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Entre l'Italie et l'Allemagne, le derby d'Europe se poursuit (aussi) à côté du terrain

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 01/07/2016 à 21:07 GMT+2

Ce sont les deux sélections européennes les plus titrées, et à chaque affrontement entre la Nazionale et la Mannschaft, les taquineries sont de sortie. Les deux peuples se fréquentent depuis un moment, se détestent amicalement mais, surtout, ils se respectent. C'est vrai sur le terrain. Mais aussi à côté.

Des supporters de l'Italie fêtent la victoire de leur équipe à... Berlin

Crédit: AFP

"Avec vous, on a perdu qu'une seule fois, c’est quand nous étions alliés" : le supporter italien reste le plus doué lorsqu'il s’agit de penser à des banderoles sympathiques. Celle-ci avait été agitée avant la demi-finale du dernier Euro, huitième et dernière rencontre en date et en compétition officielle entre les deux rivaux. Une victoire 2-1, la quatrième pour l’Italie qui complétait le sans-faute avec quatre matches nuls.
Sur ces huit affrontements, une finale de Coupe du monde, deux demies de Mondial et donc une d’un Euro. Un bilan incroyablement déséquilibré entre les deux plus beaux palmarès européens. Comme l'écrit l’auteur de ce bon mot, il a fallu une alliance durant le second conflit mondial pour que l’Italie soit battue. Une boutade qui rappelle les liens contigus et ambigus qu’entretiennent les deux peuples depuis des siècles.

Une longue d'histoire d'amour et de tromperies

Pour ceux qui sont aux rattrapages du Bac, et même les autres. Ouvrons nos manuels d’histoire et remontons à 2000 ans en arrière pour conter les exploits d’Arminius, fils de Ségimerus, le chef d’une tribu germane favorable aux Romains à qui il confia l’éducation de son rejeton. Dix ans plus tard, celui-ci retourne sur les terres de son paternel pour combattre… l’armée romaine. Un fait qui caractérise assez bien la relation diplomatique entre les deux pays. Fin XIXe, Italie et Allemagne font partie de la Triple Alliance avec l’Empire austro-hongrois, au moment d’entrer dans le premier conflit mondial, le gouvernement italien passe dans l’autre camp.
Moins de deux décennies plus tard, les dictatures nazie et fasciste vont main dans la main jusqu’à 1943, la signature de l'armistice et le retournement de front. Un terreau historique particulier qui se répercute aujourd’hui dans l’imaginaire collectif des citoyens des deux nations. Les rencontres de foot épiques n'apportant finalement que quelques graines de piment supplémentaires à tout ce contexte.
17 juin 1970 : Franz Beckenbauer avec un bras en écharpe, la RFA s'incline en demi-finale du Mondial contre l'Italie (4-3 après prolongation)
Attention, rien de bien méchant, après la seconde Guerre Mondiale, les Italiens sont venus par millions travailler dans l’industrie allemande, et jusque dans les années 70, ils étaient la communauté étrangère la plus nombreuse au sein de l’Allemagne. A l’inverse, les Allemands font de l’Italie leur destination de villégiature préférée. Allez sur les rives du lac de Garde durant l’été et vous entendrez plutôt la langue de Goethe que celle de Dante. Idem sur la fameuse Riviera romagnola, du côté de Rimini et Riccione, même si c’est un peu moins vrai maintenant.
L'Allemand va en Italie parce qu’il y trouve tout ce qu’il n'y a pas chez lui : bien manger, bien vivre, se détendre, il la regarde même un peu de haut, considérant ceci tout un folklore. L'Allemande elle se laisse charmer par l’Italien qui part trimer en Allemagne et emporte sa culture faite de restaurants typiques mais aussi de criminalité organisée dans ses bagages. En 1977, l’hebdomadaire d'actualité Der Spiegel met en une un pistolet P38 dans un plat de spaghetti, titre "Italie, pays de vacances" et sous-titre "Enlèvement, vols, extorsion". Ambiance.

Le dilemme des Italiens d'Allemagne

Aujourd’hui, les journaux allemands continuent de s'en donner à cœur joie, mais le ton est heureusement différent. Le quotidien Bild imprime une pizza composée de joueurs italiens, pas très original, mais de bonne guerre, sachant que les transalpins n’en perdent pas une pour qualifier leur rival de "würstel" ou "crauti" pour s’en tenir au lexique alimentaire (saucisses, choux). Chaque camp taquine l'autre, le caractère et les traditions des deux peuples sont profondément différents et le contexte économique d’une communauté européenne menée de main de fer par l’Allemagne a ramené au gout du jour le stéréotype de l'Italien peu fiable. D’ailleurs, les immigrés de seconde et troisième génération ont du mal à se fondre dans le décor de leur pays.
En effet, contrairement à de nombreux Français d’origine italienne qui ont coupé les ponts avec le pays de leurs ancêtres, ceux vivant en Allemagne ont conservé une vraie double culture. Un aspect qui ressort au moment où les footballeurs doivent choisir leur sélection, nés et formés en Allemagne avant d’être rapatriés professionnellement dans le pays de leurs parents, Nicola Sansone et Roberto Soriano ont bel et bien opté pour le maillot azzurro. Daniel Caligiuri de Wolfsburg n’a même pas eu besoin de revenir dans la Botte puisque Conte l’a convoqué l’an passé. Enfin, le Bordelais Diego Contento a fréquenté les U20 Allemands mais a toujours été clair sur la sélection A qu’il choisirait : l'Italie.

Ce que l'Allemagne du foot doit à l'Italie

Les Allemands eux n'ont pas ce problème car ils ne sont généralement que de passage en Italie. C'est le cas de leurs footballeurs volontiers venus faire un tour en Serie A. Cinq d'entre eux y évoluent au moment où Lothar Matthäus soulève la Coupe Jules Rimet au "Mondiale 90". Ce dernier, Klinsmann et Brehme évoluent à l'Inter, Berthold et Völler à la Roma. Reuter, Kohler, Hässler, Riedle et Möller leur emboîteront rapidement le pas, soit quasiment tous les cadres de cette formidable génération. Et que dire d'Oliver Bierhoff auteur d'un doublé décisif en finale de l'Euro 96 ? Cet avant-centre ayant fait les beaux jours de l'Ascoli, de l'Udinese, du Milan et même du Chievo. Qu'ils le veuillent ou non, un lien fort relie ces deux pays, qu'il soit sportif ou historique. Une relation d'amitié et de rancœur subtilement résumée par cette phrase souvent répétée en Allemagne : "Les Allemands aiment les Italiens mais ne les estiment pas, les Italiens estiment les Allemands mais ne les aiment pas". Rivaux oui, ennemis non.
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