Bleus - Benzema privé d'Euro : Pourquoi Deschamps a pris la moins risquée des décisions

Didier Deschamps a une haine viscérale de la défaite. Il est prêt à tout pour venir à ses fins. En février, son pragmatisme légendaire transpirait dans son interview accordée à L'Equipe : "Sur le plan sportif, j'ai envie d'avoir les meilleurs joueurs. Vous n'êtes pas attaquant du Real pendant cinq ans avec Mourinho, Ancelotti, Benitez ou Zidane comme ça." S'il avait voulu ouvrir en grand les portes d'un retour en Bleu à Benzema, le sélectionneur ne s'y serait pas pris autrement. L'équation est alors simple : l'équipe de France et Deschamps veulent gagner l'Euro, ils ont besoin de leurs meilleurs joueurs, Benzema en fait partie donc, ce n'est qu'une question de temps, Benzema va réintégrer les Bleus.

Un mois plus tard, coup de théâtre : Noël Le Graët, qui associe ostensiblement Deschamps à sa décision dans le communiqué de la FFF, barre définitivement la route de Benzema à l'Euro. Que s'est-il passé entre temps ? DD a-t-il perdu son pragmatisme ? Non, bien au contraire. Le vent a clairement tourné et au lieu de l'avoir pleine face, Deschamps et la FFF, par cette décision, l'ont désormais dans le dos. S'ils se placent sur le terrain de l'éthique, de "l'exemplarité" et de la "préservation du groupe" pour justifier leur décision, il paraît clair que celle-ci a d'autres motivations. Voilà les deux plus évidentes :

Avec Benzema dans son effectif, l'équipe de France prenait un vrai risque : celui de démarrer sa compétition sans le soutien massif de ses supporters. Les différentes enquêtes d'opinion ont sans aucun doute largement influencé le duo à la tête du football français. "C’est l’un des dossiers les plus complexes que j’aie eu à gérerà la FFF", admettait Noël Le Graët dans les colonnes du Monde ces derniers jours. "Car il y a une contradiction entre l’opinion publique et ce que je ressens pour ce garçon-là."

Selon une étude réalisée par Odoxa et publiée L'Equipe début avril, 73% des Français étaient hostiles à son retour en Bleu. En suivant l'opinion publique, Deschamps et les Bleus s'enlèvent un poids qui aurait pu devenir un fardeau. Le débat sur sa présence en équipe de France ne polluera pas la préparation. Il aura lieu dans les jours qui viennent. Le Graët et Deschamps ont choisi la solution la plus évidente, celle qui assure un climat apaisé aux Bleus.

Le critère sportif arrive avant tous les autres dans l'esprit de Deschamps. Voilà pourquoi il semblait prêt à accueillir de nouveau Benzema dans son groupe. Mais le mois de mars a tout changé. Le sélectionneur s'est rendu compte que même sans Benzema, son équipe avait fière allure. Les démonstrations offensives face aux Pays-Bas (2-3) et à la Russie (4-2) n'ont sans doute pas rendu service au Madrilène. Griezmann s'est affirmé comme le nouveau leader d'un secteur flamboyant où le réservoir (Martial, Payet, Coman, Ben Arfa) semble aujourd'hui inépuisable.

Il paraît clair que Deschamps estime toujours aujourd'hui que les Bleus ne seraient sans doute pas moins compétitifs avec Benzema. Mais son calcul est simple : sa plus-value sportive mérite-t-elle de se mettre l'opinion publique à dos ? En février, il aurait répondu positivement. Mais mars est passé par là et, aujourd’hui, le jeu n’en vaut plus la chandelle.