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Diego Costa, un si charmant garçon

Bruno Constant

Mis à jour 30/12/2016 à 16:31 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Resté à Chelsea cet été après avoir émis le souhait de rentrer à Madrid, l'attaquant espagnol a mis de côté le mauvais visage de son jeu pour redevenir l'un des tout meilleurs attaquants d'Europe.

Diego Costa (Chelsea)

Crédit: AFP

Lors de sa conférence de presse précédant les fêtes, Antonio Conte a invité les journalistes à prendre une pint au Plough, le pub juste à côté du centre d'entraînement des Blues, situé dans le village huppé de Stoke d'Abernon, dans le sud de Londres. Bien avant, au début des années 90, lorsque Chelsea était encore le petit dernier des clubs londoniens, c'étaient les joueurs, et parmi eux un certain Tony Cascarino, qui avaient l'habitude d'aller boire des bières, après l'entraînement, au pub situé juste en face du terrain. Attablés dehors, ils voyaient alors passer à vélo leur manager, Ian Porterfield, qui leur lançait : "À demain les gars !" C'était une autre époque du football anglais où une bière ne pouvait pas faire de mal bien que la tradition ait conduit de nombreux joueurs sur la route de l'alcoolisme (Paul Gascoigne, Tony Adams, Paul Merson...).

Une bière après chaque victoire

Depuis, Leicester est devenu champion en fêtant ses clean sheets avec des pizzas. Mais Pep Guardiola, qui espère être sacré en fin de saison, les a interdites à Manchester City. A chacun ses traditions. Diego Costa, lui, entretient celle de Chelsea en célébrant les victoires des Blues avec une bière, sitôt la rencontre terminée, dans le vestiaire. Pour l'instant, ça lui réussit plutôt bien. L'attaquant espagnol d'origine brésilienne est le meilleur buteur d'un championnat dominé par son équipe avec 13 réalisations, soit déjà un de plus que sur l'ensemble du précédent exercice. Et si la photo a pu surprendre voire choquer certains, il aurait fallu préciser qu'il avait la bénédiction de son entraîneur - "une bière pour la réhydratation juste après la rencontre, ça va, mais pas plus" - et que le brasseur, de marque thaïlandaise, est aussi l'un des sponsors du club.
C'est surtout l'image d'un Diego Costa joyeux et tout sourire contrastant avec celui de la saison passée. L'été dernier, après deux années contrastées à Stamford Bridge, l'attaquant espagnol avait émis le désir de rentrer à Madrid, à l'Atlético. Au-delà de la saison éprouvante des Blues (10e), du conflit qui l'opposa à Jose Mourinho, il en avait surtout marre de la grisaille londonienne et des polémiques dans la presse britannique sur ses provocations et ses mauvais gestes. Costa était le bad boy, une plaie pour le football, selon certains commentateurs, à l'image de Luis Suarez avant lui.

Comme Suarez, il a nettoyé son jeu

Mais, comme l'Uruguayen, Costa a nettoyé son jeu pour se concentrer sur ce qui faisait de lui l'un des meilleurs attaquants d'Europe, non sans une mise en garde de Conte après ses quatre avertissements reçus en six journées ! En septembre, Pat Nevin, ancien ailier des Blues qui tient une chronique sur le site officiel du club, avait alors prédit que le joueur serait suspendu avant Noël. Mais il aura fallu attendre trois mois avant de voir l'Espagnol écoper de son cinquième carton jaune, synonyme de suspension le... 26 décembre, le lendemain de Noël donc, preuve s'il en fallait que le Costa nouveau est arrivé.
C'était à Selhurst Park où il a quitté la pelouse avec du sang sur la joue, de la boue sur le maillot, la mine rageuse, après avoir offert à Chelsea son onzième succès consécutif contre Palace (1-0). On aurait dit Leonado Di Caprio dans The Revenant, le sentiment de revanche ayant remplacé la vengeance. Ce cinquième card, comme disent les Anglais, était même un peu sévère mais offrait au guerrier un repos bien mérité. Suspendu pour le Boxing Day, Costa l'Espagnol a même eu cadeau d'un jour supplémentaire pour rentrer au pays, au... Brésil donc, rendre visite à ses frères. Par les temps qui courent - le club aimerait voir l'attaquant prolonger son contrat actuel (2019) de deux ans avec une revalorisation salariale -, ce genre de considération n'est pas anodin.
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Diego Costa (Chelsea)

Crédit: AFP

Contre Bournemouth, la question était de savoir si ses coéquipiers, également privés de Kanté, seraient capables de se débrouiller sans lui et d'écarter l'idée d'une Costa-dépendance. La réponse est oui (3-0), plutôt bien même, et non grâce à un récital de Hazard, Pedro et Willian, tous trois alignés en pointe, mais sans attaquant de métier. Car, dans son sillage, ce diable de Costa a brûlé les terres de la concurrence. Un peu cruel pour Batshuayi qui avait effectué de bonnes rentrées en début de saison. Mais, dans le système de Conte à une seule pointe soutenue par deux électrons libres, il n'y a de la place que pour un. Et il faut reconnaître que, aujourd'hui, Costa est peut-être le meilleur attaquant d'Europe.

Le meilleur attaquant (actuel) d'Europe ?

Il n'est pourtant pas le plus rapide, ni le plus élégant avec ses chaussettes à peine remontées jusqu'au-dessus du tibia mais il sait faire beaucoup de choses. Il est capable d'évoluer dos au but, en remise, de jouer pour les autres comme pour lui seul. Il marque du pied droit, comme à City, du pied gauche, comme face à West Brom, et de la tête, comme à Palace. Bref, il est complet. Il a surtout cette capacité à faire mouche sur sa première et parfois seule occasion du match, comme à Selhurst Park, ce qui fait la qualité principale des grands buteurs, tout en gardant cette hargne, cette combativité de tous les instants qui fait de lui un prédateur redoutable.
J'ai le souvenir de longues discussions avec Sylvain Distin sur les attaquants de Premier League, de conversations au sujet de Wayne Rooney, de la faculté du Mancunien à presser son défenseur, le harceler, lui mettre une pression constante et le pousser à la faute. "On n'est jamais tranquille avec Rooney", me disait-il. Et le parallèle est assez simple avec Costa, à l'image de son but contre West Bromwich (1-0) qu'il est allé chercher tout seul alors que son équipe butait sur le bloc de Tony Pulis en allant presser le défenseur (McAuley) à son poteau de corner avant de récupérer le ballon et marquer dans un angle impossible.
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Conte : "Diego Costa est impressionnant"

Un personnage important dans le vestiaire

Enfin, Diego Costa est un personnage important dans la vie de groupe à Chelsea, qui, par sa joie communicative, fait le lien entre les Brésiliens (Willian, David Luiz), les Espagnols (Fabregas, Azpilicueta, Pedro, Alonso), les Belges (Hazard, Courtois, Batshuayi) et les Anglais, enfin ce qu'il en reste (Cahill, Terry). Un homme attachant et drôle qui crie, chante, rigole... Un peu fou, selon certains. Très loin de l'image du joueur provocateur voire tricheur qu'il laisse parfois entrevoir sur le terrain. Un peu semblable à Dennis Wise, passé avant lui à Chelsea (1990-2001), l'homme qui, selon Alex Ferguson, aurait pu provoquer une bagarre dans une pièce vide.
Dans son autobiographie, l'ancien milieu de terrains des Blues raconte une anecdote au sujet de Gianfranco Zola, tout juste arrivé au club (1996). Pour apprendre la langue de Shakespeare, l'Italien lisait chaque jour une dizaine de pages d'un roman britannique (The spy who came in from the cold, de John Le Carré) qu'il amenait partout avec lui, à l'entraînement, dans le bus, dans l'avion, à l'hôtel lors de la mise au vert. Wise, passé par le vestiaire déjanté du Crazy Gang de Wimbledon, arrachait chaque jour une page du livre jusqu'au moment où Zola arriva au dénouement de l'histoire. Wise lui demanda : "Alors, ce livre, c'est comment ?" Zola répondit : "Jusque-là, c'était bien, mais l'histoire finit bizarrement..." Le vestiaire, mis au courant, éclata de rires. Mais les deux hommes, pourtant aux antipodes, entretinrent une belle amitié qui facilita l'adaptation de l'Italien. Et Gianfranco Zola, surnommé "the little magician", devint rapidement le chouchou du public de Stamford Bridge.
Aujourd'hui, le chouchou se nomme Costa et les supporters n'arrêtent pas de chanter son prénom : "Diegoooo ! Diegoooo !" Comme Wise, il est un peu fou. Et comme Zola, il est parfois magique.
Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL, Europe 1 et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, vous pouvez écouter mon podcast 100% foot anglais sur l'actualité de la Premier League et du football britannique.
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