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Sans sa mystique, l'Argentine ne pourra pas gagner la Coupe du monde

Alexandre Juillard

Mis à jour 12/07/2014 à 14:37 GMT+2

Le football argentin frise souvent avec l’irrationnel. Les joueurs, les supporters s’appuient souvent sur des croyances, des superstitions ou des signes du destin. Et au Brésil, les 40 millions d’Argentins sont persuadés d’une chose : leur sélection a retrouvé sa mystique. Explications.

Sabella, sur le banc de l'Argentine lors de la demi-finale du Mondial 2014

Crédit: AFP

Alejandro Sabella est impassible. Droit comme un i devant le banc des remplaçants. Il est tendu comme jamais lors de cette séance de tirs au but face aux Pays-Bas. Lorsque Romero réalise un arrêt ou lorsqu’un de ses joueurs réussit son tir au but, il se retourne, fait deux pas, tête basse et revient à la même position. C’est toujours le même rituel. A sa gauche, se tient un membre de son staff. Mais ce dernier ne tient plus en place lorsque Maxi Rodriguez s’apprête à tirer le sien. Il a les nerfs en pelote, il a des fourmis dans les jambes, mais Sabella le tient par le bras et lui intime de ne pas bouger. Car il ne faut pas changer ce rituel gagnant.
Quelques secondes plus tard, Maxi qualifie l’Argentine pour la finale. C’est l’euphorie, Sabella et tout son staff s’embrassent. Cette scène est un condensé des superstitions, très nombreuses, qui font partie intégrante du football argentin. Depuis, les médias argentins se sont fait un malin plaisir à décortiquer les réactions de Sabella. Et il n’y a pas de doute possible : l’entraîneur est superstitieux comme jamais. Et ça, c’est très bon signe pour la suite.
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Alejandro Sabella, le sélectionneur de l'Argentine, lors de la demi-finale de la Coupe du monde 2014

Crédit: Panoramic

En espagnol made in Argentine, un rituel se dit cabála. Et chaque entraîneur, chaque joueur, chaque supporter qui se respecte en a un voir plusieurs. Et lorsque l’équipe gagne, la cabála se répète jusqu’à la défaite. Elle peut être d’ordre religieuse (signes de croix, chapelet), d’ordre vestimentaire (mettre le même tee-shirt, le même slip, mêmes chaussettes) ou d’ordre du comportement (entrer sur le terrain toujours avec le même pied, s’asseoir toujours au même endroit, etc…). Et au Brésil, la sélection argentine, et en particulier le staff technique, en ont quelques-unes qui commencent à sortir dans la presse.

Soulager sa vessie ou se raser la moustache comme solution radicale

Sabella est un homme d’Estudiantes La Plata. Un club qui est connu, en Argentine, pour croire dur comme fer à ces rituels. La faute, entre autre, à Carlos Bilardo, l’entraîneur aux multiples titres avec ce club et avec la Seleccion. C’est lui, par exemple, qui avait interdit à ses joueurs en 1986 de manger du poulet, car il était persuadé que ça leur porterait malheur. Tout comme il était interdit de préparer ses valises avant un match et tous, joueurs comme membres du staff, devaient s’asseoir à la même place dans le bus. Les policiers qui les escortaient en moto devaient être toujours les mêmes, et le chauffeur du bus devait toujours faire en sorte que lorsque le véhicule entrait dans le stade, les joueurs écoutent la fin de la même chanson ("Gigante Chiquito" de Sergio Denis).
En 1990, Bilardo était même allé plus loin. Avant la première séance de tirs au but (contre la Yougoslavie, en quart de finale), Sergio Goycochea avait soulagé sa vessie sur le terrain (entouré par ses coéquipiers) avant le premier penalty. En demi-finale, Bilardo avait ordonné à Goycochea de se soulager à nouveau et l’Argentine s’était qualifiée pour la grande finale. Des exemples comme ceux-là, il y en a des centaines et des centaines dans l’histoire du football argentin. Une autre anecdote pour terminer : en 1978, Mario Kempes porte la moustache tout au long de la première phase. Kempes est muet devant les buts, alors, avant le début de la seconde phase, "el flaco" Menotti lui demande de se raser. Résultat : six buts et un titre de champion du monde, comme si un coup de rasoir avait changé l’histoire de ce Mondial…
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Mario Alberto Kempes avec l'Argentine en 1978

Crédit: Eurosport

Au Brésil donc, Sabella a lui aussi mis en place toute une série de rituels. Dans l’avion ou le bus, les membres du staff s’assoient toujours à la même place. Pour la petite histoire, le sélectionneur est toujours assis à côté du préparateur physique, au deuxième rang à droite. Lorsque le bus arrive au stade, le préparateur physique est toujours le premier à descendre, suivi par les joueurs et Sabella est toujours le dernier à sortir. Jusque là, rien de bien extraordinaire.

Un maillot bleu porte-malheur

Dans le bunker argentin, il y a des traditions qui ne se perdent pas. D’abord, si le staff a décidé de poser ses valises au centre d’entraînement de Cidade do Galo à Belo Horizonte, c’est parce que c’est ici, dans le complexe de Cruzeiro, qu’Estudiantes La Plata avait préparé sa finale victorieuse de la Copa Libertadores (en 2009). Sabella avait même demandé d’occuper le banc des visiteurs au stade Mineirao contre l’Iran (le même qu’il occupait lors de cette finale), mais la FIFA avait refusé. Malgré ce coup du sort, les Argentins ont quand même remporté, sur le fil, ce match grâce à Lionel Messi. Le jour de cette fameuse finale de Copa Libertadores, un des membres du staff avait acheté des pastilles à la menthe qu’il avait distribuées à chacun de ses collaborateurs sur la route du stade. Ce rituel est toujours d’actualité lors de chaque match du mondial, mais attention, ses pastilles à la menthe sont d’une marque bien précise. Inutile d’en chercher d’autres.
A la veille de cette grande finale, les Argentins voient pourtant quelques signes négatifs. Ils devront par exemple porter leur second maillot en leur qualité d’équipe visiteuse. Ils ont poliment demandé aux Allemands de mettre leur maillot visiteur pour qu’ils puissent porter leur maillot ciel et blanc, mais leurs adversaires ont refusé. Ce maillot bleu ne leur porte pas bonheur. Ils se souviennent qu’en 1990, c’était en bleu que Maradona et sa bande avaient perdu contre cette même Allemagne en finale. En 2006, les Argentins s’étaient encore fait éliminer contre l’Allemagne (et aux tirs au but) avec ce satané maillot bleu. Et en 2002, c’est également avec ce maillot bleu de mauvais augure que les hommes de Bielsa avaient fait match nul contre la Suède (1-1). Un résultat synonyme d’élimination. Bref, ce maillot-là ne porte pas bonheur. Enfin, presque pas. Puisque certains, plus positifs, plus optimistes que d’autres, ont rappelé que c’est avec ce maillot-là que Maradona avait battu à lui tout seul l’Angleterre en 1986 (2-1). Et c’est donc avec ce maillot-là que le numéro 10 et capitaine argentin avait inscrit "le plus beau but de l’histoire du mondial".
La sélection argentine compte sur ses images pieuses, qu’elle a installées dans son bunker, pour faire pencher la balance de son côté et pour éloigner les mauvais esprits. Mais aussi sur sa mystique retrouvée. En Argentine, la mystique d’une équipe, c’est lorsque tous ses joueurs marchent dans la même direction tel un seul homme parce qu’ils ont réussi à se créer leur propre identité. Messi et sa bande sont à une victoire du paradis. En tout cas, les Argentins sont persuadés que tous les ingrédients sont réunis pour remporter le troisième mondial de leur histoire.
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Le 2e but de Diego Maradona lors du quart de finale Argentine - Angleterre en 1986

Crédit: AFP

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