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Dans l'histoire du football brésilien, il y a eu Pelé, Garrincha… et Mario Americo

Laurent Vergne

Mis à jour 05/05/2017 à 10:57 GMT+2

Du Maracanazo au Tricampeão, cet homme a tout connu avec la Seleçao. Membre incontournable de l'équipe du Brésil de 1950 à 1974, Mario Americo en a été le masseur. Mais il était bien plus que cela…

Mario Americo, mythique masseur du Brésil

Crédit: DR

C'est le seul Brésilien à avoir disputé sept Coupes du monde consécutives. Pas n'importe lesquelles. Il a vécu l'âge d'or de la Seleçao. Celle de Pelé et de Garrincha. Il a aussi connu l'avant. Le juste avant. Et le juste après. Pourtant, il n'a jamais mis un but. A vrai dire, il n'a même jamais joué une seule minute. Et il n'était pas davantage sélectionneur ou technicien. Non, Mario Americo n'a rien fait de ceci et il n'était rien de cela. Il est pourtant une légende. Un personnage incontournable du quart de siècle le plus riche de l'histoire du football brésilien. Du Mondial 1950 au Mondial 1974, il fut le masseur de la Seleçao. Le confident des stars, aussi.
Né en 1912 dans le Minas Gerais, Mario Americo a consacré trente-huit ans de sa vie au football. Les stars le comprenaient, l'écoutaient et, surtout, lui parlaient. Il partageait avec les géants du football brésilien un même parcours, de la pauvreté à la réussite sociale, eux par le football, lui par un autre biais. Quoi que. Orphelin de père, le petit Mario s'est fait tout seul. La légende dit qu'il est venu jusqu'à Sao Paulo tout seul, à l'âge de 8 ans. Cireur de chaussures, mécanicien, percussionniste, "Mario Negrinho", comme tout le monde l'appelle, a tout fait.
Sa vie bascule une première fois lorsqu'il se lance dans la boxe, après avoir quitté Sao Paulo pour Rio. Il a alors 20 ans. Mais après un méchant K.-O., Americo doit se soigner, longtemps. C'est là qu'il fait la rencontre qui changera sa vie : Almir Do Amaral est médecin au Madureira Sport Club. Il l'initie aux techniques de soins et lui présente Giovanni, le masseur du club. Ce dernier est sur le point de partir à la retraite. Il propose à Americo de le former pour qu'il lui succède. Mario dévore tous les livres qu'il peut trouver. Voilà pour la théorie. Giovanni se charge de la pratique.

Masseur, physio… et guérisseur ?

Voilà comment, en 1937, Mario Americo entame alors la période la plus riche de toute sa vie via cette nouvelle profession qu'il n'aurait sans doute jamais envisagée. A Madureira, il partage d'abord son nouveau job avec sa carrière de boxeur, avant de franchir définitivement le pas en 1942 en raccrochant les gants. C'est alors au Vasco de Gama qu'il va officier, avec l'entraîneur Flavio Costa, qui l'emmènera avec lui en équipe nationale lorsqu'il en deviendra le sélectionneur. C'est le fameux Maracanazo, en 1950. La première page d'histoire qu'Americo vit de l'intérieur. Il devient d'emblée une figure. Grand, musclé, charismatique, il est un membre à part entière de l'équipe. Son rôle déborde vite du simple cadre du massage. On l'appelle "pigeon", parce que c'est à lui que Flavio Costa demande de passer les dernières consignes sous la pelouse, prétextant une intervention "médicale".
Ses interventions deviennent à elles seules un évènement. Le public et les journalistes attendent le moment où Americo va débouler sur la pelouse. Il a avec lui deux accessoires qui feront sa légende : un seau d'eau et une ceinture de cuir, objet de tous les fantasmes, dans laquelle il range ses propres mixtures à base de plantes qu'il cueille lui-même, souvent mélangées avec du miel. Les joueurs, novices ou indéboulonnables, avalent ça sans broncher. On ne contredit pas Mario, dont certains sont convaincus qu'il possède des pouvoirs de guérisseur. On dit de lui qu'il "parle aux blessures". Dieter Hochmuth est un célèbre physiothérapeute du sport allemand. Americo fut son idole et il l'a rencontré à ses débuts, une fois celui-ci à la retraite. "Il y a une grande part de psychologie, explique-t-il. Le patient doit absolument être persuadé que ce que vous allez faire est ce qu'il y a de meilleur pour lui. Ça ne suffit pas à guérir, mais ça aide à la guérison. Or, Mario, les gens le croyaient à 200%."
Ne t'en fais pas gamin, laisse faire papa
Parfois, il ne pourra pas faire de miracles, comme avec Pelé en 1962 ou 1966. Mais au-delà de la force de conviction, plus qu'un masseur, Americo a été un des premiers physiothérapeutes modernes du sport. Une légende dans le métier. Son autre marque de fabrique, c'est sa façon d'évacuer les joueurs lui-même quand ils sont blessés. A une main, il les embarque sur son épaule, façon sac de pomme de terre. Là encore, tout le monde y passera, même Pelé.
Pelé, justement. Mario Americo a vécu les quatre Coupes du monde de O Rei. L'éclosion du bébé star, la consécration, les blessures, le retour au sommet jusqu'à l'extase de 1970. Pelé a raconté la toute première fois qu'il a eu affaire à Americo en équipe du Brésil. C'était au printemps 1958. Le gamin de 17 ans vient d'apprendre qu'il est retenu pour le Mondial en Suède. Une évidence, avec le recul du temps. Pas forcément à l'époque. Beaucoup ne comprennent pas que Pelé, si jeune, puisse être retenu à la place de Luisinho, l'attaquant des Corinthians.
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Pele porté en triomphe lors de la Coupe du monde 1970 avec le Brésil

Crédit: Panoramic

Juste avant de s'envoler pour l'Europe, le Brésil dispute un dernier match, précisément contre l'équipe de Sao Paulo. Pelé marque mais, surtout, se blesse. Touché au genou, il sort, en larmes. Il pense que le Mondial, c'est fini pour lui. Mario Americo le prend en charge et le rassure : "Ne t'en fais pas gamin, laisse faire papa. Je vais te remettre sur pied et tu chasseras à nouveau les filles en un rien de temps." La blessure, finalement sans gravité, n'empêchera pas Pelé de se glisser dans l'avion pour la Suède et d'y devenir la star que l'on sait. "Depuis ce jour, raconte O Rei, j'ai toujours écouté ce que disait Mario sans jamais le contredire." Après le drame du Maracanazo, Americo vit le premier triomphe brésilien. Deux autres suivent, en 1962 et 1970. Membre à part entière du Tri Campeao, Americo pose à chaque fois sur la photo officielle. Il y a les onze titulaires et lui. Ce sera le cas jusqu'en 1974, lors de son dernier Mondial.

Le Brésil lui doit les ballons des finales 1958 et 1962

C'est aussi à lui que le Brésil doit deux trésors exposés au Musée du football: les ballons des finales 1958 et 1962. Au coup de sifflet final de la victoire contre la Suède, en 1958, alors que tout le monde se congratule, Americo se rue sur l'arbitre, le Français Maurice Gigue, qui a enfoui le ballon sous son bras. D'une pichenette, il lui subtilise et se réfugie aux vestiaires. Deux membres de la FIFA tenteront de le récupérer mais Americo l'avait déjà rangé dans un sac de linge sale avant de s'éclipser. Il refera exactement le même coup en 1962 après la finale contre la Tchécoslovaquie, à Santiago.
"Oncle Mario", comme l'appelaient affectueusement les joueurs, n'a jamais été remplacé. Il est devenu une sorte de mythe, au Brésil comme dans son milieu. Retiré du football en 1976, il fera de la pub, tournera dans un film avec Garrincha, commercialisera des crèmes de massage à son nom et deviendra même député de l'Etat de Sao Paulo. Après avoir vécu ces mille vies, Mario Americo meurt en 1990, à Sao Paulo. On disait de lui qu'il était le meilleur second rôle de l'histoire de la Seleçao. C'est sans doute trop restrictif. "Il y a eu Pelé, il y a eu Garrincha et il y a eu Mario Americo", a estimé Mario Zagallo. Pelé, quand on lui dit qu'il est le seul à avoir dans l'histoire à avoir remporté trois fois la Coupe du monde, aime à rappeler qu'Americo, lui aussi, possède un palmarès inégalable, à l'image de sa personnalité.
  • Alors que la Coupe du monde revient au Brésil pour la première fois depuis 1950, année de son premier Mondial, le Musée du football de Sao Paulo a décidé de lui consacrer une exposition.
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