurs carrières. Et elle sera lourde.
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2014 Julio Cesar - AFP

Crédit: AFP

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