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"Il m'a manipulé"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 09/09/2010 à 23:20 GMT+2

Cette phrase, attribuée à Raymond Domenech au sujet de Nicolas Anelka, est l'un des temps forts du "Livre Noir des Bleus", ouvrage paru aujourd'hui sous la signature de Vincent Duluc. Un document qui apporte de nombreux éclairages et taille en pièce le mythe d'une grève décidée collégialement.

French Nicolas Anelka (L) shakes hands with French soccer coach Raymond Domenech (R) during the EURO 2008 preliminary round group C match between France and Romania at the Letzigrund stadium in Zurich, Switzerland 09 June 2008

Crédit: EPA

LE ROMAN NOIR DES BLEUS, Vincent Duluc. Editions Robert Laffont. 267 pages, 19 euros.
A leur retour d'Afrique du Sud, certains joueurs de l'équipe de France ont prétendu que rien ne sortirait du "bus de la honte", ce véhicule immobilisé le 20 juin à l'heure du goûter à Knysna devant toutes les caméras du monde. Le document paru ce jeudi sous la signature du journaliste Vincent Duluc, "Le Livre noir des Bleus, chronique d'un désastre annoncé", va hélas leur prouver le contraire. Publié au moment même où la nouvelle équipe de France commence à balayer les premières cendres du champ de ruines - un calendrier que d'aucun trouveront discutable voire regrettable, mais qui correspond au temps nécessaire de l'enquête journalistique - cet ouvrage propose un récit à charge de la plus grande crise de l'histoire du football français. A charge contre les joueurs (ils "sont entrés dans une logique revendicatrice alors qu'ils n'en avaient pas les armes, ni collectives, ni intellectuelles, et que cette logique était en contradiction totale avec leur manière perpétuellement égoïste de vivre leur métier"), à charge contre Nicolas Anelka ("humainement, Anelka ne méritait pas de jouer autant, et sportivement encore moins"), entre autres.
Grand reporter à L'Equipe depuis 1994, chroniqueur des grandeurs et des décadences de l'équipe de France dans les colonnes du quotidien quasiment depuis cette date-là, Vincent Duluc apporte à ce dossier, en plus de sa plume et de sa profondeur d'analyse, pas mal d'éléments factuels nouveaux. On y trouve notamment une très longue confession de Robert Duverne, à la première personne, sur le différend qui l'a opposé à Patrice Evra au départ de l'action et, plus largement, sur la façon dont il a vécu l'ensemble de cette journée du 20 juin. A ce jour, l'incongruité des événements échappe encore à l'ancien préparateur physique. Il ne comprend toujours pas comment les joueurs ont pu s'oublier dans de pareilles proportions. "Ils étaient maraboutés" a lâché à l'auteur du livre un témoin de la scène. Mais Duverne a l'honnêteté de reconnaître qu'il était raccord avec l'air du temps : "J'essaie de le convaincre. Je suis revenu sur moi. C'est égoïste de ma part. Je lui dis que j'ai fait beaucoup de sacrifices pour cette Coupe du monde."
Avant la grève : "C'est une connerie, mais tout le monde l'a décidé"
Duverne raconte aussi qu'il avait parlé du travail prévu à l'entraînement avec Florent Malouda et que celui-ci a parfaitement joué l'acteur. "Il m'a dit oui. Il a fait comme si la séance allait se dérouler." Raymond Domenech, d'ailleurs, aurait eu l'intuition que quelque chose tournait mal en demandant à un joueur, en début d'après-midi : "Qu'est ce que vous préparez comme connerie encore ?" Il s'est vu répondre : "C'est une connerie mais tout le monde l'a décidée." Une phrase qui terrasse un autre mythe créé dans la foulée des événements, celui de joueurs dans leur cocon n'ayant pris connaissance de la portée de leur acte qu'une fois consultée leur messagerie...
Ce livre, dans un chapitre entier, ne laisse aucune chance de s'en sortir à l'auteur des insultes proférées à l'encontre de Raymond Domenech à la mi-temps de France - Mexique : Nicolas Anelka, l'étincelle qui allait tout embraser. Le joueur de Chelsea - où il exerce son rôle d'attaquant de pointe avec plus de discipline - y apparaît comme un pyromane assumé, du début à la fin, jusqu'au mot d'adieu qui a embobiné les vingt-deux autres ("j'espère que vous allez faire quelque chose pour moi"). Quasiment comme un marionnettiste encore plus fort que Raymond Domenech dans l'art de jouer au lego avec les sentiments des autres. Vincent Duluc cite cette phrase "off" de l'ex-sélectionneur, sur laquelle il s'autorise une prescription. "A l'entraînement, il faisait exactement ce que je lui demandais. Il prenait la profondeur et tu te disais : 'ça y est, il a compris, au prochain match, il va nous amener ça'. Et au prochain match, il recommençait à décrocher... Parfois je me dis qu'il m'a manipulé."
Qui est à côté de qui dans le vestiaire
Sous la plume du journaliste de L'Equipe, enfin, les informations controversées du journal sont confirmées sur le fond et défendues dans la forme (sans que l'auteur du livre ait été le premier au courant de l'épisode ni l'auteur du papier le plus lu de l'année). Il décrit la scène du vestiaire de Polokwane, avec un sens du détail qui l'autorise à nommer qui était à côté de qui : "Tout le monde n'entend pas tout mais plusieurs entendent clairement : 'Va te faire enculer sale fils de pute'. Il y a aussi au milieu 'toi et ton système de merde'. On comprend vraiment que certains reprochent à L'Equipe d'avoir fait l'impasse sur ce passage dans sa fameuse une : c'est une délicatesse de plus qui manquait dans le décor." Le Livre Noir des Bleus se lit comme un roman psychologique, indissociable d'une unité de lieu et de temps oppressante, que n'atténuent guère les nombreux éclairages chronologiques proposés au lecteur médusé. C'est une thèse, sans aucun doute. Mais une thèse documentée et brillamment défendue, ce qui fait déjà beaucoup de différences avec celle des joueurs.
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