La Roumanie rate le coche

Ils ont joué le jeu. Jusqu'au bout, et malgré une équipe remaniée. Assurés de la première place, et donc de figurer en quarts de finale, les Pays-Bas ont préféré se focaliser sur un éventuel sans-faute, plutôt que sur leur potentiel adversaire en demi-finale. À raison ou à tort, Marco van Basten et ses hommes ne se sont pas posés pas la question, n'avaient pas envie de faire des calculs, et ont donc contribué au bonheur de l'Italie, tombeuse de la France (2-0) et deuxième qualifiée pour les quarts de finale. La Roumanie, elle, a peut-être fait trop de calculs avant la rencontre. Et même sur la pelouse, où son envie et ses qualités collectives n'ont pas été très flagrantes. Victor Piturca, l'entraîneur roumain, avait expliqué en conférence de presse qu'il pensait que les Pays-Bas lèveraient le pied. C'est surtout ce qu'il espérait, semble-t-il, tant son équipe est restée groupée dans sa moitié de terrain, et apparue passive.

Un paradoxe pour Mutu et ses partenaires, à qui une victoire, par la plus petite des marges, suffisait pour continuer leur route dans cet Euro. Une victoire devenue obligatoire par le déroulement des événements à Zurich, et l'ouverture du score de l'Italie face à la France. Une victoire que les Roumains n'ont même pas effleurée du bout des doigts. Les Pays-Bas n'ont pourtant pas forcé leur talent, ni imprimé un rythme intense à la rencontre. Ils n'auraient peut-être pas mis le pied et les moyens nécessaires pour revenir dans la rencontre si la Roumanie avait dominé les débats. Mais la formation des Carpates ne le saura pas, faute d'avoir véritablement essayé de mettre son adversaire en danger. Hormis sur une reprise de volée, d'emblée, de M.Niculae (4e), qui a donné l'impression que les Roumains voulaient frapper vite et bien, puis un tir de Mutu (24e), les Bataves ont vécu une soirée paisible.

Plutôt que les lacunes de la réserve orange, ce sont celles des hommes de Piturca qui se sont trouvées dans la lumière : manque de technique, d'allant offensif, et même de rigueur défensive, censée être l'un de leurs atouts majeurs. Malgré l'absence de Sneijder, van der Vaart, et consorts, les Pays-Bas ont contrôlé le jeu au milieu de terrain, sous l'égide d'Engelaar, qui a imposé sa masse athlétique. Et s'est même mué en passeur à plusieurs reprises, à chaque fois pour van Persie (19e, 26e, 53e). L'alerte la plus dangereuse est venue des pieds de Robben, qui n'a pas gagné son face à face avec Lobont, sa pichenette flirtant avec le poteau (37e). Les mauvaises langues, à ce moment-là, auraient pu aller jusqu'à penser que l'ailier néerlandais, si intenable lors de son entrée en jeu face à la France, avait volontairement raté la mire.

Une nouvelle occasion de van Persie, qui a contrait Lobont à un exploit (49e), puis l'ouverture du score de Huntelaar (1-0, 54e), qui disputait ses premières minutes dans cet Euro, ont servi de mise au point. Afin de la rendre encore plus nette, et d'en profiter pour plaider sa cause en vue des quarts de finale, van Persie a doublé la mise sur un enchaînement impeccable, inscrivant ainsi son deuxième but du tournoi (2-0, 87e). Une réalisation qui n'a rien d'anecdotique et rend le bilan des Oranje encore plus impressionnant : avec neuf buts marqués durant la première phase, ils égalent le record de l'équipe de France, qui datait de 1984. Les Pays-Bas ont donc fait plus que jouer le jeu, face à la Roumanie. Ils ont aussi très certainement joué avec le feu. Car, s'ils ont respecté l'éthique, engrangé davantage de confiance, et réussi un carton plein, les Oranje ont donc permis à l'Italie de rester en vie dans cet Euro. Et potentiellement, de s'offrir une revanche en demi-finale après avoir sombré lors de leur duel dans ce groupe C (3-0). Avec cette troisième victoire en trois matches, les Néerlandais n'ont pas coupé leur élan. Mais ils ont peut-être mis le feu à leurs propres ailes.