Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Inspiration française, confiance des clubs : comment l’Espagne a préparé le futur de la Roja

François-Miguel Boudet

Mis à jour 30/06/2017 à 20:43 GMT+2

EURO U21 - La Rojita est à un match de remporter le cinquième Euro U21 de son histoire, le troisième depuis 2011. Des succès préparés très en amont.

Asensio y Saúl en la selección española sub21

Crédit: Getty Images

Quatre matches, quatre victoires, 12 buts inscrits et seulement 2 encaissés. La Rojita a survolé l’Euro U21 pour se qualifier pour la finale contre l’Allemagne (20h45). Si vous ne suivez la Liga que d’un œil ou simplement que les gros clubs, la compétition vous a permis de découvrir de nouveaux profils. En réalité, la sélection d’Albert Celades est déjà très expérimentée. Seize joueurs sur 23 évoluent en Liga. Tous sont titulaires, à l’exception de Rubén Blanco, remplaçant de Sergio Álvarez au Celta de Vigo mais qui a tout de même joué 11 matches de Liga en 2016-2017. Onze d’entre eux ont dépassé les 2 000 minutes de championnat cette saison. Si jeunes mais membres à part entière dans leurs clubs : le résultat d’années de travail conjoint entre les clubs et la fédération.

Une détection active dès les U16

Si la formation espagnole est parmi les meilleures au monde, c’est avant tout parce que le processus a été pensé et mûri. Dans une interview accordée à El País le 14 juin dernier, Albert Celades exposait les grandes lignes de la politique du fútbol base espagnol : "Nous donnons beaucoup d’importance à la sélection U16. C’est la plus difficile parce que c’est un premier filtre. Chaque année, à Las Rozas (le Clairefontaine espagnol), nous essayons d'amener entre 60 et 70 joueurs de moins de 16 ans pour s’entraîner et jouer des amicaux".
Ce travail s’effectue en lien avec les fédérations territoriales qui participent à la détection. Au sein des U21, Asensio, Ñíguez, Suárez, Bellerín, Meré, Vallejo, Sandro, Mayoral, Deulofeu, Jonny et Grimaldo ont été incorporés par ce biais. La continuité favorise les automatismes et donc la progression. Mais pas uniquement.
picture

Saul Niguez of Spain celebrates scoring his sides third goal with his Spain team mates during the UEFA European Under-21 Championship Semi Final match between Spain and Italy at Krakow Stadium on June 27, 2017 in Krakow, Poland.

Crédit: Getty Images

L’origine de Vichy

Saúl Ñíguez vient de se farcir une saison fastidieuse avec l’Atlético de Madrid. Mais alors qu’il n’est même pas capitaine (Deulofeu… por favor !), le Colchonero pourrait la jouer tranquille, "despacito" comme dirait Luis Fonsi. Or, il agit en vrai leader. Là aussi, c’est le fruit d’un vrai processus. "Le sentiment d’appartenance est important, pointe Celades. Nous voulons que les garçons ressentent la sélection comme quelque chose qui leur appartient. Nous leur disons que c’est leur maison, leur équipe. Ils savent ce que nous voulons d’eux et ils savent ce qu’ils vont nous donner."
Depuis 1996, Iñaki Saez et Ginés Meléndez ont été les grands artisans de cette évolution des mentalités en Espagne. Très tôt, Saez, qui a notamment été responsable du centre de formation de l’Athletic Bilbao, a voulu surclasser les meilleurs pour qu’ils gagnent en maturité. En 2006 pour l’Euro U19, il avait d’ailleurs sélectionné cinq joueurs de moins de 18 ans, dont Juan Mata. En 2011, Meléndez avait choisi six joueurs surclassés d’un an. Et en 2012, la moyenne d’âge de la sélection de Lopetegui était de 18 ans et 6 mois. Une politique inspirée de ce qui se faisait à… Vichy, l’ancêtre de Clairefontaine, à la fin des années 1970.
Dans un article d’El País de 2012, Saez rembobinait : "Une année nous allions là-bas, la suivante c’étaient eux. Nous échangions nos avis et nous ne pigions pas comment et pourquoi leurs joueurs montaient de catégorie avant l’heure. Leur récolte est arrivée vite avec le Mondial 98 et l’Euro 2000. Quant à moi, je me rappelle avoir essayé la formule avec l’Athletic."
Il a réitéré l’expérience au sein des catégories inférieures espagnoles, insisté sur les détails (par exemple, les défenseurs centraux partagent la même chambre) et le respect (expulsé lors d’une finale d’un tournoi avec le Séville FC, Sergio Ramos n’a plus été convoqué avec la sélection pendant 6 mois). Et c’est ainsi que l’élève a dépassé le maître : "Il y a toujours des choses à améliorer, expliquait Ginés Meléndez dans El Periodico de Ibiza en septembre 2016. Nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers car, si tu fais ce que tu as toujours fait, tu n’arriveras jamais plus loin que là où tu es arrivé. Nous avons remporté 19 médailles dans les catégories inférieures. Notre premier poursuivant, c’est la France, avec sept."
picture

Saul Niguez

Crédit: Getty Images

Déjà très expérimentés en club

Le travail de la fédération espagnole ne serait pas aussi efficace sans la participation fondamentale des clubs. Les canteras ont un rôle prépondérant et l’importance du football des catégories, notamment dans le développement prioritaire des facultés techniques, est cruciale. On parle d’un pays qui diffuse les tournois de Liga Promises réservés aux moins de 12 ans. La maturité acquise très tôt par les joueurs espagnols facilitent leur intégration chez les pros.
Par exemple, les 16 joueurs de Liga présents à l’Euro U21 cumulent 436 matches cette saison, soit une moyenne de 27,25 matches et 2 065 minutes, sachant qu’Asensio et Denis Suárez ont à peine joué plus de 1 000 minutes (1 071 pour le Merengue, 1 181 pour le Culé) mais sont promis à un grand avenir dès la saison prochaine. Contre l’Italie en demi-finale, les 10 joueurs de Liga "valaient" 420 matches, soit 30 de moyenne.
Et pour se forger un mental dès le plus jeune âge, de nombreuses "filiales" (les équipes B) évoluent en Segunda ou Segunda B, des divisions où on ne fait pas de cadeaux. "Dans d’autres pays, les championnats de filiales ne sont pas aussi compétitives et cela rend le passage au professionnalisme plus compliqué, considère Albert Celades. Ici, la majorité des filiales sont en Segunda B (la troisième division) et les gamins sont obligés de jouer contre des hommes. Ça endurcit. Mais d’un point de vu compétitif, ça donne un avantage. La majorité des U21 sont passé par la Segunda B ou la Segunda (Jesús Vallejo a été formé à Saragosse avant d’être acheté par le Real Madrid puis prêté à Francfort, ndlr)." Une sorte de rite initiatique qui forge le caractère et permet à des gosses choyés de se confronter à la dure loi des briscards : "Ça leur fait du bien de se mesurer avec la réalité du football professionnel : le professionnalisme c’est maintenant."
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité