En quatre mois, Gignac s'est mis le Mexique dans la poche mais le plus dur reste à faire

André-Pierre Gignac va entrer dans le money-time. A partir de mercredi, il disputera la Liguilla, nom des play-offs qui opposent les huit premiers de la saison régulière dans un championnat mexicain au format largement inspiré par celui des sports US. Auteur de onze réalisations en quinze matches, autrement dit de 42% des buts de son équipe, APG sera évidemment l'atout numéro un des Tigres dans la quête d'un premier titre depuis 2011. Car, Gignac n'est pas seulement le joueur le plus productif de son équipe, mais aussi, le meilleur joueur du championnat pour 61% des téléspectateurs de TDN, appelés à voter, samedi, pendant la retransmission du dix-septième et ultime match de la saison régulière, face à Cruz Azul (0-0).

Mais plus qu'une enquête réalisée sur un échantillon pas forcément représentatif, le meilleur témoin de la qualité du rendement de l'ex-Marseillais reste son rappel en sélection par Didier Deschamps pour les amicaux face à l'Allemagne et l'Angleterre. Même s'il a bénéficié de circonstances favorables (forfaits de Benzema et Fékir, Valbuena ménagé), au Mexique, cette sélection a été vécue comme une validation du choix de Français, parfois incompris dans l'Hexagone, mais aussi comme une reconnaissance de la LigaMX comme un championnat à l'intérêt compétitif certain.

Pour le moment, Gignac et le Mexique vivent une relation gagnant-gagnant. Le premier a fait son retour chez les Bleus après un an d'absence, tandis que la LigaMX, en attirant un international français dans la force de l'âge, s'est faite un peu de promo en Europe. Lors de son retour à Clairefontaine, APG ne s'est d'ailleurs pas fait prier pour louer les charmes de son nouvel environnement. "Pour moi, ce Championnat n'a rien à envier à la Ligue 1" a-t-il ainsi considéré, le 12 novembre, en conférence de presse. L'ex-Marseillais a aussi indiqué que des joueurs l'avaient approché pour les aider à se trouver un club au Mexique.

Sans contrat après sa rupture avec West Ham, Morgan Amalfitano a d'ailleurs été aperçu aux alentours des installations des Tigres à la fin octobre, mais a priori, il s'agissait d'une simple visite à son pote DD. André-Pierre Gignac a-t-il ouvert un nouveau débouché pour les joueurs de Ligue 1 ? Il a, en tout cas, déjà montré que la greffe pouvait prendre. Bien immergé dans la culture locale, il ne cesse ainsi d'envoyer des signes aux Libres y Lokos, la barra des Tigres, comme lorsqu'il a mimé les initiales du groupe de supporters - un double L - après avoir inscrit son but face à l'Allemagne, en ignorant alors le drame qui se jouait à Paris et Saint-Denis.

Si tout va bien pour André-Pierre Gignac, son équipe n'a toutefois pas tout à fait répondu aux attentes placées en elle. Pour rappel, outre Gignac, les Tigres avaient effrayé la concurrence lors du mercato en attirant également les internationaux mexicains, Javier Aquino (ex-Villarreal), et Jurgen Damm, ce dernier approché par l'AS Roma. Autre prise de l'été : l'international nigérian Ikechukwu Uche. Mais un genou dans le sac n'a pas permis à l'ex de Villarreal de faire ses débuts en LigaMX. Fort de cet effectif rondelet, qui compte près d'une dizaine d'internationaux, il était entendu que les Tigres allaient dominer le championnat. Mais ce ne fut absolument le cas, puisque le club auriazul de Monterrey s'est qualifié sans les honneurs pour la Liguilla, en cinquième position de la saison régulière.

Reste qu'en LigaMX, briller lors de la saison régulière n'est qu'accessoire. La saison dernière (Clausura 2015), les Tigres avaient ainsi dominé le championnat, avant de tomber en quarts de finale face à Santos, huitième de la saison régulière, qui remportera finalement le tournoi. Que le premier de la saison régulière échoue à être sacré au bout de la Liguilla est un cas de figure si courant qu'il porte même un nom, celui de "malédiction du leader". Alors, autant ne mettre les plein gaz que lorsque cela devient vraiment nécessaire ...

En quarts de finale, les Tigres seront opposés au quatrième du classement, les Jaguares Chiapas. Une équipe entraînée par l'Argentin, Ricardo La Volpe, ex-sélectionneur du Mexique (2002-2006), cité comme une source d'inspiration par Pep Guardiola lui-même. Une équipe qui rappelle de très bons souvenirs à André-Pierre Gignac, pour avoir inscrit son premier triplé sous le maillot auriazul lors de leur opposition de la cinquième journée (4-1). Mais depuis cette correction reçue au Volcan, surnom du stade des Tigres, les Jaguares vont beaucoup mieux, à l'instar de l'ex-Rennais, Silvio Romero, qui a fait trembler les filets à dix reprises, seulement une fois de moins que Gignac. Au classement des buteurs, le Français a finalement terminé la saison régulière en quatrième position. Avec 13 buts, l'Argentin de Querétaro, Emmanuel Villa, le domine. Mais il est à noter qu'à l'inverse de ses concurrents, l'ex-marseillais a pris la LigaMX en cours, lors de la troisième journée, pour avoir été engagé en Copa Libertadores.

S'il n'avait pas manqué quelques matches, APG aurait peut-être pu couronner sa première saison régulière d'un titre de meilleur buteur, mais la recrue star de la LigaMX a surtout manqué de munitions, sevré par les options tactiques conservatrices de Ricardo "El Tuca" Ferretti. En poste depuis 2010, cet entraîneur brésilien naturalisé mexicain est l'un des plus estimé du Mexique, mais aussi l'un des plus critiqués, pour le manque d'audace de ses équipes. Cette saison, on a ainsi souvent vu un Gignac isolé en pointe, devant faire valoir sa puissance physique pour retenir le ballon et se donner ainsi le temps de voir du renfort arriver. Les Tigres ne sont pas par hasard la meilleur défense de la saison (16 buts encaissés), malgré leur cinquième place.

Mercredi soir au Mexique (dans la nuit de mercredi à jeudi, en France), les Tigres recevront les Jaguares à Monterrey, avant un retour, samedi, à Tuxtla Gutierrez. Face à une équipe joueuse, André-Pierre Gignac devrait disposer d'espaces pour faire la différence et continuer de justifier l'onéreux investissement réalisé par son employeur. Loin d'être parti en pré-retraite dorée au Mexique, André-Pierre Gignac semble s'épanouir dans cet autre football, où les tournois sont semestriels et se concluent par une Liguilla, là où les grands joueurs se doivent d'apparaître. N'est-ce pas la définition du money-time ?